L’UPAC nie avoir intimidé Ouellette et défend ses techniques d'enquête

L’UPAC refuse de se plier à l’injonction du président de l’Assemblée nationale

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Une position intenable et une volée de bois vert bien méritée

Le grand patron de l’Unité permanente anticorruption (UPAC), Robert Lafrenière, défie le Parlement. Mardi après-midi, il n’a ni offert d’excuses ni déposé des accusations dans l’affaire Ouellette, comme le lui avait pourtant expressément demandé le président de l’Assemblée nationale, Jacques Chagnon, quelques heures plus tôt.



« Je suis bien en selle, j’ai une formidable équipe et je ne me sens pas du tout menacé », a lancé M. Lafrenière dans une sortie médiatique exceptionnelle.



Le député Guy Ouellette a été arrêté mercredi dernier dans le cadre d’une enquête de « vol [et de] diffusion illégale de documents confidentiels » provenant de l’opération Mâchurer — qui vise notamment l’ex-premier ministre Jean Charest, a confirmé implicitement M. Lafrenière après avoir longuement étayé les « dangers » des fuites médiatiques pour les enquêtes menées par l’UPAC. « Concurremment à l’analyse des perquisitions, nous procéderons à un nombre important de rencontres au cours des prochains mois », a poursuivi le directeur des opérations à l’UPAC, André Boulanger, repoussant la perspective d’un éventuel dépôt d’accusations criminelles contre M. Ouellette.



C’est M. Boulanger qui a donné le feu vert à l’arrestation — imprévue et sans mandat — de M. Ouellette après que celui-ci eut échoué à un « test d’intégrité » approuvé par le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) et la Cour du Québec, mordant à pleines dents à un « appât » agité par les policiers.



Aucune forme d’intimidation n’a été faite dans le cadre de ce projet ni dans le cadre d’aucun autre projet d’enquête. Cela aurait été inacceptable et jamais je n’aurais toléré cette situation. Je réfute avec véhémence cette allégation.


André Boulanger, directeur des opérations à l’UPAC




L’UPAC reçoit une volée de bois vert



Deux heures plus tôt, le président de l’Assemblée nationale avait enjoint à l’état-major de l’UPAC — et par ricochet au DPCP — d’« accuser » M. Ouellette ou de s’« excuser »auprès de lui. « Qu’on accuse ou qu’on s’excuse, sinon cette assemblée devra prendre les moyens pour défendre les fondements mêmes de son existence, soit la liberté, la justice et la démocratie », a-t-il averti en chambre.


Photo: Jacques Boissinot La Presse canadienneLe président de l’Assemblée nationale, Jacques Chagnon, a été longuement ovationné par l’ensemble des députés après sa mise au point.



« Les corps policiers et leurs unités doivent être redevables à leurs responsables politiques et au Parlement, sinon on accroît de beaucoup les risques de dérive totalitaires. […] Je vois des États où ces choses existent, mais pas chez nous. Enfin, je souhaite ne pas me tromper », a insisté le président de l’Assemblée nationale, qui a appris dans les médias l’arrestation d’un des élus du Parlement québécois.



En soirée, M. Chagnon s’est dit désolé de voir l’UPAC faire fi de son appel. « C’est très malsain. Ça ne peut pas durer longtemps. Je suggère à l’UPAC de s’enligner, de se mettre les yeux à la place des trous et de sortir ses accusations si elle a des choses à dire », a-t-il affirmé, n’arrivant pas à croire qu’un juge de la Cour du Québec ait appuyé la démarche de l’équipe de M. Lafrenière.



L’UPAC s’est quant à elle engagée à solliciter l’autorisation de l’Assemblée nationale afin d’accéder au contenu, potentiellement protégé par le privilège parlementaire, du matériel électronique et informatique de M. Ouellette saisi. « Je vais attendre d’avoir une demande », a rétorqué M. Chagnon, sur un ton de défi.



De son côté, le premier ministre Philippe Couillard s’est refusé à tout commentaire dans la foulée de la sortie médiatique de l’UPAC. Il avait invité l’unité policière à « donner publiquement le plus de précisions possible » sur l’arrestation de M. Ouellette.



Jamais, jamais ni mon bureau ni l’AMF n’ont été impliqués de près ou de loin avec des entreprises indépendantes pour être en mesure qu’elles aient leur autorisation de l’AMF


Marcel Forget, commissaire associé à l’UPAC




Guy Ouellette de retour à l’Assemblée nationale



Guy Ouellette a pour sa part dit à l’Assemblée nationale avoir été victime d’un « coup monté » de la part l’UPAC la semaine dernière au moment où la commission des institutions se préparait à tirer au clair des « irrégularités dans l’application de certaines règles de gouvernance » au sein de l’unité policière.



Pour l’ex-policier de la Sûreté du Québec, cette « tentative d’intimidation sans précédent » de l’équipe du commissaire de l’UPAC, Robert Lafrenière, constitue ni plus ni moins une attaque frontale contre la démocratie québécoise. Il s’agissait de sa première intervention depuis son arrestation par l’UPAC. « Les faits qui me sont reprochés n’ont aucun fondement », a-t-il insisté lors d’une allocution de moins de 4 minutes 30 secondes prononcée depuis le fond du Salon bleu, où les élus indépendants sont confinés.



Même s’il bénéficiait de l’immunité parlementaire, M. Ouellette s’est abstenu de détailler le système collusionnaire impliquant l’UPAC, l’Autorité des marchés financiers (AMF) et une firme de consultants privés, qui a été évoqué par l’analyste Annie Trudel au cours des derniers jours.



Deux arrestations



L’UPAC a aussi révélé mardi avoir menti à la presse en confirmant avoir procédé non pas à une, mais à deux arrestations la semaine dernière : celles de Guy Ouellette et d’Annie Trudel. Le communiqué de presse diffusé jeudi dernier était incomplet, contrairement à ce qu’indiquait la porte-parole de l’UPAC, Anne-Frédérick Laurence, lundi, dans un bref échange avec Le Devoir.



M. Lafrenière a en outre dit être « foncièrement convaincu » qu’il y aura des accusations autant dans l’affaire Ouellette que dans l’affaire Mâchurer.



Avec Marie-Lise Rousseau



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