L'art de nettoyer l'ardoise...

Recomposition politique au Québec - 2011



On se souviendra peut-être qu'à la fin de la session de l'automne 2010, Jean Charest avait promis de «nettoyer l'ardoise» de son «annus horribilis» en revenant en 2011 avec un tout discours discours inaugural et son fameux Plan Nord... http://www.voir.ca/blogs/jose_legault/archive/2011/01/26/nettoyer-l-ardoise.aspx
Donc, M. Charest disait vouloir nettoyer son ardoise. Une ardoise barbouillée d'éclaboussures de Bastarache, de Bellemare, de post-its embarassants, d'agendas perdus et retrouvés, d'influents collecteurs de fonds à leur aise jusqu'au bureau du PM, d'exploiteurs impatients de gaz de schiste et, bien sûr, encore et toujours, de corruption et de collusion dans la construction. Entre autres choses aussi peu plaisantes....

Mais oups. Son discours inaugural passa inaperçu, ou presque. Tandis que son Plan Nord demeurait aussi mystérieux que le secret de la Caramilk.
Puis vient le recrutement de l'ex-ministre péquiste Diane Lemieux à la tête de la Commission de la construction du Québec. (Pauline Marois, lorsqu'elle est devenue chef, lui avait retiré son poste de leader de l'opposition. Résultat: Mme Lemieux quitta le PQ.)
Enfin - comme je le révélais le 27 janvier sur mon blogue en exclusivité -, vint le recrutement par la compagnie albertaine Talisman Inc. de l'ex-chef du PQ, Lucien Bouchard, comme lobbyiste en chef de l'industrie du gaz de schiste.
Bref, deux ex-péquistes volaient maintenant à l'aide du premier ministre dans les deux dossiers les plus épineux pour son gouvernement: la corruption et la collusion dans la construction ainsi que l'exploration et l'exploitation du très controversé gaz de schiste.
Et pourtant, pour toutes sortes de raisons, ces deux nouveaux alliés objectifs ne l'aideraient en rien à nettoyer l'ardoise dans ces deux dossiers...
Or, en bout de piste et en bout de session - in extremis - ce sera finalement Pauline Marois qui aura le plus aidé Jean Charest à nettoyer son ardoise... Du moins, un tout petit coin de celle-ci. Et pour combien de temps vraiment? Ça, personne ne le sait.
Qui l'eût cru?
Mais en fait, la chef du Parti québécois n'aura pas tant «nettoyé» l'ardoise du premier ministre - la tâche étant herculéenne en soi -, qu'elle n'aura contribué à éclabousser sa propre ardoise politique et celle de son parti.
Et elle l'aura fait en perdant quatre députés en deux jours. Des démissions dont les motivations étaient multiples, mais qui furent néanmoins, disons, provoquées par sa gestion mal avisée du dossier du projet de loi privé Labeaume-Maltais (204) encadrant l'entente entre Quebecor et le maire Régis Labeaume pour la gestion du futur amphithéâtre de Québec.
***
Il était temps que la session finisse...
Ce vendredi marquait la fin de la session parlementaire à Québec...
Disons-le crûment: il était temps qu'elle finisse.
Pour Pauline Marois et le PQ, ce fut une semaine infernale - démissions fracassantes de quatre députés en vue, dont un est allé jusqu'à demander la démission de sa chef.
Un peu comme si l'effondrement du Bloc, le 2 mai dernier, n'avait pas suffit au Parti québécois comme thérapie de choc.
Lors de son bilan de fin de session, Mme Marois est apparue au micro avec son «équipe» de députés derrière elle, en mettant les plus jeunes à l'avant.

