Les honneurs de l'Église

La béatificatiion de Jean-Paul II

une joie , de l'indifférence et pour certains, une énygme

Tribune libre



1. La joie de gens humbles et sincères

Il ne fait pas de doute que la nouvelle de la Béatification de Jean-Paul II au printemps prochain fasse la joie de milliers d’admirateurs et d’admiratrices qui l’auront vu ou suivi dans ses bains de foule lors de ses nombreux voyages à travers le monde. À n’en pas douter, il était investi d’un charisme qui lui gagnait facilement l’admiration et la sympathie des gens humbles, des gens de bonne foi, tous heureux et toutes heureuses de voir et d’entendre de si près l’homme et le pasteur. Sous bien des aspects, il était devenu une « star » comme le deviennent les chanteurs, les groupes musicaux, les grands sportifs. Sa personnalité et son charisme en faisaient naturellement un personnage qui atteignait le sommet de sa forme lorsqu’en présence de foules enthousiastes.

2. La joie de croyants intégristes et traditionnalistes

Cette béatification réjouira également ceux et celles dont la foi s’exprime et se reconnaît davantage dans les formes traditionnelles de l’Église que dans celles, plus modernes, générées par Vatican II. Jean-Paul II aura su mettre à l’ombre certaines réformes pour redonner de la vigueur à des formes plus traditionnelles de la pratique religieuse. Sur le plan doctrinal, il a mis à l’avant scène de ses grands combats, entre autres, les contraceptifs, le mariage des personnes de même sexe, l’avortement, le mariage des prêtres, l’ordination des femmes, le communisme et la théologie de libération. Sur le plan administratif, il n’aura pas donné beaucoup de substance à la collégialité voulue par Vatican II. Pendant ses 27 années de son Pontificat il aura renouvelé presqu’en totalité l’ensemble des évêques et des cardinaux. Inutile de dire que les orientations doctrinales et pastorales de ces nouveaux élus devaient correspondre, autant faire se peut, à celles du Pape. D’ailleurs, à partir de 1989, tous les élus à ces fonctions doivent faire un serment dans lequel ils reconnaissent, même sur des questions non définitivement clarifiées, « qu’ils adhèrent aux doctrines énoncées par le Pontife Romain ou par le Collège des Évêques, lorsqu’ils exercent le magistère authentique, même s’ils n’entendent pas les proclamer par un acte définitif. » Tout, en somme, pour rassurer et plaire aux tendances les plus conservatrices de l’Église et faire taire toute dissension au sein de l’épiscopat. Plusieurs y verront une influence directe de l’Opus Dei dont la présence est grande au Vatican et que certains considèrent même comme la main cachée qui décident des nominations, y incluse celle des papes.

3. L’indifférence d’un grand nombre

Pour plusieurs autres, il faut le dire, cette béatification, comme toutes les autres, ne signifie vraiment plus rien. C’est là une pratique héritée de siècles passés qui ne cadre plus avec les temps que nous vivons. D’ailleurs, quelle crédibilité peut-elle avoir alors qu’elle laisse de côté de véritables martyrs comme ce fut le cas de Mgr Romero au Salvador et de nombreux autres prêtres et laïcs, et qu’elle déploie un zèle rarement vu pour placer sur les autels le fondateur de l’Opus Dei, Josemaria Escriva, proche de Franco et de dictateurs latino-américains? Les gens ne sont pas sans se rendre compte qu’il y a là comme dans tous les pouvoirs, des jeux de coulisse, d’influence qui conduisent certains plus vite que d’autres aux honneurs d’une médaille, d’une promotion honorifique et, dans le cas de l’Église, d’une béatification et d’une canonisation. Cette procédure de l’Église n’a pas pour effet de modifier le sort réservé au défunt dans l’autre monde où le conduit son destin. S’il est avec Dieu il y demeure, et s’il ne l’est pas, il ne le deviendra pas plus avec béatification ou canonisation. L’objectif est de donner des modèles de vie au monde, mais cela ne peut se faire sans qu’interviennent des considérations idéologiques et, du fait même, partisanes. Le prêtre ou l’évêque assassiné en Pologne par des communistes sera vite considéré comme un martyr à imiter. Par contre ce même prêtre ou évêque assassiné par des dictatures militaires latino-américaines sera plutôt considéré comme suspect. En faire un exemple de foi serait malsain pour la communauté.

