Rappelons que c'est à la suite de prétendus abus et à la demande générale des Québécois francophones que le gouvernement libéral de Jean Charest a choisi de tenir cette commission sur les accommodements raisonnables.
Dans la situation politique actuelle, ce ne sont pas tant les immigrants qui ont un problème avec les accommodements que les Québécois francophones eux-mêmes qui, devant toutes les pratiques hétéroclites des différentes communautés qui les environnent, se sentent envahis et craignent de perdre leur identité culturelle.
Il s'agit avant tout de s'accommoder soi-même plutôt que d'accommoder les autres. Les Québécois se demandent s'ils peuvent stopper les manifestations d'identité culturelle d'immigrants qu'ils jugent et dénoncent comme étant excessives par rapport aux leurs.
Ce n'est pas tant le statut des cultures étrangères qui pose problème, que le statut de la culture québécoise elle-même. Il s'avère en effet que ce statut n'est toujours pas clairement défini et établi, le Québec n'ayant pas encore adhéré à la Constitution canadienne. Voilà le problème à la source de tous les maux.
Voyons-y clair: aucun accommodement n'est réellement en vue à la suite de cette commission. Dans le contexte sectaire qu'elle a créé, les immigrants n'ont qu'à bien se tenir et à rester, comme on dit, «low profile»; s'ils réclament le moindre accommodement, ils se verront vite rabroués et dénoncés comme mettant en péril l'existence même de la culture québécoise. Tout accommodement, si raisonnable soit-il, sera en effet vu comme un acte de défiance.
Privés d'une identité culturelle reconnue, les Québécois s'en prendront aux minorités culturelles et religieuses et feront preuve d'intolérance à leur égard. Le Québec risque d'y perdre ses immigrants à la faveur de la majorité anglo-canadienne plus tolérante et accueillante. Il ne fera alors que se refermer davantage sur lui-même et se verra privé d'apports culturels importants.
Rappelons qu'en ce moment, le Québec n'est qu'une province parmi d'autres dans un État multiculturel à majorité anglophone. Dans une situation aussi précaire, nous devrions nous montrer particulièrement accueillants et ouverts envers des immigrants qui acceptent de bonne foi, et malgré le contexte linguistique nord-américain, de venir chez nous vivre en français.
Ce serait plutôt à nous-mêmes et à notre manque de courage politique que nous devrions nous en prendre. Car tant et aussi longtemps que l'on ouvrira pas le dossier sur l'avenir constitutionnel du Québec, le statut de ladite nation québécoise restera indéfini. Nous ne saurons toujours pas qui nous sommes et d'incroyables ambiguïtés apparaîtront.
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Pierre Desjardins, Professeur de philosophie
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