L'exploration gazière au vrai bénéfice des Québécois

Gaz de schiste

Renaud Lapierre - Monsieur André Caillé, président de l'Association pétrolière et gazière du Québec, présentait le point de vue de ces derniers, dans une récente opinion publiée dans Le Devoir. Bien que je ne puisse prétendre avoir une aussi longue carrière que celui-ci dans le domaine énergétique, n'ayant été sous-ministre adjoint à l'Énergie que pendant quelques années, je partage son point de vue, car je le crois sincère: il est dans l'intérêt du Québec d'exploiter intelligemment et de façon respectueuse de l'environnement les ressources gazières du Québec.
Cependant, là où mon opinion diffère de la sienne, en ce qui concerne l'expérience du Québec en cette matière, c'est que l'État — comme dans plusieurs pays du monde — plutôt que le privé devrait contrôler majoritairement le développement et la propriété de cette richesse collective.
Rappelons quelques faits. Monsieur Caillé se souviendra que, sans l'achat au début des années 1980 par l'État (par l'intermédiaire de la Caisse de dépôt et de SOQUIP) du contrôle de Gaz Métropolitain, auquel j'ai participé, il est peu probable que le gaz naturel serait offert sur une grande partie du territoire québécois et qu'il aurait vraisemblablement été lui-même président-directeur général de cette entreprise. Notons que les profits de Gaz Métropolitain quittaient à ce moment-là le Québec.
Si le gaz naturel doit connaître une nouvelle expansion au Québec, plus que jamais, et monsieur Caillé est d'accord sur ces points, nous devons le faire non seulement comme il le mentionne, de façon sécuritaire, en accord avec l'environnement et les aspirations des communautés locales, mais surtout sans compromis au profit de tous les Québécois et non à celui d'entreprises privées (les droits d'explorer étant par surcroît majoritairement détenus par des entreprises étrangères). Malheureusement, la mésaventure de BP, dans le golfe du Mexique, et plus proche de nous, celle de Shell, devraient nous convaincre sans nuance que seule une participation majoritaire de l'État dans ces projets est susceptible d'atteindre tous les objectifs mentionnés plus haut et de permettre une vraie transparence à toutes les étapes d'un tel projet.
L'indépendance énergétique du Québec pour des raisons urgentes et multiples, tant économiques (balance commerciale) qu'environnementales (diminution des émissions de GES), doit devenir un défi national prioritaire et nécessite, à mon sens, que l'on explore nos ressources gazières et pétrolières. Mais le gouvernement libéral actuel, bien qu'il tente d'utiliser cet objectif à son avantage, agit sans ligne directrice et multiplie les actions contraires. Ainsi, il a incité ou obligé Hydro-Québec, d'une part, à vendre sa participation dans Gaz Métropolitain pour au bénéfice d'un dividende ponctuel annuel plus élevé et, d'autre part, à fermer sa filiale Hydro-Québec Exploration.
Enfin, comble d'ironie, il lui a permis de céder ses droits d'exploration, notamment à l'île d'Anticosti. Et, comme si cela n'était pas suffisant, depuis l'intégration de SOQUIP à la Société générale financement, il a limité au maximum son action en matière de participation à l'exploration, annulé les redevances payables pour cinq ans sur certains puits et limité le rôle du BAPE dans l'analyse des impacts environnementaux de ces projets.
S'il fallait conclure, nous pourrions affirmer sans crainte que le gouvernement libéral a tout fait pour que le privé — majoritairement étranger — puisse engranger 100 % des bénéfices futurs dans ce domaine. Il est impératif qu'un gouvernement agisse dans le sens premier de l'intérêt collectif, car cet enjeu est capital.
Aussi est-il significatif de constater que la proposition que la chef du Parti québécois, Pauline Marois, vient de déposer pour discussion au prochain congrès du PQ, en 2011, aille directement dans ce sens et favorise une prise en charge majoritaire de l'État québécois de ces projets. Voilà le gage que ces ressources québécoises à notre disposition seront exploitées avec une véritable approche de «développement durable».
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Renaud Lapierre - Ex-sous-ministre à l'Énergie


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