Rapport du commissaire au développement durable

L'État n'a pas fait ses devoirs

Le gouvernement n'a pas évalué la rentabilité pour la province de l'exploitation des gaz de schiste

PLQ - La Grande Braderie des ressources naturelles


Alexandre Shields - Même si le gouvernement Charest et les ténors de l'industrie répètent depuis des mois que le gaz de schiste pourrait représenter une manne économique fabuleuse pour le Québec, le commissaire au développement durable affirme que rien ne permet de conclure que l'effet de l'exploitation de cette source d'énergie fossile sera positif.
Les propos du commissaire Jean Cinq-Mars sont en effet des plus limpides: «Les travaux relatifs aux retombées économiques et aux redevances attendues ne permettent pas de démontrer de façon satisfaisante que les bénéfices sont supérieurs aux coûts pour la société québécoise», écrit-il dans son rapport annuel 2010-2011 déposé hier à l'Assemblée nationale.
En fait, «à ce jour, le ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF) n'a procédé à aucune analyse d'impact socioéconomique à long terme» portant sur le développement de cette filière énergétique. Sans étude probante à l'appui, Québec affirme pourtant que le décollage de cette filière énergétique fossile pourrait générer des revenus nets de près de 450 millions par année dans les coffres de l'État.
Cette absence d'information n'a pas non plus empêché le ministre des Finances, Raymond Bachand, d'annoncer, dans son plus récent budget, des investissements de plusieurs millions de dollars qui profiteront en partie aux joueurs de l'industrie. Il s'est notamment engagé à mener une évaluation environnementale stratégique au coût de 7 millions, en plus de promettre des sommes supplémentaires pour la surveillance des puits et de reconduire certains crédits d'impôt pour l'exploration.
Les lacunes sont telles que le commissaire trace un lien entre la gestion du dossier du gaz de schiste et celle, déficiente, du dossier minier, révélée il y a de cela deux ans. «Dans le cadre du mandat de vérification portant sur le secteur minier, dont le rapport a été publié en avril 2009, nous avions constaté que le MRNF effectuait des analyses incomplètes des bénéfices et des coûts relativement à ses décisions. La situation observée est similaire pour le développement des gaz de schiste.»
«[...] Je dois conclure que le principe d'efficacité économique n'est pas encore intégré à la réalité québécoise en ce qui a trait à l'exploration et à l'exploitation des gaz de schiste», ajoute-t-il. Par exemple, «les droits pour l'attribution des permis d'exploration représentent un revenu annuel d'environ 200 000 dollars pour le Québec. En comparaison, la vente aux enchères des permis en Colombie-Britannique a généré, en 2008, un revenu total de 2,41 milliards de dollars». Il qualifie d'ailleurs les droits annuels de 10 ¢ l'hectare de «minimes».
Pourtant, rappelle M. Cinq-Mars dans son rapport, «en vertu des principes d'équité et d'internalisation des coûts, il est essentiel de prendre en compte les bénéfices et les coûts à long terme dans la préservation et la mise en valeur des ressources naturelles».
Le gouvernement Charest aurait d'ailleurs eu amplement le temps de mener tous les travaux nécessaires pour tenter de démontrer la viabilité économique d'une industrie basée sur l'exploitation d'une ressource non renouvelable dont les Québécois sont théoriquement les propriétaires. Le commissaire souligne ainsi que les libéraux se sont lancés pleinement dans l'aventure du gaz de schiste à partir de 2007. Il a toutefois fallu attendre l'été 2010, lorsque les grands médias ont abordé le sujet, pour que les citoyens apprennent l'existence de cette filière. Depuis, les rapports faisant état des lacunes dans la gestion de cet épineux dossier ne cessent de se multiplier.
Par ailleurs, le ministère dirigé par Nathalie Normandeau n'exerce pour ainsi dire aucun contrôle sur tout le volet des travaux qui doivent obligatoirement être réalisés par une entreprise pour qu'elle puisse conserver ses permis d'exploration. Cela permet aux entreprises de «réduire leurs investissements financiers tout en conservant leur permis de recherche».
Elles doivent en théorie investir 2,50 $ pour chaque hectare de permis. Mais dans les faits, le ministère ne surveille pas si les dépenses déclarées par les gazières sont valides. «Des situations tolérées vont à l'encontre de la réglementation, affirme M. Cinq-Mars. Il ne vérifie pas les liens entre les dépenses et les permis de recherche ni n'obtient de déclaration annuelle des entreprises relative aux sommes dépensées pour ces permis.»
Le MRNF assume pleinement ses responsabilités en matière de suivi auprès des détenteurs de permis, a répliqué hier la ministre Nathalie Normandeau. Selon ses affirmations, un membre du personnel du ministère a été déplacé pour ne pas avoir effectué correctement le suivi.
Quoi qu'il en soit, dans le contexte, «on peut se demander si les redevances sur les volumes de gaz extraits au cours des prochaines années parviendront à compenser les faibles revenus liés à la délivrance des permis et aux travaux d'exploration». Selon le commissaire, il importe notamment de prendre en compte l'ensemble des mesures fiscales offertes aux gazières avant de conclure à la rentabilité de l'exploitation.


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