4. Des engagements politiques discutables

Un des points fort discutable du règne de Jean-Paul II est celui du rôle politique qu’il a joué en Amérique latine. Il aura été un ardent collaborateur des politiques du Président Reagan, entre autres, dans sa lutte contre le gouvernement Sandiniste et les forces révolutionnaires dans les autres pays de la région. On se souviendra de sa visite au Nicaragua, en 1983, où il s’est présenté comme un véritable chevalier qui allait remettre ce pays sur la voie de la démocratie et de la liberté. Les trois prêtres, participant à ce gouvernement à des postes ministériels importants (éducation, culture, relations extérieures) et cautionnant par leur présence le le caractère soi disant communisme et athéisme de ce dernier, seraient mis au pas. Qui ne se souvient pas de ce ministre de la Culture, ce prêtre poète, Ernesto Cardenal, qui l’attendait à sa descente d’avion? Agenouillé pour recevoir sa bénédiction, il a plutôt eu droit à une remontrance et à une démonstration d’autorité qui ne témoignait pas beaucoup du bon pasteur que nous présente le Jésus des Évangiles. Quant à la célébration eucharistique, devant des dizaines de milliers de personnes, elle ne fut guère mieux. Son discours, inspiré par les opposants au régime, devenait tout autant une insulte pour les partisans et partisanes du gouvernement et qu’une ingérence inacceptable. Il n’a eu aucun mot pour condamner les « contras » cette force de mercenaires, financée par le gouvernement Reagan, cherchant à renverser le gouvernement sandiniste. La veille seize personnes avaient été tuées par ces mercenaires et les mères de ces victimes auraient voulu que le Pape leur dise quelques mots d’encouragement et prie pour leurs fils et leurs filles tombées sous les balles de ces derniers. Il n’en fut rien. La cérémonie s’est terminée dans la confusion et il est vite reparti bredouille prendre son avion. Ces croyants et croyantes n’avaient pas reconnu le messager de l’Évangile, mais celui de Reagan.

Un autre moment ort aura été sa visite à Santiago du Chili, en 1987, toujours sous la direction du dictateur Augusto Pinochet. Le monde était en attente d’un Jean-Paul II capable, comme il l’avait été en Pologne, de parler haut et fort. Il s’attendait qu’il dénonce ces milliers d’assassinats, ces dizaines de milliers de torturés, de prisonniers et d’expatriés. Il a plutôt parlé du respect des libertés fondamentales, une manière bien diplomatique de ne pas entrer dans les détails. Le peuple Chilien s’attendait à ce qu’il parle de la démocratie, bafouée depuis 1973. Il n’en fut rien. Il a réservé une bénédiction spéciale à Pinochet et à ses proches. Dans ses interventions publiques il s’est fait très discret. Si ce n’eut été de cette intervenante, qui, laissant soudainement de côté le texte qu’on lui avait préparé, se mit à raconter au Saint-Père la douleur d’un peuple qui a été victime d’un coup d’État militaire suivi d’une répression sanglante comme jamais auparavant : arrestations arbitraires, assassinats, disparitions, tortures, emprisonnements et des dizaines de milliers d’expatriés. Voilà ce qu’il fallait que le monde sache et que sache Jean-Paul II. Inutile de dire que tous ces beaux personnages sur la tribune d’honneur ne savaient plus où se mettre. Il fallait cette femme toute frêle pour dire ces choses, même au risque de sa propre sécurité.

5. La Médaille de la liberté

C’est sans doute cette collaboration apportée aux politiques des États-Unis dans le monde et particulièrement en Amérique Latine et en Union Soviétique qui lui aura mérité cette médaille de la liberté que G.W. Bush lui a remise lors d’une visite planifiée à cette fin au Vatican, en 2001. Les partisans de ce type de liberté s’en sont réjouit, mais ceux qui en sont les victimes et les exclus, n’ont pu qu’en être profondément tristes. Le Seigneur n’a-t-il pas dit que « seule la Vérité vous rendra libre », mais voilà que cette médaille est remise par celui-là même qui allait mentir ouvertement au monde pour justifier l’invasion de l’Irak.