Cette image, de même que la répétition à plusieurs reprises du mot «équipe» par Mme Marois, confirmaient à quel point celle-ci a tiré la même conclusion que le reste du Québec. Source: http://www.radio-canada.ca/nouvelles/Politique/2011/06/10/001-marois-bilan-fin-session.shtml
Soit que son propre leadership sort du psychodrame de cette semaine considérablement critiqué et ébranlé.
C'est là une pente qui risque d'être fort difficile à remonter.
En cela, les événements de la semaine auront aussi marqué ce que j'ai qualifié de divorce politique entre l'establishement péquiste actuel et l'ancien chef et premier ministre Jacques Parizeau - une conséquence directe de la démission de son épouse, Lisette Lapointe, qu'il aime également appeler sa «députée préférée»...
Même l'exécutif du comté de son épouse - Crémazie - risquerait peut-être une forme ou autre de tutelle du «national» - son président étant nul autre que le petit-fils de M. Parizeau... À suivre.
Dans Le Devoir de samedi, on attend également un texte signé de plusieurs «jeunes» députés péquistes désireux de marquer leur propre «territoire» par opposition aux Parizeau, Lapointe, Beaudoin, etc... http://www.ledevoir.com/politique/quebec/325251/crise-au-pq-monsieur-parizeau-faites-nous-confiance
Or, ils auront beau demander à ce qu'ils font de plus passer pour une «vieille garde» ringarde de leur «faire confiance» pour la suite des choses, tout cela sent la tentative, encore une fois maladroite, de tracer une frontière entre les générations.
Maladroite, entre autres manières, lorsque les signataires se disent une génération faisant dans le développement durable, l'environnement et l'«ouverture sur le monde», la démocratie, les valeurs de paix, la solidarité, l'éthique, l'intégrité , le développement des ressources naturelles, etc...
Eh bien. Manquerait-il à ce point de cours d'histoire contemporaine dans nos écoles pour que les dernières générations ne sachent pas que ce sont précisément les objectifs et les valeurs qui furent portés autant par le gouvernement libéral de Jean Lesage que par le premier gouvernement péquiste de René Lévesque et leurs équipes ministérielles respectives?...
Cette «ouverture sur le monde» et toutes les autres «valeurs» mentionnées dans le texte des jeunes députés, Jean Lesage les portait, René Lévesque aussi. De même que Jacques Parizeau et les Denis Lazure, Camille Laurin, Robert Burns, Robert Bourassa, Paul Gérin-Lajoie, Louis O'Neil, Georges-Émile Lapalme, Jacques-Yvan Morin, Claude Charron, etc., etc. etc...
Mais en fait, ce texte des jeunes députés du PQ est surtout une manière à peine voilée de demander à M. Parizeau de ne plus se mêler de «leurs» affaires. «Accompagnez-nous», étant le message officiel. «Laissez-nous tranquilles», étant le message officieux. M. Parizeau le recevra peut-être publiquement avec politesse, qui sait? Mais ce texte veut dire ce qu'il veut dire.
Encore une fois, un manque de jugement politique.
Car tout cela pourrait s'avérer être une arme à deux tranchants pour le PQ - leur propre chef n'étant pas elle-même tout à fait de la dernière «relève»....
En fait, Mme Marois, élue pour la première fois le 13 avril 1981 - soit il y a trente ans cette année -, pourrait facilement être associée elle-même à une autre «époque» du PQ. Du moins, si certains sont tentés de commencer à jouer à ce petit jeu-là.
Et si les jeunes députés signataires demandent à la vieille garde de les laisser «faire les choses à leur façon», le fait est que ce n'est pas la «nouvelle garde» qui dirige leur parti, non plus...
L'arme à deux tranchants, elle se trouve également dans ceci: M. Parizeau n'est pas n'importe quel «vieux beau-père»...
Après tout, il est le chef historique du PQ, un intellectuel d'une trempe inégalée dans la classe politique actuelle, un économiste exceptionnel, un des vrais grands bâtisseurs du Québec moderne et, surtout, sa «conscience» indépendantiste. Et, conséquemment, le seul à ne jamais avoir souffert d'une quelconque remise en question de son leadership lorsqu'il en fut chef de 1988 à 1995.
De le jeter ainsi par-dessus bord comme une vieille serviette usée ne fera aucun bien au PQ, ni à sa chef. C'est le genre de geste qui risque de se transformer, sourdement, lentement, en boomerang.
Et ce, même si M. Parizeau décide, ou non, pour la suite des choses, de faire son habituel «bon soldat» pour la «cause», personne ne se méprendra sur la nature réelle du contentieux. Ce dernier étant que l'on demande à Jacques Parizeau de se «tasser»... gentiment, sans faire d'histoire.
Ce qui ne sera pas sans conséquences au sein même du mouvement souverainiste hors du PQ.
Il est également faux de laisser entendre, comme le font quelques députés en service commandé, que M. Parizeau chercherait à «refaire» et à imposer les mêmes stratégies que 1995. Car le fait est que, contrairement à ce qu'il avait fait lui-même lors de la campagne électorale de 1994, il avait approuvé l'absence d'un échéancier précis pour un possible 3e référendum.
Ce n'est pas la date qui lui importait, mais le degré auquel s'engagerait le PQ, une fois au pouvoir, pour promouvoir activement son option et préparer de manière concrète un éventuel référendum.
Et ce sont précisément ces deux éléments fondamentaux qui manquent dans le plan de «gouvernance souverainiste» de Mme Marois...
***
Un chemin miné d'obstacles...
Mais là n'est pas le seul obstacle qui se dresse sur le chemin du PQ en chemin vers la prochaine élection générale, laquelle, malgré les spins de certains, n'aura probablement pas lieu dès cet automne.
Un second obstacle est maintenant officiel: François Legault sera «sur la ligne de départ» lors de la prochaine élection générale. http://www.ledevoir.com/politique/quebec/325113/legault-se-prepare-a-creer-son-propre-parti

