«VIVE LE QUÉBEC LIBRE»

L’onde de choc ressentie jusqu’à Paris

De Gaulle - « Vive le Québec libre ! » - l'Appel du 18 juin 1940


Martin Pelchat - Quand il rentre en France après sa déclaration controversée, le général de Gaulle trouve plusieurs de ses ministres atterrés. Certains pensent qu’il a carrément déraillé. Selon divers témoins, il s’explique ainsi : « Il fallait bien que je parle aux Français du Canada. Nos rois les avaient abandonnés ». Et ajoute : « Je leur ai fait gagner 10 ans ».


De Gaulle avait annoncé ses couleurs
Dans divers dossiers, entre autres du ministère des Relations internationales, conservés aux Archives nationales du Québec, on peut constater que le général avait annoncé ses couleurs à propos du Québec. Une de ses notes datant de 1963 à propos d’un voyage en France de Lester B. Pearson, premier ministre canadien, précisait que « nous devons développer nos rapports avec le Canada tel qu’il est encore » mais que la France devait « avant tout, établir une coopération particulière avec le Canada français ». « Le Canada français deviendra nécessairement un État et c’est dans cette perspective que nous devons agir », insistait-il.
Quand se prépare, à compter de 1966, la visite au Québec du général, un haut fonctionnaire français écrit à André Patry, chef du protocole au bureau de Daniel Johnson, que son président cherche à éviter de devoir faire escale à Ottawa. Il est « très difficile au chef de l’État de se rendre à Montréal sans aller à Ottawa, ce qu’il ne souhaite pas », note-t-il.
Charles de Gaulle ne mettra finalement pas les pieds à Ottawa lors de sa visite de juillet 1967, mais pour une autre raison. Il vient à peine de quitter le balcon de l’hôtel de ville de Montréal, après sa déclaration fracassante, qu’un peu plus loin le premier ministre Daniel Johnson, surpris lui aussi, se tourne vers ses conseillers, dont Claude Morin. «Il a dit exactement ceci : “ On va avoir des problèmes. ”» Et c’est à la réaction fédérale qu’il pense. (Par ailleurs, Daniel Johnson fera plus tard remarquer au général qu’en référant au « Québec libre », il a utilisé le slogan de ses adversaires du Rassemblement pour l’indépendance nationale (RIN)).
« Certaines déclarations du président tendent à encourager la petite minorité de notre population dont le but est de détruire le Canada et comme telles, elles sont inacceptables», dénonce le lendemain Lester B. Pearson. Il n’en faut pas plus au général pour annuler sa rencontre prévue avec le premier ministre canadien.
Le 28 juillet, l’ambassadeur français à Ottawa fait rapport de l’impact de la déclaration sur le gouvernement fédéral. Il constate « une profonde blessure et il restera à savoir combien de temps elle mettra à se cicatriser ». Mais De Gaulle annote de sa main ce rapport : « La question n’est pas que la blessure de M. Lester Pearson soit cicatrisée. La question est que le peuple français du Canada ait la pleine disposition de lui-même. »
Dans un communiqué publié après son retour à Paris, le gouvernement français note que le président a été amené pendant son voyage à mesurer la volonté des Canadiens français « de parvenir, grâce, si possible, à l’évolution qu’accomplirait éventuellement l’ensemble canadien, à disposer d’eux-mêmes à tous égards, et en particulier, à devenir maîtres de leur propre progrès. (...) Prenant acte de cette vague indescriptible d’émotions et de résolutions, le général de Gaulle a marqué sans équivoque aux Canadiens français et à leur gouvernement que la France entendait les aider à atteindre les buts libérateurs qu’eux-mêmes se sont fixés ».


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