La course aux votes

17. Actualité archives 2007


Le Parti conservateur du Canada a choisi de s’associer, dans le cadre d’une stratégie de marketing politique, à une écurie de course automobile de la série NASCAR. Ainsi, les spectateurs du Grand Prix de Trois-Rivières, en août prochain, pourront voir le logo du Parti conservateur sur une des voitures. Le choix de ce sport est tout sauf anodin.


Les hommes politiques ont souvent utilisé le sport pour se donner une image jeune et dynamique. On n’a qu’à penser aux images du président français, Nicolas Sarkozy, qui fait son jogging, de l’ex-premier ministre québécois Robert Bourassa, qui faisait ses longueurs de piscine, ou de l’ancien premier ministre canadien Pierre Elliott Trudeau, qui sautait sur un trampoline. Bien que l’image de l’homme politique associée aux sports ait toujours été payante politiquement, les politiciens et les partis politiques ont toutefois intérêt à bien choisir leurs sports.
En effet, certains sports comme le golf (pourtant populaire chez les politiciens) peuvent avoir un impact négatif parce que jugés trop élitistes. Par contre, d’autres sports, tels le hockey au Canada et le baseball aux États-Unis, permettent au politicien d’afficher un sentiment d’appartenance nationale. D’ailleurs, aux États-Unis, tous les présidents américains (sauf Jimmy Carter), depuis Howard William Taft, ont ouvert la saison de baseball au cours d’une cérémonie où le président lançait la première balle.
Le choix de NASCAR
Le choix de NASCAR par le Parti conservateur du Canada sera sans doute très payant politiquement. Ce parti n’est d’ailleurs pas la première organisation à miser sur ce sport. Au cours des dernières années, l’armée américaine a choisi les circuits de courses NASCAR pour faire ses activités de recrutement.
Par ailleurs, George W. Bush avait lui aussi choisi ce sport durant la campagne présidentielle de 2004, et il semble bien que ce choix lui fut profitable. Tout au long de sa campagne, il ne manquait pas de se déplacer d’une course à l’autre de voitures NASCAR, sachant qu’une bonne partie des amateurs de course faisaient partie de ses supporteurs potentiels.
Son adversaire, John F. Kerry, a usé d’une moins bonne stratégie. Dans un premier temps, il avait eu la bonne idée de s’abstenir de montrer son attachement pour son sport préféré, le soccer, un sport jugé trop européen, alors qu’il tentait de se débarrasser de son image d’élite cosmopolite et francophile. Toutefois, Kerry s’est laissé photographier en train de faire de la planche à voile, ce qui a accentué son image de membre de l’élite de la Nouvelle-Angleterre, loin de l’Américain moyen. Pendant ce temps, George W. Bush avait su faire, lui, le choix du sport le plus près de son électorat et le plus payant politiquement.
Le NASCAR s’avérera un excellent choix pour les troupes du premier ministre canadien Stephen Harper pour plusieurs raisons. D’abord, une des courses se déroulera à Trois-Rivières, alors que le Parti conservateur souhaite faire des gains électoraux en Mauricie à la suite du succès électoral de l’Action démocratique du Québec dans cette région lors des dernières élections québécoises. Ensuite, le NASCAR est le deuxième sport le plus populaire à la télévision américaine et est de plus en plus populaire au Canada, en particulier dans les villes de taille moyenne, ce qui est justement l’électorat type du Parti conservateur.
Finalement, selon une étude de 2007 du Innovative Research Group, les électeurs indécis les plus susceptibles de voter pour les conservateurs sont des amateurs de sport. Qui plus est, contrairement à la Formule 1 jugée plus sécuritaire et élitiste, le NASCAR est vu comme une discipline très virile et conservatrice, mentalité typique du sud rural et profond des États-Unis d’après-guerre où le sport est né et qui est naturellement associée au Parti républicain aux États-Unis, et au Parti conservateur au Canada.
En politique, celui qui ne profite pas de l’image du sport court tout droit vers l’échec électoral. Le sport est synonyme de réussite et de victoire, de force et de pouvoir, des valeurs prisées par les politiciens. Ceux-ci et les partis politiques doivent toutefois choisir le sport qui aura l’impact le plus positif sur leur image.
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Philippe Bernier Arcand
L’auteur est candidat à la maîtrise en administration publique internationale, à l’ENAP.


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