L’invisibilité sportive du Québec

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« À Miami dimanche, selon ce qui a pu être confirmé en haut lieu, un ami de LDT avait en sa possession un drapeau québécois signé du premier ministre Legault. »


C’est juste du football, lâchez la politique.


On a pu lire plusieurs commentaires de ce type à la suite du Super Bowl, sur les réseaux sociaux.


Plusieurs commentaient l’image du footballeur québécois Laurent Duvernay-Tardif tenant un drapeau du Québec, prétendument après le match. Image manifestement trafiquée : mauvaise couleur de gilet, logos des Patriots et non des 49ers sur un tableau indicateur.


Querelle


Sur l’original de la photo, LDT tenait, semble-t-il, un drapeau du Canada. Il n’en fallait pas plus pour déclencher une querelle de drapeaux bien de chez nous.


Certains rappelaient avec hargne qu’après la victoire olympique des sœurs Dufour-Lapointe à Sotchi, en février 2014, des photos retouchées circulèrent où le rouge et la feuille d’érable avaient été effacés et remplacés par du bleu et des fleurs de lys.


Il faut évidemment dénoncer la manipulation des images. Mais pourquoi apparaissent-elles périodiquement dans le cas d’athlètes québécois?


Pas d’équipe


En sport de haut niveau, le Québec est malheureusement invisible. Ce n’est pas le cas dans d’autres pays qui ne sont même pas des fédérations. Au Royaume-Uni, les Écossais et le pays de Galles, entre autres, ont leurs équipes de soccer.


Au Canada, ce dominion postnational ouvert à toutes les identités (oui, je suis ironique), il y a une pression subtile des autorités pour que les athlètes québécois s’abstiennent d’arborer le fleurdelisé.


Ces autorités trouvent d’ailleurs bien commode lorsque le pays hôte – à l’instar de la Chine en 2008 – proscrit carrément tout drapeau autre que celui des pays souverains.


À Miami dimanche, selon ce qui a pu être confirmé en haut lieu, un ami de LDT avait en sa possession un drapeau québécois signé du premier ministre Legault. Une rumeur (peut-être non fondée) voulait que le joueur ait voulu parcourir le terrain en l’exhibant, après la victoire. Il ne l’a pas fait (aurait-il eu le droit?), mais l’idée plaisait à plusieurs, qui l’ont commentée.


Identification


Certes, les nations se projettent toujours un peu trop facilement dans un ou une athlète. «Le Canada remporte cinq médailles»? Non, ce sont des humains bien réels qui les ont «remportées».


En même temps, on ne peut empêcher l’identification mutuelle de l’athlète et de son coin de pays. La présence de LDT au Super Bowl s’est traduite notamment par des cotes d’écoute bien meilleures que celle de 2019.


Notre époque se rêve «sans-frontières» et considère les nations comme étant dépassées. Celles-ci restent pourtant essentielles dans la manière dont une très grande partie des humains se définissent et cela entraîne un besoin de reconnaissance légitime.


Quand, au spectacle de la mi-temps, Jennifer Lopez a exhibé une cape aux couleurs du drapeau portoricain, elle a provoqué des larmes de joies et la chair de poule à San Juan, a rapporté l’Associated Press.


Tiens, cela me rappelle une phrase du philosophe Will Kymlicka : «Je ne peux imaginer aucune raison en philosophie libérale qui permettrait de conclure que les Américains ont le droit d’exister en tant que nation, mais pas les Portoricains ou les Québécois.»





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