La SQ à Victoriaville: Encore des questions sans réponses

L'impunité doit être éliminée à tous les échelons des forces policières.

Un enquête publique indépendante s'impose

Tribune libre

Très intéressé par le reportage de l’émission Enquête mise en ondes le 28 mars 2013 à Radio-Canada, sur la conduite policière lors de l’émeute de Victoriaville, le 4 mai 2012, j’ai été plutôt surpris par l’angle d’attaque très limité de ce reportage. En gros, la journaliste, Sylvie Fournier, mettait l’accent sur les trois manifestants blessés gravement.
La journaliste nous en donnait un portrait rapide avec leurs commentaires sur ce qu’ils avaient vécu. Elle rappelait aussi, en parallèle, les manifestations du Sommet des Amériques en 2001. Elle a interrogé un blessé grave et une juriste qui avait été sur le comité de surveillance lors des du Sommet des Amériques. Il appert que l’utilisation de balles de plastique (polymère) dénoncé par ce comité n’avait pas eu de suivi. Finalement, la journaliste donnait, par un expert de la compagnie qui vend des Arwens 37, certaines données quoique contradictoires sur la portée, la précision et la dangerosité de telles armes. La journaliste ne mentionne pas que le projectile utilisé par la SQ est la plus dangereux (AR-1 Standard) par rapport à d’autres balles de plastique (Medium Energy, Reduced Energy, AR-1-Air).
Le coeur de l’enquête portait sur la remise en question de la version de la SQ sur l’origine des graves blessures subies par deux manifestants. Étant donné que la SQ n’a pas été interrogée par la journaliste (nous ne savons pas si la journaliste a fait des démarches pour rencontrer le capitaine Finet ou si les autorités policières ont refusé toute nouvelle entrevue), Enquête reprenait les différentes conférences de presse données par le capitaine Finet, responsable des communications, entre le 4 et 10 mai 2012. La SQ maintenait alors que l’ordre de tirer à l’unité d’élite (six tireurs) avait été donné seulement à 19 h., et que par conséquent les deux premiers manifestants blessés gravement ne pouvaient pas avoir été tirés par les policiers puisque ces personnes avaient reçu leurs blessures avant 19 h. Aucun mot sur le troisième manifestant dont les blessures s’apparentaient aux deux autres.

La journaliste avec un minutage très précis, concluait que deux blessés graves avaient été atteints entre 18h. 58 et 19h. 59 minutes et 45 secondes. Dans un cas, on retrouve même une balle de plastique vert tout près du manifestant. Ce minutage permettait de conclure que des tireurs de la SQ ont tiré avant 19h. Ce minutage serré pourrait aider les blessés qui intentent des poursuites contre la SQ.
La journaliste a laissé de côté plusieurs questions qui auraient permis de mettre en contexte la version policière donnée entre le 5 et 10 mai 2012.
1) Le nombre de policiers présents et le nom du policier de l’état-major ou au moins le grade de celui qui a donné l’ordre de tirer.

Alors que la journaliste évalue le nombre de manifestants autour de 2 000, elle n’aborde pas la question du nombre de policiers en fonction, surtout ceux qui faisaient partie des escouades anti-émeute. Est-ce un secret ? Au Sommet des Amériques à Québec en 2001, on dénombrait 6 500 policiers pour une foule estimée à plus de 60 000 manifestants. Pourquoi la journaliste évite cette question ? Dans un autre texte, avec nos pauvres moyens, nous avons tenté de dénombrer cette présence policière. Si comme nous le prétendons, le rapport policier/ manifestants était d’un pour cinq (alors qu’au Sommet il était d’un pour dix), il devient encore plus difficile de justifier les tirs de balles de plastique pour contrer cette manifestation.
Dans les vidéos présentées, on voit très bien que les policiers contrôlent les manifestants et les poussent dans une seule direction. Dans toute la documentation consultée, je n’ai jamais vu une estimation du nombre de policiers. D’autre part, le capitaine Finet fait partie des cent plus hauts-gradés de la SQ. Qui de l’état-major a donné l’ordre de tirer alors les manifestants ont été éloignés de l’hôtel Victoria et que les dommages à la propriété sont minimes (le maire Rayes de Victoriaville le reconnaît, le 6 mai, le lundi suivant lors de la réunion mensuelle du conseil de ville). En outre, la SQ rapportait seulement trois blessés légers chez les policiers (où était le policier qui selon les médias avait été frappé sauvagement à coup de barres de fer ?).
En résumé, il y a peu de blessés chez les policiers, les dommages sont très limités, les policiers contrôlent la foule et alors, un haut-placé de l’état-major donne l’ordre de tirer des balles de plastique. Les conditions minimales pour tirer des balles de plastique, soit des dommages importants à la propriété ou des policiers directement en danger, ne sont pas réunies. Pourquoi donner cet ordre et mettre en danger la vie des manifestants ?
2) Le rappel des événements du Sommet des Amériques, pourquoi ?
La journaliste rappelle la manifestation du Sommet des Amériques, sans mentionner que dès le 6 mai, ce sont le capitaine Finet chargé de l’information à la SQ et le député Poëti, ancien capitaine chargé de l’information de la SQ au Sommet des Amériques, qui sont les premières personnes, à avoir comparé la manifestation de Victoriaville à celle du Sommet des Amériques à Québec. Cette comparaison n’était pas fortuite. Elle permettait à ces deux personnes de justifier le tir de balles de plastiques puisque, selon eux, la manifestation de Victoriaville avait été aussi violente que celle du Sommet des Amériques.
Dans un autre texte, j’ai clairement indiqué que cette comparaison était pertinente sur seulement deux aspects : l’utilisation de balles de plastique et le nombre de manifestants blessés gravement. Pour Poëti et Finet, cette référence permettait peut-être de justifier une telle brutalité … La journaliste aurait dû mentionner cette tentative de manipulation grossière.
3) Le nombre de balles de plastique tirés par la SQ.
Je n’ai pas la preuve de ce que j’avance mais je doute maintenant que les six policiers de l’escouade d’élite aient tiré, selon la version de la SQ, 33 balles de plastique. D’une part, très peu de balles ont été retrouvées. La longueur de la balle est au moins de 11 centimètres, le diamètre est de 37 mm. et le plastique est de couleur vert. D’autre part, la proximité des manifestants et des policiers et la zone d’intervention très limitée, permettaient à ses tireurs d’élite de faire mouche à tout coup. Un des six policiers n’aurait tiré aucune balle; peut-être, a-il pris conscience que ce geste s’apparentait plus à du tir au pigeon d’argile ?
4) Le nombre de manifestants effectivement arrêtés au cours de la manifestation.
La SQ a mentionné que 105 personnes avaient été arrêtées en passant rapidement sur le fait que 101 personnes arrêtées, l’ont été après la manifestation. Elles provenaient essentiellement de trois autobus détournés sur la route et ramenés à Victoriaville. Dans les faits, il y a eu 4 manifestants arrêtés au cours de l’émeute. Il est clair que la SQ voulait grossir le nombre d’arrestations pour prouver que la manifestation avait été violente.
5) L’étrange comportement d’un policier.

