Sommet sur l'enseignement supérieur

L’intention réelle !

Tribune libre

Le but premier du sommet, affirmé par le ministre de l’Enseignement supérieur M. Pierre Duchesne, est de « mettre fin à la crise étudiante ».
À cela, j’ajouterais le but non affirmé « tout en en obtenant l’accord des étudiants(es) de participer aux financements des universités ». M. Léo Bureau Blouin, qui défendait en campagne électorale le gel des droits de scolarité, tient maintenant un autre discours : « L’indexation est un compromis acceptable tant pour les étudiants(es) que pour la société. »
Comme le souligne Mme Lisa-Marie Gervais dans son article de samedi, « Éducation — Pour que passe le printemps… » (http://tinyurl.com/8l9aosh), ce sommet n’est-il pas comme tous les autres (commission parlementaire, groupes de travail, états généraux, forums et sommets…) que nous avons eus au cours des 50 dernières années, une mise en scène, un exercice politique pour faire accepter la participation financière des étudiants(es) au financement des entreprises. La méthode autocratique du printemps dernier n’ayant pas fonctionné, essayons une approche d’ouverture, de dialogue.
La question qui peut-être posée : Est-ce que cette fois-ci, cette approche fonctionnera? Et si oui, pour combien de temps? Depuis 1968, il y a eu 9 grèves d’étudiants(tes), soit une à tous les 5 ans!
Dans un premier temps, rappelons que nos gouvernements ont reconnu dans diverses ententes internationales la gratuité scolaire (études universitaires incluses) comme un droit fondamental de l’homme.

1) Engagements du Canada & du Québec extraient :
a) De la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) :
i) Chaque citoyen(ne) peut se prévaloir de tous les droits proclamés dans la DUDH, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe… de fortune, de naissance ou de toute autre situation;
ii) Protéger et de préserver les droits constituent une obligation…;
iii) Il ne sera fait aucune distinction fondée sur le statut politique, juridique ou international… que ce pays ou territoire soit indépendant, sous tutelle, non autonome ou soumis à une limitation quelconque de souveraineté. Le Québec y est donc assujetti.

b) Du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC)
i) Comme le PIDESC est une extension du DUDH, même si, selon la Constitution du Canada, l’éducation est une compétence provinciale, le Québec est lié au PIDESC :
ii) Ils (le Canada et le Québec) reconnaissent le droit de toute personne à l’éducation;
iii) Ils s’engagent à agir… en vue d’assurer progressivement le plein exercice du droit à l’éducation, sans discrimination aucune fondée… la fortune…;
iv) Ils s’engagent (art.13.c) à rendre l’enseignement supérieur (universitaire) accessible à tous & toutes, en fonction des capacités de chacun(es), par tous les moyens appropriés et notamment par l’instauration progressive de la gratuité;
(1) Les articles 44 & 45 de l’Observation générale 13 (1999) apportent les précisions suivantes sur l’interprétation de l’instauration progressive :
(a) Il signifie que les États partis ont pour obligation d’« oeuvrer aussi rapidement et aussi efficacement que possible » pour appliquer l’art. 13. c;
(b) S’il prend une mesure délibérément régressive, l’État doit apporter la preuve qu’il l’a fait après avoir mûrement pesé toutes les autres solutions possibles;

2) Extraits du Rapport Parent.
a) « 600. […] l’éducation est, tout comme la santé, un service social essentiel, indispensable pour l’individu comme pour la collectivité. »;
b) « 611. Si l’on veut que les jeunes de cet âge qui sont suffisamment doués prolongent leurs études au-delà du niveau secondaire […] il importe de faire tomber les barrières psychologiques qui ont certainement empêché jusqu’ici bien des jeunes gens de songer à entreprendre des études de ce niveau »;
c) Le gel des frais de scolarité au niveau universitaire fut adopté comme une mesure temporaire permettant à l’état québécois d’effectuer les autres réformes majeures du système d’éducation qui étaient à l’ordre du jour. « [Recommandation] (115) Nous recommandons qu'au niveau universitaire, bien que la gratuité scolaire soit souhaitable à long terme, les frais de scolarité soient maintenus. »

