Quand un homme ou une femme politique aux états de service aussi longs que ceux de Nathalie Normandeau quitte ses fonctions, il est de bon ton pour ses collègues de chanter ses louanges. D'un point de vue partisan, elle était indéniablement une perle.
Thomas Mulcair s'était insurgé contre la privatisation du Mont-Orford. Philippe Couillard avait torpillé le projet d'ériger le CHUM sur les terrains de la gare de triage d'Outremont. Monique Jérôme-Forget avait refusé net de cautionner le financement à hauteur de 100 % des écoles privées juives.
Nathalie Normandeau, elle, n'a jamais rechigné devant une commande du premier ministre. Elle a défendu jusqu'à la bêtise la décision de donner le feu vert à l'exploitation du gaz de schiste. Malgré l'évidence contraire, elle s'est également entêtée à gonfler grossièrement les retombées attendues du Plan Nord. Une parfaite exécutante.
La députée de Bonaventure avait indéniablement un talent que ses adversaires étaient les premiers à reconnaître. Elle était une communicatrice hors pair doublée d'une redoutable parlementaire, aussi bien à l'époque où elle siégeait dans l'opposition que depuis son entrée au gouvernement.
Jusqu'à l'été 2010, quand tout a basculé, elle avait fait un parcours sans faute. Contrairement à d'autres, comme Pierre Reid ou Kathleen Weil, à qui le premier ministre Charest a confié des responsabilités beaucoup trop lourdes pour un néophyte, elle a eu la chance de faire ses classes discrètement comme ministre déléguée au Développement régional et au Tourisme.
La négociation d'un nouveau pacte fiscal avec les municipalités était indéniablement un bon coup, mais M. Charest avait quand même laissé Jean-Marc Fournier régler le difficile dossier des défusions avant de la nommer aux Affaires municipales.
***
Mme Normandeau était une fonceuse, mais l'aplomb avec lequel elle pouvait proférer les pires énormités était renversant. Pendant des mois, elle a plaidé l'innocuité des techniques utilisées par l'industrie gazière avec une assurance qui n'avait d'égale que sa parfaite ignorance de ce dont elle parlait. Sa réflexion sur les effets polluants des pets de vache demeurera une pièce d'anthologie.
Un gouvernement a sans doute besoin d'exécutants qui ne se posent pas de questions, mais cela ne les qualifie pas nécessairement pour occuper les plus hautes fonctions. Même si plusieurs au PLQ voyaient — et voient toujours — Mme Normandeau prendre un jour la direction du parti, certains doutent qu'elle ait l'envergure requise.
Malgré sa descente aux enfers de la dernière année, la vice-première ministre demeurait un atout électoral pour le gouvernement, surtout en région. Selon le dernier baromètre politique de Léger Marketing, publié en juin, elle occupait le quatrième rang des ministres les plus populaires dans l'ensemble du Québec, derrière Marguerite Blais, Line Beauchamp et Christine St-Pierre, toutes de Montréal. Son départ laisse un trou béant dans l'est du Québec, qui n'a plus aucune représentation au cabinet.
M. Charest était sûrement sincère quand il a dit regretter son départ, mais elle lui a peut-être rendu un ultime service en lui donnant un excellent prétexte pour effectuer un remaniement ministériel plus important qu'il n'aurait fait autrement.
La nomination aux Ressources naturelles d'un homme aussi étroitement associé aux milieux d'affaires que Clément Gignac ne rassurera sans doute pas ceux qui craignent que les dés soient pipés dans le dossier du gaz de schiste, mais il fallait absolument le retirer des mains de Mme Normandeau. Sans mettre en doute les raisons d'ordre personnel qu'elle a invoquées, son départ a facilité les choses.
***
Le ministre des Transports, Sam Hamad, était devenu l'ennemi public numéro un des automobilistes montréalais. En revanche, il est très apprécié dans la région de Québec, qui sera un des principaux champs de bataille lors des prochaines élections. Sa mutation au Développement économique pourra être perçue comme une punition par les uns et une promotion par les autres.
Son successeur, Pierre Moreau, sentira la pression de ses électeurs de Châteauguay, bloqués quotidiennement sur les ponts. Ses talents de communicateur l'ont bien servi au Match des élus; on verra maintenant ce qu'il a réellement dans le ventre.
Quant à Yvon Vallières, on peut compter sur lui pour ne pas faire d'histoire avec Ottawa. Rarement aura-t-on vu quelqu'un avoir aussi peu le profil d'un ministre responsable des Affaires intergouvernementales canadiennes.
Si la perspective d'une élection partielle dans Bonaventure avait réellement embarrassé son chef, Mme Normandeau aurait sans doute accepté de différer son départ. Manifestement, ce n'est pas le cas. Le délai de 6 mois dont il dispose lui donne toute la latitude requise pour déclencher des élections générales dès cet automne ou attendre au printemps prochain, sans avoir à prendre le risque de perdre une autre forteresse libérale dans une partielle.
À moins que M. Charest décide de précipiter les choses pour prendre François Legault de vitesse. Face à un PQ déchiré et une ADQ en phase terminale, les libéraux auraient d'excellentes chances dans Bonaventure.
***
mdavid@ledevoir.com
L'exécutante
Mme Normandeau était une fonceuse, mais l'aplomb avec lequel elle pouvait proférer les pires énormités était renversant.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé