L’affaire camembert !

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Remettre les pieds sur terre avec le camembert

On aurait dû se dire immédiatement qu’il y avait dans cette histoire quelque chose de louche. Dans le cadre du World Championship Cheese Contest, un jury américain s’est permis de décréter que le meilleur camembert au monde est Québécois. Je les imagine, les experts, se prendre pour la norme mondiale et se croyant en droit de couronner le roi du camembert!


Camembert


La fierté nationale étant ce qu’elle est, immédiatement, les Québécois ont sorti les trompettes. Houra! Le nouveau monde déclasse l’ancien: la capitale du camembert sera désormais à Saint-Hyacinthe. Nous sommes les meilleurs! Nous sommes surtout meilleurs que les Français, historiquement considérés comme les rois du fromage.


Les Québécois ont un vieux complexe d’infériorité avec leur mère-patrie, alors lorsqu’ils peuvent se faire croire qu’ils la déclassent enfin, ils ne se badrent pas de nuances!


Heureusement, les vrais gourmets sont trop honnêtes pour accepter de se laisser raconter de tels bobards! On a beau être un vrai nationaliste québécois, et l’auteur de ces lignes croit en être un, ce n’est pas une raison pour se faire des accroires à table! Et pendant que les Français eux-mêmes criaient au scandale tout en se demandaient quelles étaient les secrètes raisons de ce déclassement, c’est un des nôtres, Mathieu Turbide, un bon mangeur de bonne réputation, animateur par ailleurs d’un blogue d’œnophile avertis, qui a ramené du bon sens dans cette histoire.


Il voulait en avoir le cœur net! Alors il s’est mis à table et a gouté quelques camemberts. Et à moins d’avoir la sophistication d’une brute étrangère, on ne trompe pas ses papilles gustatives. Son verdict l’honore: quelle blague! Quelle fumisterie! Même un camembert industriel français assez ordinaire bat la nouvelle merveille maskoutaine! Je reprends le titre de son texte sur le site du Journal: «non, le meilleur camembert du monde n’est pas québécois». Qu’on s’entende bien: le camembert de Saint-Hyacinthe n’a rien de honteux. Mais peut-il vraiment assumer le titre qu’on vient de lui accorder? On aurait envie de dire: un peu de sérieux, les amis!


Et pourtant, cette amusante controverse vaut la peine de disserter sérieusement quelques instants.


Leçons


Première chose: on devrait se méfier de ces classements qui se donnent le droit de proclamer un champion mondial à partir de délibérations souvent obscures et de critères approximatifs. Chaque fois qu’un produit se vante d’être le meilleur de telle ou telle catégorie, notre réflexe devrait être simple: mais qui donne ce prix?


Deuxième chose: il faut se méfier du patriotisme lorsqu’il vire au délire. Nous sommes malheureusement doués en la matière. On aime répéter que nous sommes le plus beau pays au monde, le plus généreux, le plus égalitaire. Et maintenant, nous sommes le pays du meilleur camembert! Il y a des limites à se complimenter en se regardant dans le miroir!


Dernière chose: ce qui est triste, dans tout ça, c’est que depuis quelques années, les fromages québécois se sont développés de magnifique manière. Cette floraison témoigne de l’incroyable inventivité d’un peuple qui sait exploiter son territoire et qui invente une gastronomie qui goute le pays. Nous n’avions pas besoin du trophée venu du Wisconsin pour les apprécier vraiment!