Jamais le risque de dépossession n'a-t-il été plus grand

L'année 2015 s'annonce très dangereuse pour le Québec

Une vigilance de tous les instants s'impose

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La guerre, l'atout maître de Stephen Harper

Rien n'est plus gratifiant pour un analyste que de voir ses prévisions se réaliser. Ce l'est encore davantage quand un lecteur d'une chronique parue il y a bientôt deux ans sur Vigile prend la peine de vous écrire pour vous dire que vous aviez vu juste. C'est pourtant le plaisir que j'ai eu hier en recevant le message suivant :

Envoyé : Jeudi 1er janvier 2015, 13h09
Objet : [Vigile.net] MESSAGE Pipe-lines au Québec. Ne nous énervons pas

M. Le Hir,

Je viens de relire votre billet intitulé «Ne nous énervons pas», et les circonstances vous donnent entièrement raison aujourd'hui. En espérant que votre billet « Prêts, pas prêts, l'indépendance s'en vient » sera tout aussi prophétique.

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Je viens de relire moi aussi ces deux textes écrits à quelques semaines l'un de l'autre, et effectivement, les perspectives que j'évoquais alors sont bel et bien en train de se matérialiser même si les mesures d'assouplissement quantitatif des banques centrales sont parvenues à retarder quelque peu des échéances devenues de toute façon inéluctables.

En effet, l'effondrement de l'économie mondiale et des cours du pétrole constituent des événements suffisamment déstructurants pour créer un climat favorable à la réalisation de l'indépendance du Québec. Sous cette pression extrêmement forte, les structures économiques, politiques, sociales et culturelles du Canada, déjà fragiles, peinent à résister, comme tout observateur attentif est déjà en mesure de le constater.

En fait, la situation est désormais si grave, malgré l'illusion créée par l'élection du gouvernement Couillard, que les fédéralistes n'ont désormais plus qu'une seule carte à jouer. Celle d'une situation d'urgence nationale qui permettrait au gouvernement fédéral de s'arroger, en toute légalité constitutionnelle, les pouvoirs des provinces dont il estimerait avoir besoin pour affronter la crise.

En effet, selon la « théorie des pouvoirs d'urgence » consacrée par la jurisprudence, le Parlement fédéral a le pouvoir, en cas de guerre ou d'insurrection réelle ou appréhendée, ou en cas de situation d'urgence grave de dimension nationale, d'adopter des lois qui peuvent empiéter dans le champ des compétences provinciales.

Qui plus est, selon un autre courant jurisprudentiel qui définit les contours d'une « théorie des dimensions nationales », le Parlement fédéral pourrait « adopter dans des circonstances normales, qui ne sont ni celles d'une guerre, ni celles d'une insurrection appréhendée, des lois qui concernent la paix l'ordre et le bon gouvernement du Canada parce qu'il s'agirait de lois d'aspect ou d'importance nationale ». Certains fondements de cette théorie ont cependant été contestés devant les tribunaux avec succès, ce qui rend son application incertaine.

Mais point n'est besoin d'aller aussi loin. Dans le contexte international actuel où il est de plus en plus question d'une troisième guerre mondiale, il suffit de retenir que la possibilité pour le gouvernement fédéral d'invoquer un état de « guerre » ou une « situation d'urgence grave de dimension nationale » serait suffisante pour lui permettre de passer outre aux compétences du Québec, de manière à imposer le passage sur son territoire sans conditions des pipelines d'Enbridge et de Trans-Canada, ou de forcer le raccordement des réseaux électriques d'Hydro-Québec à ceux de l'Ontario et des provinces de l'Atlantique aux conditions qu'il fixerait, ou encore de profiter de l'occasion pour imposer sa Commission nationale des valeurs mobilières en obligeant le Québec à lui céder ce champ, pour ne retenir que les trois premiers exemples qui me viennent à l'esprit, et donc de priver le Québec de tous les leviers économiques qui lui permettent d'exercer le peu d'autonomie dont il dispose pour exprimer sa spécificité et son caractère distinct.

Certains se refusent à croire qu'un tel scénario soit possible en mettant de l'avant l'affirmation de plus en plus marquée des droits des provinces ces vingt dernières années, que ce soit par les premiers ministres de la Colombie-Britannique, de l'Alberta, de la Saskatchewan, de Terre-Neuve, et même plus récemment de l'Ontario. Sans vouloir minimiser l'importance et l'intérêt de ce développement, il faut cependant se demander combien de temps ces provinces pourraient résister devant l'argument de l'urgence nationale, et si même elles le voudraient dans de pareilles circonstances. Qui reprocherait aux Canadiens-anglais d'être des patriotes ?

C'est justement à ce genre de situation que je pensais en juin et en juillet dernier lorsque j'ai écrit les articles suivants « Le plan machiavélique de Stephen Harper pour gagner les prochaines élections fédérales » , et « Ce qu’on vous cache et qu’il ne faut absolument pas que vous sachiez  ». Depuis lors, le risque de guerre mondiale s'est précisé, et le gouvernement Harper fait tout ce qu'il peut pour l'attiser. En fait, il l'appelle de tous ses vœux, et comme il n'est pas le seul chef d'État à avoir des problèmes et à penser qu'un tel conflit pourrait le tirer d'un mauvais pas, sa motivation n'en est que plus apparente et le risque plus grand.

L'année 2015 s'annonce donc très dangereuse pour le Québec. Le vigilance - une vigilance de tous les instants - sera de mise.


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