L'exploitation d'une calomnie

Affaire Jan Wong et The Globe and Mail


Résumé d'une méchante calomnie: dans un article sur Dawson, Jan Wong, une reporter du Globe and Mail, attribue au racisme des " pure laine "... et à la loi 101 (!) les fusillades meurtrières de Montréal!
La théorie est si délirante que le réflexe instinctif est de hausser les épaules, comme on clique sur la touche " supprimer " devant un courriel débile ou haineux. Le problème, évidemment, c'est que ce n'est pas sur un site web qu'apparaissait le reportage de Mlle Wong, mais dans le journal de référence du Canada anglais.
On se devait donc de protester. Plusieurs l'ont fait, dans des lettres aux journaux. Yves Boisvert l'a fait dans sa chronique, et André Pratte a remis les pendules à l'heure de façon magistrale, et là où il le fallait, c'est à dire dans les pages du Globe and Mail.
Bon. Très bien. Il ne restait qu'à espérer que le Globe publie une mise au point désavouant les dérives de son reporter, dérives dont on s'explique mal qu'elles aient franchi l'étape de l'édition.
D'après moi, on aurait dû en rester là. Il y a tout de même une limite à déclencher un scandale national chaque fois que quelqu'un perd la boule au sujet du Québec. Mais voilà que nos premiers ministres s'en mêlent! Jean Charest publie une lettre de protestation indignée, et Stephen Harper lui emboîte le pas le lendemain.
Notons en passant que nos deux chefs politiques prennent bien soin de jeter le blâme sur Mlle Wong exclusivement, au mépris du fait que son journal est moralement et juridiquement responsable des articles qu'il publie. MM. Charest et Harper ménagent le journal (ils en auront besoin), c'est plus facile de s'en prendre à l'employée.
Mais surtout, en s'attaquant officiellement à un simple article de journal, MM. Charest et Harper ont rabaissé leur fonction. Un premier ministre devrait se réserver pour des choses plus importantes.
En utilisant leur poids politique contre deux paragraphes d'un mauvais reportage, ils ont donné à cet écrit une importance absolument démesurée. Cette sur-réaction ne fera qu'illustrer à quel point le Québec a la peau sensible.
S'il fallait une réplique au niveau politique, c'était au délégué du Québec à Toronto de le faire. Quand un journal canadien publie une énormité contre les États-Unis, ce n'est pas le président des États-Unis qui monte aux barricades, c'est l'ambassadeur américain au Canada.
Mais bien sûr, l'opportunisme politique est sans limite... En exploitant cette sotte calomnie, MM. Charest et Harper croient ainsi se gagner à bon marché, sur le dos d'une pauvre fille aveuglée par ses propres préjugés, une image de champion de la fierté québécoise. Hélas!, ils n'auront réussi, en transformant un fait divers en affaire d'État, qu'à donner du Québec l'image d'un petit pays frileux que même la critique la plus farfelue suffit à jeter par terre.
Cela rappelle la condamnation solennelle et unanime par l'Assemblée nationale d'un ancien commissaire aux Langues officielles, d'Iberville Fortier, qui avait eu le malheur de dire que l'anglais était " humilié " au Québec... La même mésaventure est arrivée à Yves Michaud. Dans quelle sorte de pays utilise-t-on la force et le prestige de l'État pour " punir " les écarts verbaux?
L'AFFAIRE FOURNIER. Un mot sur la triste histoire de Guy Fournier, qui s'était déjà mis la corde au cou avant d'être lynché par l'émission-vedette de l'institution qu'il présidait. Grande gueule, libre penseur, friand de blagues salées dont il ne réalise pas la portée, M. Fournier était aussi un remarquable artisan de la télévision, qu'il a servie, avec constance et talent, de toutes sortes de façons.
De source fiable, il appert que Radio-Canada perd avec lui son meilleur président du conseil. Contrairement à ses prédécesseurs, qui avaient transformé la fonction en poste honorifique, il prenait son rôle très au sérieux, et surveillait l'administration et la direction à la loupe. C'était, nous dit-on, le premier président du conseil à tenir tête au PDG Robert Rabinovitch. L'ironie, c'est que c'est ce dernier qui assume maintenant la présidence du conseil par intérim!
Certes, les remarques scatologiques de Guy Fournier projetaient une très mauvaise image de Radio-Canada. Mais ce n'est pas de lui qu'est venue la pire atteinte à l'image de l'institution. Quand une télévision publique se donne comme marque de commerce des émissions qui carburent à la vulgarité (Tout le monde en parle, la nouvelle série C. A, etc.), elle est mal placée pour jouer les vierges offensées.


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