On comprend mieux la rapidité avec laquelle le premier ministre Charest avait retrouvé sa bonne humeur au lendemain du «subterfuge» qui avait permis aux partis d'opposition d'imposer leur candidat à la présidence de l'Assemblée nationale.
Sa frustration n'était rien à côté du coup qu'il vient d'asséner à Mario Dumont en accueillant deux transfuges adéquistes, André Riedl (Iberville) et Pierre Michel Auger (Champlain) au sein du caucus libéral. Le climat s'annonce funèbre au conseil général de l'ADQ, qui se réunit en fin de semaine à Drummondville.
En mars dernier, le congrès adéquiste avait été complètement gâché quand on avait découvert que l'ADQ versait secrètement une allocation de 50 000 $ à son chef sans que personne ne soit au courant. Cette fois-ci, tout le monde va se demander qui sera le prochain déserteur.
Flanqué de ses nouvelles recrues, M. Charest a déclaré le plus sérieusement du monde que son parti avait toujours voulu être rassembleur. L'adhésion au PLQ de l'actuel ministre du Développement économique, Raymond Bachand, jadis un fervent péquiste, avait déjà témoigné de cet «art d'inclure», a-t-il rappelé.
Le premier ministre devait sûrement se mordre les lèvres pour ne pas éclater de rire en affirmant que «les deux (adéquistes) ont à coeur l'avenir du Québec» et les intérêts de leurs électeurs. Allons donc, quand les rats quittent le navire avant le naufrage, ils ne pensent qu'à eux-mêmes.
Ils n'auraient sans doute rien à reprocher à leur ancien chef si les sondages leur avaient laissé entrevoir une réélection. Le dernier Crop ne créditait malheureusement l'ADQ que d'un maigre 16 %, soit 2 % de moins qu'aux élections de 2003, quand elle avait fait élire seulement quatre députés. À l'élection partielle du 29 septembre dans Jean-Talon, elle avait recueilli à peine 4,5 %.
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M. Dumont a fait face à la musique avec stoïcisme, mais son regard trahissait son désarroi. Il n'avait même pas vu venir le coup. «Si des gens font dans leurs culottes pour trois ou quatre mauvais sondages, c'est peut être mieux que ça arrive maintenant», a-t-il déclaré.
Vraiment? Comment cela pourrait-il être pire?
Si encore il ne s'agissait que de trois ou quatre sondages. La réalité est que la dégringolade de l'ADQ dure maintenant depuis un an, et rien n'assure qu'elle est terminée. Le chef de l'ADQ a eu beau se dire rassuré à l'issue de la réunion de son caucus, il a trop d'expérience pour ne pas savoir qu'il arrive un moment où c'est chacun pour soi.
Une telle déloyauté doit être d'autant plus mortifiante qu'à la possible exception de Sébastien Proulx dans Trois-Rivières, tous les élus du 26 mars 2007 ne devaient leur victoire qu'à lui seul. M. Riedl a expliqué avoir été approché par «une connaissance proche du PLQ». Avec sa candeur habituelle, le député de Montmagny-L'Islet, Claude Roy, a déclaré que «tout le monde a eu des offres, si on veut parler comme ça». À un journaliste qui lui demandait si lui-même en avait reçu une, il a répondu: «Malheureusement non.» Allez donc savoir pourquoi!
Bien entendu, tout se paye. Pour avoir la chance de poursuivre leur carrière politique, MM. Riedl et Auger ont du accepter de se livrer à une séance de «bitchage» devant les caméras de télévision. Il est vrai qu'après 14 ans à l'Assemblée nationale, dont un an et demi comme chef de l'opposition officielle, on se demande encore quel est le plan de match de M. Dumont. Si l'ADQ demeure le parti d'un seul homme, entouré de quelques fidèles, ce n'est cependant pas sans raison.
Le député de Montmorency, Hubert Montmorency, avait très bien expliqué le problème quand il avait déclaré qu'il préférait se taire et avoir l'air niaiseux plutôt que de parler et de prouver qu'il l'était. Invité à dire si ses deux nouvelles recrues pouvaient espérer accéder au conseil des ministres, M. Charest a déclaré à trois reprises que son caucus regorgeait déjà de talents. Le message était très clair.
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Maintenant qu'il a l'ADQ dans les câbles, la tentation de l'expédier définitivement au plancher est manifestement très grande pour M. Charest, mais la fenêtre se referme rapidement. Dans deux semaines, il sera trop tard pour tenir des élections avant que la population ne soit totalement absorbée par les emplettes de Noël.
Au PLQ, on estime qu'il ne servirait à rien de se lancer en campagne avant les élections présidentielles aux États-Unis. D'ici le 4 novembre, la planète entière n'en aura que pour Barack Obama.
Un déclenchement le 5 novembre pour des élections le 8 décembre demeure possible, à la condition que M. Charest renonce à son voyage en Chine en compagnie de quatre de ses homologues provinciaux. Hier, il a déclaré que ce voyage «est toujours prévu», mais il ne donnait pas l'impression qu'une annulation poserait un gros problème.
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mdavid@ledevoir.com
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