3) Extrait de La Ligue des droits et libertés, bulletin février 2012. http://tinyurl.com/9t7rph3
« Le PIDESC impose aux États membres des obligations aux États en matière d’accessibilité et de gratuité… Ces obligations commandent au Québec, en vue d’assurer le plein exercice du droit à l’éducation de prendre les mesures nécessaires afin que :
• L’enseignement primaire soit obligatoire, accessible et gratuit
• L’enseignement secondaire soit généralisé et rendu accessible notamment par l’instauration progressive de la gratuité;
• L’enseignement supérieur soit rendu accessible à tous et toutes en pleine égalité en fonction des capacités de chacun, notamment par l’instauration progressive de la gratuité ».
« Mentionnons qu’en 2006, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l’ONU avait condamné le Canada à propos de l’effet discriminatoire qu’avait, depuis 1998, l’augmentation des frais d’études sur les personnes à revenu modeste dans nombre de provinces et territoires et ce, malgré les mesures de soutien financier mises en place. Quant à l’argument du budget disponible pour progresser vers la gratuité des études universitaires, le Comité avait indiqué que ‹ les Canadiens ont un niveau de vie élevé et le pays a les moyens de leur assurer dans une large mesure la jouissance de tous les droits énoncés dans le [PIDESC] › ».
« Ajoutons à cet argument le fait que d’autres sociétés comparables à la nôtre ont fait le choix de la gratuité, notamment la Finlande. On peut d’ailleurs, à la lumière d’autres chiffres que ceux que nous livre le gouvernement du Québec, constater jusqu’à quel point le discours de ce gouvernement est trompeur. Ainsi, selon les pays comparés, les frais de scolarité imposés au Québec peuvent paraître être les plus bas (comparés à l’Australie, le Japon ou les États-Unis), ou les plus hauts (comparés à la France, l’Espagne ou les Pays-Bas)… »
« La lutte étudiante rappelle le Québec à l’ordre face à ses obligations en matière de droit à l’éducation et nous rappelle que nous avons aussi, tous et toutes, l’obligation de défendre et de promouvoir ce droit dans l’espace public. »

Dans un deuxième temps, au-delà de la politique, des lois, des engagements, il y a la justice du cœur, la vraie, l’affirmation des valeurs des Québécois(es), une expression de sa culture, de sa vision et de ses choix.
Quelques conclusions :
1) Nous ne respectons pas nos engagements. En fait nous nous en éloignons;
2) L’enjeu un droit fondamental, et non de 250 $ ou 200 $, ou une question d’indexation. Tous(tes) les Québécois(es) devraient être interpellés(es), et non seulement les étudiants(es). Sans notre support, la seule alternative des étudiants(es) est la grève;
3) L’exemple que nous donnons, le sens honneur, le respect & le courage de nos choix, de nos valeurs sont en cause;
4) Il est inacceptable qu’une communauté privilégiée comme le Québec n’ait pas, en 45 ans, structuré ses finances pour implanter progressivement la gratuité scolaire aux études postsecondaires;
5) Compte tenu des mouvements de contestations tant locaux qu’internationaux, il faut anticiper une forte de détermination;
6) Les défis de demain (que nous (les parents) avons créé… environnementaux, épuisements des ressources, appauvrissement, famine & souffrance, domination économique…) sont d’une complexité nouvelle, bien différents de ceux des années 60. N’est-il pas le temps d’une nouvelle commission sur l’éducation?
7) Solution. En présumant que l’éducation est toujours un droit fondamental pour les Québécois (es), la seule solution, celle que nous essayons d’éviter, de masquer, de manipuler, est la gratuité scolaire. Est-ce qu’elle doit être appliquée immédiatement? Là est peut-être le compromis : Gel des frais de scolarité pour les 3 prochaines années et réduction de 20 % par année pour la gratuité scolaire en 2020.

Michel Aubin, cultivateur


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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    18 octobre 2012

    Bravo M. Michel Aubin.
    Je crois que Mme Marois a joué au chat et à la souris lorsqu'elle a fait circuler la notion d'indexation raisonnable par l'intermédiaire de son jeune poulain, alors que ce devrait plutôt être une désindexation progressive vers une gratuité totale qu'elle aurait dû annoncer comme possible. Au contraire, elle s'est mise en situation de recul par rapport à ses promesses. Si notre première ministre s'imagine qu'elle va ainsi apaiser la grogne et préparer les gens au forum sur le financement des universités, elle se trompe grandement. Comme vous, je crains que ce forum ne règle rien et mette fin à la trêve étudiante. La souris aura été mangée par le chat, comme il se doit pour avoir joué à ce jeu.

  • Archives de Vigile Répondre

    14 octobre 2012

    Ce serait un bel héritage à laisser à nos enfants.Il faut que le gouvernement ait la volonté politique.