L’actuel débat sur les pactes tactiques entre progressistes : ses origines et sa portée

Actualité indépendantiste


De­puis la re­com­po­si­tion du pay­sage par­tisan au Québec in­ter­venue en 2011 (tant au fé­déral qu’au pro­vin­cial), la ques­tion de l’ouverture de dis­cus­sions entre forces po­li­tiques sou­ve­rai­nistes et pro­gres­sistes s’est posée chez maints ana­lystes et ac­teurs gra­vi­tant au­tour de ces cou­rants, par-delà les lignes par­ti­sanes et sans égard au statut de tout un chacun (jour­na­liste, blo­gueur, mi­li­tant, cher­cheur, pro­fes­seur, etc.). Le site des Nou­veaux ca­hiers du so­cia­lisme tente, dans la me­sure de ses moyens, de faire connaître et de dif­fuser ces ré­flexions et dé­bats. Il n’y a pas de po­si­tion édi­to­riale des NCS sur les pactes tac­tiques, sinon de dire qu’il faut qu’il y ait dis­cus­sion large là-dessus. Les dif­fé­rentes po­si­tions re­la­tives aux pactes, au sein de la gauche, sont non seule­ment lé­gi­times, mais il se­rait sur­tout très té­mé­raire de pré­tendre connaître LA meilleure po­si­tion sur un tel sujet, compte tenu des atouts et contra­dic­tions que chaque op­tion comporte.
Le débat sur les pactes, lorsqu’il a été lancé en 2011 par des membres de QS ou par des ob­ser­va­teurs pri­vi­lé­giés de ce parti, ne s’est ja­mais situé sur des ques­tions de prin­cipes. Ja­mais l’indépendance de QS n’était mise en doute, en­core moins sa per­ti­nence comme for­ma­tion po­li­tique. Le débat ne consis­tait pas non plus à sa­voir si le PQ est un parti de gauche; il s’agissait plutôt, no­tam­ment, de sa­voir selon quelles mo­da­lités les élé­ments pro­gres­sistes peuvent se parler entre eux, par-delà les fron­tières par­ti­sanes. Se parler compte tenu de la montée ful­gu­rante de la CAQ et de la pro­ba­bi­lité que les élec­tions pro­vin­ciales, à l’avenir, consistent es­sen­tiel­le­ment – pour la plus grande part de l’électorat – à choisir entre deux partis fé­dé­ra­listes clai­re­ment campés à droite.
Il va de soi que les élec­tions ne sont qu’un ter­rain parmi plu­sieurs sur les­quels s’affrontent les forces de gauche et celles de droite; ce n’est pas né­ces­sai­re­ment le ter­rain le plus im­por­tant (sauf quand les élec­tions ap­prochent!). Les pro­gres­sistes qui ré­sistent aux as­sauts de la droite le font sur une mul­ti­tude de ter­rains, par­fois de façon spec­ta­cu­laire et très mi­li­tante (ex. : les In­di­gnés), par­fois de façon plus dis­crète mais néan­moins très si­gni­fi­ca­tive (les en­sei­gnants et les ar­tistes, par exemple). Québec so­li­daire est le seul parti à se dé­finir comme « parti des urnes et de la rue » et cela tra­duit bien l’absolue né­ces­sité de conce­voir que les ter­rains d’affrontement avec les forces ca­pi­ta­listes (ou pa­triar­cales, ou tech­no­cra­tiques, ou fé­dé­ra­listes ou…) sont nom­breux. Les élec­tions ne sont qu’une di­men­sion, mo­deste, de l’équation. Sauf du­rant les cam­pagnes électorales.
Lorsqu’un tel contexte se pré­sente, la ques­tion peut se poser de sa­voir, compte tenu du cadre ins­ti­tu­tionnel en vi­gueur (mode de scrutin, sys­tème par­tisan, na­ture du ré­gime…) quel est le meilleur moyen de mettre le maximum de bâ­tons dans les roues de la droite. Québec so­li­daire est un outil créé en ce sens, jusqu’à un cer­tain point : pro­jeter sur le ter­rain élec­toral les as­pi­ra­tions des mou­ve­ments so­ciaux et, si pos­sible, les faire triom­pher. Y a-t-il moyen d’accroître en­core da­van­tage l’influence des pro­gres­sistes, par delà le score de Québec so­li­daire ? De maxi­miser la quan­tité de grains de sable dans l’engrenage de la droite? D’éviter que les votes pro­gres­sistes et sou­ve­rai­nistes se nuisent mutuellement?
