La Convention de l'UNESCO sur la diversité culturelle entre en vigueur demain

Par Robert Pilon

17. Actualité archives 2007



Le 18 décembre dernier, le nombre de pays ayant ratifié la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles atteignait le seuil minimum requis de 30. La Convention de l'UNESCO entrera donc en vigueur le 18 mars (trois mois après avoir franchi ce cap de 30 ratifications, tel que le stipule le texte de la Convention), ce qui permettra d'enclencher le processus de mise en oeuvre de la Convention avec la tenue de la première conférence des parties.

L'entrée en vigueur de cette convention représente une immense victoire pour tous les pays, tous les responsables gouvernementaux et toutes les organisations représentant les professionnels de la culture à travers le monde qui ont milité avec constance et ferveur pendant près de dix ans pour que cette convention voie le jour.
Le mouvement des ratifications s'étant poursuivi en janvier et février, on compte à ce jour 53 pays ayant déposé leurs instruments de ratification. Et près d'une dizaine d'autres pays ont complété toutes les étapes de leur processus interne d'approbation et pourraient procéder au dépôt de leurs instruments au cours des prochains jours. C'est donc entre 55 et 60 pays signataires qui seront convoqués à participer, probablement en juin, à la première conférence des parties, ce qui marquera la fin de la phase I de la campagne de ratification, une phase qui aura connu un succès tout à fait remarquable.
Succès de la phase I
C'est en effet un succès remarquable d'abord en raison du nombre aussi élevé de pays, représentant déjà très exactement 50 % de la population mondiale, ayant ratifié cette convention moins d'un an et demi après son adoption par la Conférence générale de l'UNESCO en octobre 2005, un «rythme de ratification exceptionnellement rapide», selon le directeur général Matsuura. Ce l'est aussi parce qu'on retrouve des pays de tous les continents et de la plupart des grands ensembles linguistiques parmi les pays signataires. Ce l'est enfin parce qu'on y compte tout autant de pays dits émergents (Chine, Inde, Brésil, Mexique, Afrique du Sud) que de pays développés clés (Canada, France, Allemagne, Espagne, Italie).
Il faut rappeler que ce succès est le fruit du travail acharné de centaines et de centaines de participants à cette campagne de ratification dans des dizaines de pays à travers le monde, notamment des chefs d'État et de gouvernement, ministres de la Culture et hauts fonctionnaires des pays leaders (Canada, Québec, France, Espagne, Brésil, Inde, Chine, Afrique du Sud, etc.), de dirigeants d'organisations internationales (Union européenne, Francophonie, etc.) ainsi que de représentants des milieux culturels.
À cet égard, il faut souligner l'importante contribution apportée par le mouvement international des coalitions. Le processus de ratification de la Convention est en effet terminé ou quasi terminé dans 25 des 37 pays où existent ces coalitions. Pour sa part, la coalition canadienne, qui assure le secrétariat du Comité international de liaison des coalitions, en collaboration avec la coalition française, a poursuivi dans le cadre de la campagne un ambitieux programme international d'information et de mobilisation en menant 55 missions dans 35 pays entre novembre 2005 et mars 2006.
Objectif: 150 pays signataires
La coalition canadienne et tout le mouvement international des coalitions se lanceront dès les prochaines semaines dans la phase II de la campagne de ratification avec l'objectif d'atteindre au moins 125, voire 150 ratifications au cours des deux ou trois prochaines années. En effet, le nombre de 53 pays signataires -- ne représentant qu'à peine plus du quart des 192 pays membres de l'UNESCO -- demeure encore nettement insuffisant.
Pour que la Convention ait une véritable force juridique et politique, pour que sa mise en oeuvre soit vraiment effective, il est en effet impératif qu'elle soit ratifiée par un très grand nombre de pays, à l'instar de tous les grands traités internationaux. Ainsi, 150 pays sont membres de l'OMC, 169 ont ratifié le protocole de Kyoto et 152 la Convention sur l'interdiction des mines antipersonnel. À moyen terme, il n'y a aucune raison pour qu'il n'y ait pas un nombre aussi élevé de pays qui ratifient la Convention de l'UNESCO, d'autant plus que 148 pays ont voté en faveur du texte et seulement deux contre en octobre 2005.
Il faudra aussi s'assurer d'une représentation plus équilibrée de toutes les régions ou sous-régions du monde et de tous les grands ensembles linguistiques parmi les pays signataires. En effet, cette représentation laisse encore grandement à désirer. Ainsi, la région Asie-Océanie ne compte à ce jour que deux pays signataires (non des moindres toutefois puisqu'il s'agit de la Chine et de l'Inde), et le monde arabe, seulement deux (Tunisie et Jordanie). Du côté de l'Afrique, on compte déjà 11 ratifications, mais ce sont en majorité des pays de l'Afrique francophone, l'Afrique anglophone n'étant représentée à ce jour que par l'Afrique du Sud et la Namibie.
Par ailleurs, bien qu'une bonne majorité des pays d'Amérique du Sud ait terminé le processus de ratification ou soit sur le point de le faire, il n'y a encore que trois pays de la région Caraïbes-Amérique centrale qui aient fait de même. Enfin, si on compte déjà une dizaine de pays d'Europe de l'Est parmi les signataires, il reste que des pays clés de cette région, comme la Russie, l'Ukraine, la Pologne et la République tchèque, ne sont pas encore au rendez-vous.
Mise en oeuvre
L'originalité de la Convention de l'UNESCO, c'est qu'on y affirme formellement, pour la première fois dans l'histoire du droit international, le «droit souverain des États de conserver, d'adopter et de mettre en oeuvre les politiques et mesures qu'ils jugent appropriées pour la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles sur leur territoire».
C'est aussi la reconnaissance de «la nature spécifique des activités, biens et services culturels en tant que porteurs d'identité, de valeurs et de sens», qui de ce fait «ne doivent donc pas être traités comme ayant exclusivement une valeur commerciale».
Mais c'est une chose d'avoir un droit et c'en est une autre d'avoir la capacité et la volonté de l'exercer.
Pour que la mise en oeuvre de la Convention soit vraiment effective, il faudra en priorité renforcer la capacité institutionnelle et financière des pays en développement d'élaborer et de mettre en oeuvre des politiques de soutien au développement de leurs industries culturelles nationales.
Il faudra aussi mettre en place rapidement des mécanismes pour conforter la volonté politique de tous les États de ne pas renoncer à l'exercice de leur droit d'établir librement leurs politiques culturelles, notamment en accédant aux requêtes de libéralisation du secteur de la culture dans le cadre des négociations multilatérales ou bilatérales de commerce.
Voilà donc les deux tâches prioritaires qui attendent les participants de la première conférence des parties, en juin prochain.
Robert Pilon, Vice-président exécutif de la Coalition canadienne pour la diversité culturelle


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