Le reportage mentionne l’apparition d’un policier, qui, seul tente d’arrêter un individu au milieu des manifestants qui le frappent. L’action de ce policier fut la cause première de l’arrivée impromptue d’un camion de la SQ fonçant dans la foule et l’arrivée de tireurs de la SQ qui visent horizontalement les manifestants. Dans un autre vidéo que Radio-Canada ne nous montre pas, nous voyons que ce même policier se relever prestement et aller se cacher derrière des policiers de l’escouade anti-émeute.

Jamais, la journaliste ne se questionne sur la provenance de ce policier et sur son geste de procéder seul à une arrestation. Il aurait été intéressant que la journaliste s’intéresse à cet épisode car c’est à ce moment précis que les événements s’enveniment et que des policiers tirent des balles.
Depuis des mois, je demande le nom de ce policier âgé d’à peu près 40 ans qui est intervenu, en ne respectant pas la règle d’or des policiers dans une manifestation: ne jamais s’avancer seul vers des manifestants pour effectuer une arrestation. Ce geste irréfléchi ou réfléchi l’a mis en danger, a mis en danger d’autres manifestants et policiers. Tant que la SQ ne fera la lumière sur ce policier et des actions qu’il a posées, nous pouvons considérer que son geste d’arrêter seul un manifestant a provoqué le tir de balles.
Conclusion
À la lueur de ce reportage qui laisse encore plusieurs questions sans véritables réponses et la possibilité très vraisemblable que les tireurs d’élite de la SQ aient utilisé leurs armes avant 19 h., il ne fait aucun doute qu’un enquête publique indépendante doit être ordonnée par le gouvernement péquiste. La puissante influence de la SQ et du SPVM dans notre société exige de nos dirigeants élus démocratiquement que toute possibilité d’impunité soit éliminée.


Laissez un commentaire



2 commentaires

  • Lise Pelletier Répondre

    12 avril 2013

    M.Archambault,
    Depuis quelques années assez régulièrement, on apprend le suicide de jeunes filles ou garçons ayant perdu l'espoir de se défaire de l'intimidation propagée par les réseaux sociaux très fréquentés par les jeunes.
    Quel exemple leur a fourni les médias tout content de leurs cotes d'écoute lors du conflit étudiant, montrant les policiers frappant sur une jeunesse à peine plus âgée qu'eux.
    Quel exemple aussi que de voir JJ Charest et ses ministres autant féminins que masculins les traiter comme des moins que rien, leur mépris face aux leaders étudiants, ils étaient à des années-lumière de l'intégrité de ces jeunes.
    Parlant mépris, quel exemple aussi de Stephen Harper, lui le va-t-en guerre qui aime bien fournir la jeune chair à canon.
    Passons vite sur les économistes défaitistes leur martelant les oreilles de notre pauvre Québec et que leur avenir est bouché et naturellement encore pire s'ils ne parlent pas anglais.
    Je ne fais pas ici tout le tour de la question, quelques exemples seulement parmi une multitude d'autres faits.

  • Claude Richard Répondre

    12 avril 2013

    Questions très pertinentes et graves. Il s'agit ici de la vie humaine. Il s'agit aussi de manipulation de la police par le pouvoir politique. Le ministre Bergeron, qui n'est pas un mauvais ministre, doit, bien sûr, y aller délicatement avec la SQ, mais il ne doit pas s'empêcher de faire la lumière, même si cela doit en éclabousser quelques-uns. Qui, d'ailleurs, pourrait être plus éclaboussé que les fêtards libéraux de Victoriaville et leurs complices d'alors à la SQ?
    Merci, monsieur Archambault, de poser ces questions et de les étayer si solidement.