En octobre 2005, Pauline Marois n'avait pas mis de temps à se distancier du «Manifeste des lucides», dont elle dénonçait la «vision pessimiste», même s'il portait la signataire de gens que l'on savait proches d'elle, notamment son ancien collègue Joseph Facal et l'économiste Pierre Fortin.
«Il y a beaucoup d'éléments avec lesquels je ne suis pas d'accord. Un certain nombre de mesures vont complètement à l'encontre de ce que je propose», disait-elle. Un de ces éléments était le dégel des droits de scolarité. «Vous connaissez ma position. On doit les laisser gelés au niveau où ils sont.»
Ce jour-là, Mme Marois se trouvait dans un amphithéâtre à moitié vide de l'Université Laval. Lors de la visite d'André Boisclair, deux semaines plus tôt, il était comble. Le mince espoir qu'elle pouvait encore entretenir de coiffer son rival au fil d'arrivée était de rallier tous les «solidaires» autour de sa propre candidature.
Le texte qu'elle publie aujourd'hui dans les journaux permet de découvrir un (petit) peu mieux l'autre Pauline Marois, même s'il demeure aussi avare de détails que son discours du 13 mai à Longueuil. Cette première intervention majeure en six semaines constitue sûrement un record de discrétion pour une candidate à la direction d'un parti politique.
En 2005, l'aile gauche du PQ voyait en M. Boisclair le candidat de la droite, mais le texte de la future chef du PQ est indiscutablement d'inspiration «lucide». La phrase suivante pourrait très bien être tirée du Manifeste: «Nous avons manqué du courage nécessaire pour proposer des changements devenus incontournables pour notre société.»
On ne lui connaissait pas cette préoccupation de «l'endettement collectif qui risque de condamner nos enfants à être écrasés sous un fardeau intenable». À l'époque, elle semblait se satisfaire volontiers d'une diminution progressive de la dette par rapport au produit intérieur brut.
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Mme Marois a d'indéniables qualités, dont une vaste expérience de la gestion de l'État, mais c'est bien plus une opératrice qu'une penseuse. On pouvait être en désaccord avec la philosophie interventionniste de Bernard Landry, mais il y croyait vraiment, tandis que Mme Marois semble toujours adapter sa vision à la conjoncture.
Une des conclusions qu'elle dit avoir tirées des résultats du 26 mars dernier est que la population ne se reconnaît plus dans «certains dogmes qui prévalent au Québec depuis la Révolution tranquille» et que le PQ avait fait siens dès sa création.
Il est vrai que la percée de l'ADQ laisse croire que les Québécois sont maintenant disposés à revoir certaines façons de faire, sinon le rôle même de l'État, et à envisager des «formes nouvelles et audacieuses de collaboration avec le secteur privé».
Le PQ a sans doute intérêt à se mettre au diapason de l'électorat, mais Mme Marois connaît trop bien son parti pour s'imaginer que tout cela passera comme une lettre à la poste. À l'issue de sa grande tournée des régions, André Boisclair avait conclu que les chicanes étaient chose du passé. À l'entendre, le «nouveau PQ» était méconnaissable. On connaît la suite.
«Il n'y a rien qui ne puisse être remis en question», affirme Mme Marois. Elle s'est bien gardée de préciser ce qu'elle a en tête, mais le PQ ne semble déjà plus envisager un boycott des travaux du comité Castonguay sur les services de santé. Comme dans le cas des droits de scolarité, il y a clairement évolution.
Quand la ministre des Finances en avait annoncé la création, la réaction péquiste avait pourtant été très négative. Le caractère public, universel et gratuit des services sociaux, particulièrement des services de santé, a toujours été considéré comme non négociable au PQ.
Le renvoi du référendum aux calendes grecques déplaira sans doute à plusieurs, mais l'option souverainiste elle-même n'est pas remise en question. D'ailleurs, même si les «purs et durs» ont toujours monopolisé les micros, la majorité silencieuse au sein du parti n'approuvait pas leur entêtement à vouloir tenir un référendum coûte que coûte. En revanche, le credo social-démocrate a toujours fait consensus. Lors de la publication du Manifeste des lucides, Jacques Parizeau l'avait très bien exprimé en parlant d'un «remarquable document d'Halloween».
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D'entrée de jeu, les dirigeants du SPQ Libre avaient accueilli la candidature de Mme Marois en publiant dans Le Devoir un texte qui mettait le PQ en garde contre une «dérive droitière» suicidaire. Sa nouvelle dénonciation de la «peur de la richesse» n'est certainement pas de nature à les amadouer.
Malgré la méfiance que suscitait André Boisclair dans les milieux progressistes, la plate-forme électorale du PQ n'avait pas donné beaucoup de prise à Québec solidaire durant la dernière campagne électorale. Françoise David a cependant bien vu les perspectives que pourrait lui ouvrir le virage de Mme Marois. «Quand elle dit qu'elle veut revoir la social-démocratie, cela n'augure pas très bien. En général, ceux qui ont tenu ce discours, c'était pour effectuer un virage à droite», a-t-elle déclaré dimanche.
Au-delà du discours, il reste à voir jusqu'où iront concrètement les remises en question. Il ne faut pas sous-estimer la force d'inertie du PQ. Quand, il avait lancé la «saison des idées», Bernard Landry avait dit lui aussi que tout était sur la table, sauf la souveraineté et la social-démocratie. Au bout du compte, les délégués au congrès de juin 2005 ont adopté un programme qui contenait simplement un peu plus de l'une et l'autre.
Même si Joseph Facal et consorts ne seront certainement pas à court de suggestions, Mme Marois n'a jamais été très portée sur la confrontation. Pendant des années, elle a plutôt revendiqué le rôle de conciliatrice. Il est vrai qu'à l'époque, personne n'aurait pu l'imaginer mettant Gilles Duceppe K. O. Nous avons maintenant affaire à l'autre Pauline.
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mdavid@ledevoir.com
L'autre Pauline
Mme Marois a d'indéniables qualités, dont une vaste expérience de la gestion de l'État, mais c'est bien plus une opératrice qu'une penseuse.
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