Poser ces ques­tions (sans avoir pour au­tant les ré­ponses) et es­pérer que les forces pro­gres­sistes en pré­sence se les posent elles aussi, ne consiste pas à nier l’authenticité du projet de QS, ni à le com­pro­mettre. Il s’agit sur­tout de ré­flé­chir de façon ra­tion­nelle à ce que la gauche ait, au sein des ins­ti­tu­tions dé­mo­cra­tiques, au moins au­tant de poids que la somme des élé­ments pro­gres­sistes qui la composent.
Le fait d’ouvrir un tel débat nuit-il à Québec so­li­daire? Ce se­rait éton­nant, pour plu­sieurs rai­sons. D’abord, de­puis que le débat est di­rec­te­ment posé sur la place pu­blique (no­tam­ment par des élé­ments pé­quistes ou proches du PQ), ja­mais les mé­dias n’ont au­tant parlé de Québec so­li­daire. En­suite, dans le cadre de ce débat pu­blic, via les mé­dias, QS a gé­né­ra­le­ment été consi­déré comme un in­ter­lo­cu­teur plau­sible, sé­rieux, cré­dible et rai­son­nable. À part
Ly­siane Ga­gnon et une poi­gnée de com­men­ta­teurs pa­tho­lo­gi­que­ment
in­com­modés par la gauche, la plu­part des per­sonnes ap­pe­lées à com­menter (non­obs­tant leur point de vue sur les en­tentes élec­to­rales) consi­dé­raient QS comme une en­tité tout à fait lé­gi­time et res­pec­table. Troi­siè­me­ment, les
mou­ve­ments so­ciaux, en par­ti­cu­lier les or­ga­ni­sa­tions syn­di­cales, es­pèrent que les forces pro­gres­sistes et sou­ve­rai­nistes tra­vaillent da­van­tage de pair, qu’elles ad­di­tionnent leurs po­ten­tia­lités, in­cluant sur le ter­rain élec­toral. Il sied bien à ces or­ga­ni­sa­tions que Québec so­li­daire soit un in­ter­lo­cu­teur normal du camp sou­ve­rai­niste. Enfin, les membres de QS peuvent se
re­garder dans le mi­roir : aucun ne s’est livré à des mar­chan­dages et toute la ré­flexion en­tamée à ce jour s’est ef­fec­tuée dans l’attente d’un débat ap­pro­fondi et dé­mo­cra­tique au sein des ins­tances de Québec so­li­daire. (Débat dont nul ne pou­vait ni ne peut pré­dire l’issue.) Au­cune dé­ci­sion ne peut être prise par ce parti sans que les ar­gu­ments aient pu s’exprimer et sans que les éva­lua­tions ap­pro­fon­dies, par les membres, aient pu se faire.
Il est pro­bable qu’un pacte avec le PQ soit exclu par le PQ lui-même, compte tenu no­tam­ment de l’évolution de la conjonc­ture dans cette for­ma­tion. Mais même dans un tel cas, les pro­gres­sistes conti­nue­ront à ré­flé­chir et à dis­cuter de tac­tique élec­to­rale. En effet, la ques­tion des rap­ports avec Op­tion na­tio­nale et avec les dé­putés sou­ve­rai­nistes in­dé­pen­dants de­meure en­tière. Par exemple, dans le comté de Bor­duas, où le dé­puté sor­tant est Pierre Curzi, doit-il y avoir trois can­di­da­tures sou­ve­rai­nistes et pro­gres­sistes qui s’affrontent? Qui au­rait in­térêt à ce que tel soit le cas?
Consi­dé­rant ce qui pré­cède, il est dif­fi­cile de croire que les pro­gres­sistes se soient af­fai­blis du fait d’avoir mené des ré­flexions et dé­bats sur les pactes tac­tiques. Ou que Québec so­li­daire ait perdu au change.
Et qui pourra re­pro­cher aux ob­ser­va­teurs ou aux membres de QS de
ré­fléchir pu­bli­que­ment, en toute trans­pa­rence, aux meilleurs moyens d’amener les pro­gres­sistes à ne pas se nuire mutuellement?
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Pierre Beaudet
_ Phi­lippe Bou­dreau
_ Fran­çois Cyr
_ Be­noit Gaulin
_ André Vincent


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