L'ennemi à l'intérieur

Pour l'avoir observée de près depuis plus de vingt-cinq ans, je peux témoigner qu'elle n'a rien d'une snob, mais cela ne change rien au problème.

Élection Québec - le 8 décembre 2008 - les souverainistes en campagne

Il était prévisible qu'à un moment ou l'autre de la campagne, la mauvaise image de Pauline Marois défraie les manchettes. De la «toilette silencieuse» au «château» de l'île Bizard, trop d'incidents sont survenus au fil des ans pour qu'il ait pu en être autrement. Ce qui est plus étonnant, c'est que le problème soit mis en lumière par son propre camp.
Il est normal et même rassurant que les stratèges péquistes aient constaté et tenté de corriger la perception négative que plusieurs ont de Mme Marois. Il ne faut pas être un grand spécialiste de la communication pour comprendre que l'utilisation de son simple prénom sur les pancartes péquistes vise à la rapprocher des gens.
Pour l'avoir observée de près depuis plus de vingt-cinq ans, je peux témoigner qu'elle n'a rien d'une snob, mais cela ne change rien au problème. Dès le départ, elle a choisi de ne pas cacher son aisance matérielle et elle doit en payer le prix.
Un document à circulation restreinte comme celui qui a fait l'objet d'une fuite dans La Presse n'est cependant pas destiné à se retrouver sur la place publique. La chef du PQ ne s'y est pas trompée: «Parfois, il y a des gens qui peuvent être malveillants.»
En ce début de campagne, on pourrait même parler de sabotage. Il n'est pas difficile d'imaginer le climat de méfiance qui règne maintenant dans l'entourage de Mme Marois. Qui est la taupe? Déjà, la paranoïa fait partie de la culture péquiste et la source de La Presse avait manifestement accès à des informations stratégiques confidentielles.
S'il faut y voir un bon côté, c'est qu'il serait maintenant assez gênant pour ses adversaires de rappeler «l'implication de Claude Blanchet dans certains dossiers, comme la Gaspésia» et de «miner la crédibilité de Pauline Marois en s'attaquant à elle via son conjoint». La chef du PQ a beau dire qu'elle en a vu d'autres, elle a accusé le coup. Le reste de la campagne s'annonce assez stressant merci.
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Comme si cela ne suffisait pas, voilà que l'éternel débat sur le référendum refait également surface. Après le bras-de-fer auquel le Conseil national de mars dernier a donné lieu, Mme Marois pouvait raisonnablement espérer avoir la paix au moins jusqu'aux élections. C'était compter sans le SPQ Libre.
Quand elle a été élue chef, Mme Marois s'était bien promis de se débarrasser de ce club politique, sorte de parti dans le parti, dont Bernard Landry avait autorisé la création. Elle a cependant réalisé que les nouveaux statuts du Parti rendaient la
chose très difficile et qu'elle risquait de provoquer de graves divisions. Peut-être aurait-elle dû prendre ce risque.
S'il y a une qualité qu'il faut reconnaître à l'aile radicale du PQ, c'est bien la résilience. Depuis la fondation du Parti, ceux qu'on a appelé tantôt
les «orthodoxes», tantôt les «caribous» ou les «purs et durs» ont souvent plié, mais ils ne renoncent jamais.
Contrairement à la «feuille de route» de 2007, la plate-forme électorale qui sera rendue publique cet après-midi à Saint-Eustache ne contiendra aucun engagement relatif à la tenue d'un référendum. Au-delà de la rhétorique, on ne voit pas très bien ce qui changerait concrètement sur le plan constitutionnel avec un gouvernement péquiste.
Lundi, le président et le secrétaire du SPQ Libre, Marc Laviolette et Pierre Dubuc, lanceront un recueil de textes dont le titre dit tout: Sans référendum, pas de souveraineté. «Sans l'échéance du référendum [le mouvement souverainiste] risque la dispersion, le fractionnement, l'étiolement. Seul le rendez-vous référendaire oblige à cibler sur l'essentiel, à discarter l'accessoire et à sonner le rappel des troupes.»
Ils reviennent donc à la charge avec l'idée de tenir un référendum à l'initiative de la population. Si un nombre suffisant d'électeurs, par exemple 10 %, signaient un registre ouvert à cet effet, le gouvernement serait tenu de tenir un référendum dans l'année qui suivrait.
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On ne peut que s'interroger sur le «timing» de cette publication. Même si le SPQ Libre ne représente qu'une petite minorité au sein du PQ, Mme Marois n'avait certainement pas besoin qu'il offre à ses adversaires une aussi belle occasion de dépoussiérer l'épouvantail référendaire, alors que les électeurs sont à la recherche de stabilité économique.
Même sur le terrain, les «purs et durs» donnent du fil à retordre à la direction du Parti, qui a manoeuvré de façon parfaitement anti-démocratique pour empêcher l'ancien député de l'Assomption entre 1996 et 2007, Jean-Claude Saint-André, d'y être à nouveau candidat, lui préférant l'ancien chef du Parti Vert, Scott McKay.
Plusieurs au PQ tiennent M. Saint-André pour un enquiquineur, mais il est surtout un tenant de la stratégie dite des «gestes de rupture» mise de l'avant par le directeur de l'Action nationale, Robert Laplante. L'Assomption est un comté que le PQ pourrait très bien reprendre à l'ADQ, et on peut comprendre que Mme Marois soit horrifiée à l'idée de voir M. Saint-André revenir au caucus.
En vertu des statuts du PQ, le conseil exécutif national doit avoir des raisons graves pour refuser à un membre en règle le droit d'être candidat à une assemblée d'investiture. Dans le cas de M. Saiont-André, il n'a pas précisé lesquelles. Est-ce uniquement en raison de ses opinions sur la façon de mener le Québec à la souveraineté ou y a-t-il autre chose? Les Jeunes patriotes du Québec ont décidé d'en faire un martyr de la démocratie et projettent une manifestation. La télévision sera certainement invitée.
Quoi qu'on pense de l'à-propos de l'initiative du SPQ Libre ou du cas de M. Saint-André, il demeure que le malaise persiste au sein du mouvement souverainiste. À quel point la quête du pouvoir implique-t-elle de renoncer de facto à celle de souveraineté? Le débat risque de reprendre avec une nouvelle vigueur à compter du 9 décembre.


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