CONCLUSION

Jean-Paul II est certes un monument que l’histoire ne saurait ignorer. Bien des questions demeurent toutefois sans réponse et bien des interventions demandent des éclaircissements. Le temps permettra d’y voir plus clair. Il est toutefois dommage qu’il ait demandé, avant de mourir, que l’on détruise ses archives personnelles. Sans doute une source d’information importante pour comprendre ces moments de l’histoire à laquelle il a été étroitement associé. Pour sa part, Benoît XVI semble particulièrement pressé de procéder à cette béatification, dérogeant ainsi à la règle qui prévoit un délai de 5 ans avant d’entreprendre toute procédure de béatification et de canonisation. À ce que nous sachions, il n'y a pas feu dans la demeure ni de quoi justifier pareille dérogation à la procédure. Alors, d’où vient donc cette urgence?

Oscar Fortin
Québec, le 16 janvier 2011

Références du même auteur sur internet

http://humanisme.over-blog.com/arti...
http://humanisme.over-blog.com/arti...
http://humanisme.blogspot.com/2005/...

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Formation en Science Politique et en théologie. Expérience de travail en relations et coopération internationales ainsi que dans les milieux populaires. Actuellement retraité et sans cesse interpellé par tout ce qui peut rendre nos sociétés plus humaines.





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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    16 janvier 2011

    Tétraède : je vois que vous êtes pour le bien et contre le mal. G.W. Bush s’était lui-même défini contre le mal et pour le bien. Je suppose que dans l’humanité l’ensemble des personnes se définissent davantage en faveur du bien plutôt que du mal. Le problème est d’établir les références qui permettent à chacun d’établir les fondements du mal qu’il rejette et du bien qu’il choisit. Parler de l’Église c’est nécessairement se référer à Jésus de Nazareth. Pour lui le bien se retrouve en celui qui vient au secours du voyageur blessé, qui ne juge pas la prostituée que les âmes bien pensantes se préparent à lapider, celui qui est persécuté pour la justice, la vérité, qui agit de bonne foi et sans arrière pensé, qui ne juge pas.
    Le mal se retrouve en celui qui ne se préoccupe pas des malades, des personnes abandonnées, des laissés pour compte des sociétés. Le mal il se trouve dans l’hypocrite qui se donne des airs de grandeur, dans le docteur de la loi qui met sur les épaules des autres des fardeaux qu’il ne peut lui-même porter.
    Vous voyez que le critère évangélique pour distinguer le bien du mal est bien différent de celui que mettent au point les diverses doctrines qui nous conviennent. Bush avait la sienne, vous, vous avez la vôtre, certains courants de l’Église parlent avec des termes qui se ressemblent de choses souvent très différentes. Par exemple quand vous parlez de la théologie qui se fait promotrice de la violence, j’aimerais bien en connaître les sources. Par contre l’institution ecclésiale accompagne des armées dans des guerres qui sont par nature violentes et les cautionnent par ses prières et ses silences. C’est le cas de la guerre en Afghanistan et d’interventions violentes d’oligarchies comme ce fut le cas au Honduras en 2009. Le cardinal était partie prenante de l’intervention militaire pour déloger un président légitimement élu. Si vous me parlez de cette théologie, je suis alors bien d’accord avec vous, mais si vous pensez à d’autres théologies j’aimerais en connaître les sources. Peut-être pensez-vous à la théologie de libération. Si c’est le cas je vous dirai que ce sont ses promoteurs qui se font tuer et non l’inverse.
    Je termine tout simplement en vous posant ces quelques questions : d’où tenez-vous que le mariage des prêtres est un mal absolu, que le mariage des personnes de même sexe l’est tout autant et que l’ordination des femmes le serait tout autant?
    Au plaisir de vous lire de nouveau

  • Archives de Vigile Répondre

    16 janvier 2011

    Pourtant l'Église catholique est clairement et résolument contre le mal; que sont l'avortement , la polygamie, le capitalisme sauvage le communisme des goulags , la théologie qui se réclame de la violence , les mariages des homosexuels, le mariage des prêtres , la prêtrise pour les femmes, le divorce à la protestante , le sectarisme commercial, et toutes les autres aberrations qui avilissent les êtres humains .
    Et de croire qu'un jour l'Église catholique légaliserait le mal montre bien la mauvaise volonté des mouvements médiatiques anti catholiques qui de toutes façons détestent le moindre saint et sainte au profit de ceux qui font de la vie sur terre un enfer.