Et, tenez, dans Le Devoir d'aujourd'hui, un sondage Léger Marketing indiquant que si M. Legault se présentait avec un nouveau parti dans sa besace, le PQ dégringolerait à 21% tandis que le PLQ reviendrait aux 20% qu'il avait plus ou moins dans la dernière année avant sa remontée récente.
http://www.ledevoir.com/politique/quebec/325319/sondage-leger-marketing-le-devoir-les-quebecois-veulent-legault
Donc, récapitulons: le Parti québécois et sa chef sortent fragilisés de la crise politique enclenchée par la démission de quatre de ses députés.
Ce faisant - malgré les deux dernières années cauchemardesques de Jean Charest et du Parti libéral -, le PQ risque une saignée d'une partie de sa gauche vers Québec solidaire et de sa droite vers le tandem Legault-Sirois.
Et oui, le troisième obstacle s'appelle Amir Khadir. Un sondage CROP plaçait d'ailleurs Qs à 17%. Ce qui est sans précédent. Certes, ça peut changer. Mais c'est quand même sans précédent...
D'autant plus que Françoise David, en congé de rédaction d'un livre pour le moment, devrait être de retour sur la scène publique cet automne. Attendez-vous donc à la voir également intervenir plus souvent.
Si le PQ ne se redresse pas et que QS réussit à recruter ne serait-ce qu'une poignée ou deux de très bons candidats, il pourrait fort bien gruger pas mal de votes au PQ à la prochaine élection dans la grande région de Montréal.
Une reconfiguration se pointe à l'horizon
De toute évidence, la lecture de la boule de cristal politique est un sport fort hasardeux avec un électorat et une scène politiques aussi volatiles...
N'empêche que si la tendance se maintient, comme disait l'autre, le PQ pourrait sortir considérablement amoché de la prochaine élection générale. Comme si le syndrome du Bloc le guettait tout à coup... lui aussi. Du moins, pour le moment.
http://www.voir.ca/blogs/jose_legault/archive/2011/04/20/l-ann-233-e-de-tous-les-dangers.aspx
Car tout peut arriver... même, qui sait, peut-être, un gouvernement minoritaire «legauiste»....
Tout peut en effet arriver alors qu'une reconfiguration majeure de la scène politique québécoise se pointe de plus en plus clairement à l'horizon.
Une reconfiguration dont l'anéantissement du Bloc le 2 mai dernier fut sûrement l'indice annonciateur le plus puissant.
Quant au PQ, il est plus que fragilisé. Il est dorénavant carrément vulnérable comme un chevreuil égaré sur la route par une belle nuit d'été.
D'autant plus qu'il appert que ce qu'exprimait le député Jean-Martin Aussant lors de sa démission serait également partagé par d'autres membres du caucus préférant tout de même, quant à eux, d'y rester.
Et ce, malgré l'optimisme de façade de certains «spin doctors» péquistes, ou proches de sa direction - pour reprendre le mot juste de mon collègue Michel David dans Le Devoir de ce jeudi.
Car nul besoin du sondage CROP-Le Soleil de cette semaine pour avoir compris que la crise majeure enclenchée au PQ par PL204, lui aura coûté de sérieures plumes... http://www.cyberpresse.ca/le-soleil/actualites/politique/201106/08/01-4407035-la-saga-de-lamphitheatre-devastatrice-pour-le-pq.php
Des plumes qui, à cause du sérieux et de la gravité des déclarations des démissionnaires, ont peu de chances de repousser.
Surtout si d'autres en septembre devaient continuer de montrer une remontée pour le PLQ, une hausse de Québec solidaire et une baisse pour le PQ... À suivre.
Tout ça à de quoi tenter Jean Charest de rester....
Il avait d'ailleurs l'air particulièrement à l'aise et détendu lors de son point de presse de bilan de fin de session...
Quoique, quoique... Dans une telle atmosphère, la prochaine élection pourrait s'avérer être toute aussi risquée pour lui...
Sera-t-il vraiment, vraiment prêt à risquer une possible défaite s'il venait à décider de se présenter pour un quatrième mandat consécutif?
Certains ont même «spinné» une possible élection dès cet automne. Et ce, même si la chose ne tient pas debout alors que la dernière ne date que de décembre 2008 et que le gouvernement est majoritaire.
Sans certitude absolue, je continuerais plutôt à avancer que M. Charest ne sera pas de la prochaine élection. Qu'elle soit tenue en 2012 ou en 2013.
Et là, on arrive au quatrième obstacle pour le PQ: un nouveau ou une nouvelle chef du PLQ... juste à temps pour la prochaine élection?...
Juste une hypothèse, comme ça.
Bref, l'été ne sera pas de tout repos pour les principales forces politiques du Québec....
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Par contre, encore une fois, il importe de garder un élément fondamental en tête: l'extrême volatilité de l'électorat et de la scène politique. De même, semble-t-il, de certains de ses «acteurs» principaux...
Comme le disait Robert Bourassa: en politique, six mois, c'est une éternité...
Une éternité pendant laquelle, lorsque l'air du temps se fait particulièrement volatile et dégage un certain parfum de «changement», il arrive parfois que les sondages, et même les spin doctors, en perdent le nord.
À preuve: le contexte de décembre 2010 comparé à celui de juin 2011...
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En attendant, ce samedi, les IPSO (Intellectuels pour la souverainteé» tiendront leur colloque où, entre autres, y parleront le député démissionnaire Jean-Martin Aussant et l'ancien chef et premier ministre, Jacques Parizeau...
http://www.ipsoquebec.org/index.php?option=com_civicrm&task=civicrm/event/info&reset=1&id=6


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