Qu’on soit favorable ou non à la CAQ, il faut admettre que son accession au pouvoir a permis de débloquer certains aspects de la politique québécoise.
La question linguistique, par exemple, qu’il a décidé de prendre à bras-le-corps hier, a beaucoup souffert, depuis 1990, de l’opposition péquiste-libéral. Pendant cette période, le système bipartisan (à deux partis dominants) a presque toujours tétanisé le gouvernement en place.
PLQ traumatisé
D’un côté, les libéraux du Québec sont restés profondément traumatisés par l’utilisation, en 1988, de la disposition de dérogation (communément appelée « clause nonobstant ») par Robert Bourassa, qui souhaitait ainsi protéger l’affichage unilingue français de la loi 101, déclaré « ultra vires » par la Cour suprême. Trois ministres libéraux issus de la communauté anglophone avaient démissionné. Et l’année suivante, aux élections générales de 1989, le Parti égalité faisait élire quatre députés.
Le recours à la disposition de dérogation avait soulevé un tollé dans le ROD (Rest of the Dominion – si vous me permettez), et enflamma l’opposition à l’Accord du lac Meech. À la suite de ce psychodrame, on tenta, au PLQ, d’éviter autant que possible de retoucher au dossier linguistique de manière sérieuse.
PQ complexé
Dans l’autre camp, au Parti québécois, les choses ne furent pas plus simples. Après 1994, les gouvernements du PQ ont presque systématiquement abandonné les parties de programmes qui auraient permis de raffermir la loi 101. Il fallait cultiver la « paix linguistique » sur fond de mauvaise conscience.
Il suffisait que des observateurs et l’opposition reprochent au gouvernement péquiste en place de céder à sa frange « radicale » ; ou que quelque lobby l’enjoigne de s’occuper des vraies « vraies affaires », l’économie et la santé, pour qu’il abandonne ses projets.
Chaque parti avait donc une image et une histoire qui l’amenaient à ne rien faire.
La CAQ
Il semble que ce cycle du surplace, de l’inaction, se soit achevé le 1er octobre avec l’élection de la CAQ. C’est du moins l’impression qu’on avait hier lors de la conférence de presse de François Legault, Simon Jolin-Barrette et Nathalie Roy.
Je dis bien « il semble ». Je peux me tromper. Le gouvernement Legault ne s’est pas montré exemplaire en matière linguistique depuis son élection.
L’élimination du critère du français dans la sélection des immigrants, par exemple, est un pari risqué. Il implique que le système de francisation, qui fut dénoncé récemment par la vérificatrice générale, doit impérativement devenir, et en très peu de temps, incroyablement efficace ! Espérons que l’« omniministre » de l’Identité, Simon Jolin-Barrette, y arrivera.
La CAQ pourrait aussi vouloir n’agir ici que par tactique, afin de retirer au Parti québécois un autre élément de sa génétique. Il y a de cela ici, sûrement ; en même temps, on ne peut douter des réelles convictions, en ces matières, de Legault et Jolin-Barrette.
Bien sûr, « aucune mesure ne remplacera la volonté des Québécois de continuer à vivre en français », écrivait l’ancienne ministre Louise Beaudoin dans Le Devoir l’an dernier avant de s’interroger : « Est-elle toujours aussi forte, aujourd’hui ? »
Il faudrait en effet que dans nos écoles, dans nos canaux culturels, on retrouve des manières de réactiver cette volonté. Que notre gouvernement national dise vouloir agir en ce domaine est déjà un bon signe.