L’incorruptible

L’occasion de devenir l’homme du grand ménage - et de prendre une douce revanche sur ses détracteurs - a cependant dû lui paraître irrésistible.

Élection Québec 2012 - Bilan



François Legault avait l’air de crâner au printemps dernier quand il promettait de « mettre les meilleurs joueurs sur la glace », alors que les intentions de vote de la CAQ semblaient fondre comme neige au soleil dans les sondages. Sauf quelques transfuges carriéristes, qui serait assez fou pour s’embarquer dans cette galère ?
Force est maintenant de constater que M. Legault parlait sérieusement. À voir les recrues impressionnantes qui se sont rangées sous sa bannière au cours des derniers jours, il semble réellement y avoir du changement dans l’air. Des hommes comme Gaétan Barrette et Jacques Duchesneau ne sont pas du genre à se contenter d’un rôle de figurant.
L’ancien patron de l’Unité anticollusion du ministère des Transports avait causé une véritable commotion l’automne dernier en faisant lui-même couler son célèbre rapport dans les médias. Son adhésion à la Coalition avenir Québec (CAQ) pourrait avoir un impact tout aussi significatif sur la campagne électorale. Même s’il n’a rien voulu confirmer, le sourire épanoui que M. Legault arborait hier était on ne peut plus éloquent. En ajoutant les Dominique Anglade, Maud Cohen, Claire Samson, Christian Dubé, il se retrouve soudainement à la tête d’une équipe qui pourrait former un cabinet plus que convenable.
L’entrée en scène de M. Duchesneau a visiblement pris Pauline Marois de court. Malgré le goût très prononcé pour les feux de la rampe de M. Duchesneau, elle avait tenu pour acquis que cet ancien candidat à la mairie de Montréal avait définitivement renoncé à la politique, comme il le répétait à qui voulait l’entendre. L’occasion de devenir l’homme du grand ménage - et de prendre une douce revanche sur ses détracteurs - a cependant dû lui paraître irrésistible.
S’il incarne l’incorruptible par excellence, M. Duchesneau est aussi un véritable maverick, qui se fiche des consignes. De toute évidence, M. Legault ne craint pas de s’adjoindre des fortes têtes. Il s’en repentira peut-être un jour. Dans l’immédiat, la formidable crédibilité qu’elles apportent à la CAQ est cependant inestimable. Pour la suite des choses, on verra… Petit à petit, Jean Charest a fini par se débarrasser des Séguin, Couillard, Mulcair qui lui avaient tenu tête.
Cohérence oblige, il est bien difficile de voir une simple coïncidence entre le départ de l’agent officiel de la CAQ, Marc Deschamps, mis en cause dans le scandale du Faubourg Contrecoeur, et la candidature imminente de M. Duchesneau dans Saint-Jérôme. Jusque-là, même si le rôle joué par M. Deschamps était connu, M. Legault n’y avait rien vu de répréhensible.
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La chef péquiste a soutenu que le PLQ était celui qui avait le plus à craindre de M. Duchesneau. En réalité, c’est au PQ qu’elle fera le plus grand tort. Certes, l’ancien policier sait beaucoup de choses sur les méthodes de financement du PLQ et il a démontré qu’il pouvait faire bon marché des règles de confidentialité, mais il en sait autant sur les pratiques péquistes. Après les tentatives de dénigrement dont il a été victime de la part du PQ, aussi bien lors de sa nomination à l’Unité anticollusion que devant la commission Charbonneau, il n’a aucune raison de le ménager.
Fort des informations du rapport confidentiel qu’il a transmis à l’UPAC, il se fera sûrement un plaisir de réviser à la baisse la généreuse note de 8 sur 10 que le premier ministre Charest s’est lui-même attribuée pour les mesures de lutte contre la collusion et la corruption prises par son gouvernement.
Cela ne changera toutefois pas le plan de match libéral, sinon que l’arrivée de ce nouveau témoin à charge rend plus impératif encore de faire diversion en dramatisant la nécessité de défendre la loi et l’ordre. À cet égard, le rejet par la CLASSE de la trêve proposée par le PQ en attendant la tenue d’un sommet sur le financement et la gestion des universités est de bon augure pour les libéraux.
En revanche, avec l’arrivée de M. Duchesneau, le PQ risque de perdre son titre de champion de la lutte contre la corruption au profit de la CAQ. Même si la députée adéquiste de Lotbinière, Sylvie Roy, avait été la première à réclamer une enquête sur l’industrie de la construction, son statut d’opposition officielle avait permis au PQ de s’approprier le dossier.
Pendant que libéraux et péquistes vont se reprocher leurs accrocs respectifs à la Loi sur le financement des partis politiques et leurs fréquentations douteuses, qui contestera que Jacques Duchesneau, armé du « projet de loi 1 » sur l’intégrité promis par M. Legault, sera le plus apte à « remettre de l’ordre dans la maison » ?
Petite question en passant : pour être candidat dans Saint-Jérôme, l’incorruptible en chef a-t-il dû, comme les autres candidats, verser 25 000 $à la caisse caquiste ?


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