L'exclusion du Québec au Canada

On voit d’ailleurs quel genre d’individus ces partis unitaristes attirent

Chronique d'André Savard

Les adversaires du Bloc Québécois disent que la meilleure façon de représenter le Québec est d’envisager un certain nombre d’alliances, chaque cause québécoise pouvant recruter ses propres alliés naturels dans l’espace canadien. Chaque parti unitariste aurait sa base théorique pour défendre le Québec et un plus grand nombre de Québécois d’origine en leur sein rendrait juste cette défense plus efficace.
Le problème, c’est qu’il y a une présomption de consentement aux barrières qui ont été fixées au Québec chez ceux qui disent vouloir représenter le Québec au sein des partis unitaristes. On voit d’ailleurs quel genre d’individus ces partis unitaristes attirent.
Qu’est-ce qui les empêchait de commander la reconstruction d’un pont Champlain, sûrement pas le Bloc. Il n’est pas nécessaire d’avoir un grand nombre de députés pour s’aviser d’un problème de sécurité publique, comme le pont Champlain le représente. Soulignons que Christian Paradis a été ministre des travaux publics. Il a bien dû recevoir un papier disant qu’un pont prend de huit à dix ans à construire et que le pont Champlain a besoin de réfections coûteuses pour éviter l’effondrement.
Un Québécois ne peut faire carrière dans un de ces grands partis unitaristes s’il ne tombe pas dans l’opportunisme partisan le plus crasse. Ils se font tous un point d’honneur de considérer que la représentation du Québec se confond avec l’opportunisme partisan.
En qualifiant la pratique de la langue française de “combat du passé”, Larry Smith a émis une opinion qui fait largement consensus au Canada. Le français est légalement un choix individuel au Canada. Cela aurait dû marquer la limite atteinte, de l’avis de la majorité canadienne. Il n’est pas prévu que le français impose son usage autrement que comme résultat du bon vouloir individuel.
On aime bien le français en autant que cela compte parmi les bonnes différences canadiennes, celles qui rassemblent, pas celles qui divisent, vous dira-t-on. Et il y a des conditions pour que le français rassemble. Au Canada on croit que les idées profondes sont individuelles et que les mauvaises idées sont des erreurs de la masse. Vouloir faire du français une pratique de masse est donc suspect, et, pratique de masse équivaut à l’éveil de la bête identitaire.
Ces syllogismes forment comme un écran justificateur. Leur apparence de vérité, une vérité utile pour le régime, font qu’ils se reproduisent comme des vers d’oreille. Il est utile par exemple de présenter l’anglais comme une langue victime d’une purge au Québec, inspirée par l’hostilité envers l’ouverture sur le monde. Dites cela au Canada dans n’importe quelle station de radio et vous rencontrerez une oreille plus que bienveillante.
On représente le français comme imposé en vertu d’un mécanisme d’oppression qui rejette, exclut, refuse. N’importe qui faisant carrière dans une des trois grands partis unitaristes canadiens va baigner dans ces schémas historiques traditionnellement admis et il devra sa carrière à des gens qui y tiennent, voyant dans le français imposé au Québec un privilège de l’interdit et de la négation de l’autre.
Vous avez une grille avec ses cases noires et ses cases blanches. Du côté des positivités, vous avez le pluralisme, le libre choix de la langue, le Canada comme continuum essentiel. Du côté des négativités, vous avez le français imposé, l’ennemi politique qui représente la bête identitaire, le repli qui consiste à voir le Québec comme une entité en soi plutôt que comme une partie intrinsèque du Canada. Toute initiative de l’appareil canadien trouvera sa justification à travers cette grille.
Peu importe le parti, peu importe les individus, peu importe qu’ils soient d’origine québécoise ou anglo bon teint orangiste. C’est un milieu avec sa façon de se présenter les choses. Peu importe les Québécois qui feront partie du cabinet de ministres fédéraux, ils vont tous prétendre que la pratique actuel du pouvoir fédéral fait partie des manifestations de l’esprit nouveau qui ne manquera pas de séduire les élites ouvertes sur le monde et de modifier de fond en comble les moeurs politiques dans l’allégresse universelle des citoyens canadiens de bonne volonté.
Tous, Stéphane Dion, Josée Verner, ils ont tous été les messagers d’un esprit nouveau. S’ils se font répondre qu’il y a le point de vue du Québec, ils ajoutent qu’ils sont de la grande coalition Québec-Canada, celle réunissant les vrais nationalistes. Par contre, expliqueront-ils, ils ne font pas partie du Québec négatif, celui qui refuse. Ils sont de ceux qui acceptent le pays, ce mot « pays » désignant autant l’espace canadien que le jeu de ses impossibilités.
Stephen Harper n’a pas rabroué Larry Smith sur le principe. Il a même insisté sur le fait qu’il ferait un bon porte-parole pour Montréal. Cependant, Stephen Harper a noté son intention de respecter une compétence du ressort provincial, si tant est que la langue en est une, un point toujours à revoir, toujours en suspens.
Le pragmatisme des partis unitaristes canadiens veut que, sans soutenir ce qui est le plus contraire à ce qu’on peut croire, on ne s’y oppose pas frontalement, ou pas de manière continue.
Ce n’est pas toujours le bon temps pour dénoncer le combat pour le français, a-t-on dit à Larry Smith. Il y a un bon temps pour tout au Canada. Sagesse canadienne.
Entre-temps, ils vont continuer d’accuser les Québécois de s’exclure du système par réflexe tribaliste.
André Savard


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