Contrairement à l’impression qu’a pu laisser l’assemblée annuelle des actionnaires qui s’est tenue jeudi, à Toronto, SNC-Lavalin n’est pas sortie de l’auberge. Il est même très surprenant, voire irresponsable de la part de l’actionnariat majoritaire d’avoir renouvelé en bloc, sans discussion, le mandat de tous les membres du conseil d’administration qui ont pourtant leur part de responsabilité dans cette crise.
À la sortie de l’assemblée, jeudi, un actionnaire de SNC-Lavalin répondait au journaliste de Radio-Canada que la quête de sensationnalisme expliquait l’attention portée par les médias aux malheurs de l’entreprise. Voilà le genre de réaction typique d’une fraction malheureusement non négligeable du milieu financier pour qui soulever un scandale ne fait que nuire aux affaires.
C’est ce même raisonnement qui a conduit la haute direction de SNC-Lavalin à demander à son président, Pierre Duhaime, de quitter ses fonctions, les poches pleines des 5millions d’une allocation prévue à son contrat, au lieu de le congédier purement et simplement. Et que dire de cette autre décision de mettre fin à l’enquête interne avant que toute la lumière ait été faite sur la disparition d’au moins 56millions ? Pourtant, comme le président par intérim, Ian Bourne, a lui-même laissé entendre, il ne serait pas surprenant d’apprendre tôt ou tard que les enquêtes policières sont parvenues à déterrer de nouveaux squelettes.
Que sait-on à la direction de SNC que l’on ose rendre public ? Va-t-on encore longtemps répéter que le versement de ces millions à des tiers pour décrocher des contrats était une pratique tout à fait marginale au sein de l’entreprise ? Si même le président et chef des opérations était au courant, d’autres devaient aussi savoir.
Comme c’est presque toujours le cas lors de la grand-messe annuelle des sociétés publiques, quelques rares actionnaires ont osé affronter la direction de SNC-Lavalin, jeudi dernier. La Caisse de dépôt et placement, qui détient 6 % des actions, s’est contentée de faire parvenir une lettre dans laquelle elle exprime son « malaise », alors que Stephen Jarilowsky, le président de Jarilowsky Fraser qui détient 14 % de SNC, s’est montré plus incisif dans les jours qui ont précédé en accusant le conseil de ne pas avoir fait son travail. Alors, pourquoi avoir consenti au renouvellement en bloc des membres du conseil ?
SNC-Lavalin n’est pas seulement une grande entreprise nationale. C’est aussi l’une des plus grandes firmes de génie au monde avec des activités dans une centaine de pays et un carnet de commandes de plus de 10milliards. Si elle ne ressent pas encore les effets de ce scandale sur ses affaires, cela ne tardera pas puisque viendra un jour où ses clients, souvent des gouvernements, devront eux-mêmes répondre de leurs choix devant leurs citoyens. Sans oublier les concurrents qui ne manqueront pas de sortir ce joker de leur jeu ! Et compte tenu de la place qu’occupe SNC sur la scène internationale, plusieurs sociétés canadiennes actives à l’étranger subiront à leur tour les contrecoups de ses déboires.
Cette semaine, la direction de SNC s’est voulue rassurante en affirmant que tous les moyens avaient été mis en oeuvre pour corriger la situation. On voudrait le croire, mais compte tenu des nombreuses révélations entourant les méthodes utilisées par les grandes sociétés en quête de mandats gouvernementaux, il faudra plus qu’une déclaration pour s’en convaincre.
SNC-Lavalin
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