L'abîme des garderies à 7$

le programme coûte les yeux de la tête pour des résultats médiocres.

Élection Québec - 8 décembre 2008


Les politiciens ont compris à quel point le programme des garderies à 7$ est devenu populaire. Les trois grands partis promettent tous une augmentation substantielle des places. Dans La Presse de dimanche, ma collègue Marie-Claude Lortie parle d'une maman californienne qui bave de jalousie devant le programme québécois. C'est vrai que le tarif de 7$ par jour est sensationnel. De là à penser que le Québec fait l'envie des autres provinces et des Américains, il n'y a qu'un pas, un peu trop vite franchi à mon avis.
J'ai une petite question à poser: si le programme québécois de garderies à 7$ est aussi fantastique qu'on le dit, comment se fait-il, onze ans après son introduction, qu'aucune province, aucun territoire, aucun État américain n'a jugé bon de suivre le Québec dans cette voie?
Parce que, quand on y regarde de plus près, le programme coûte les yeux de la tête pour des résultats médiocres.
Lors de sa première année, en 1997, le programme a exigé un budget de 290 millions. C'était relativement peu (à peine 0,8% des dépenses de programmes du gouvernement québécois). Certes, tout le monde savait que ce budget était appelé à augmenter à mesure que de nouvelles places seraient créées pour répondre aux besoins.
Deux ans plus tard, on en était déjà à 614 millions. Ce gonflement spectaculaire n'est pas seulement dû à l'augmentation du nombre de places, mais aussi aux hausses salariales de 35% consenties en 1999 aux travailleuses syndiquées du réseau. Les dépenses franchiront le cap du milliard trois ans plus tard. Aujourd'hui, elles dépassent 1,7 milliard.
La chef du Parti québécois, Pauline Marois, promet 38 000 nouvelles places au coût de 500 millions. Si cela se produit, le budget des garderies subventionnées passera à 2,2 milliards, ou 3,7% des dépenses de l'État, et ce n'est pas fini. Les garderies sont déjà devenues le cinquième poste de dépenses du gouvernement, après la santé, l'éducation, l'aide sociale et les transports. Pour fournir un ordre de grandeur, ce budget est quatre fois plus élevé que celui de la Sûreté du Québec, onze fois plus que celui du ministère de l'Environnement.
En fait, il serait plus exact de parler de garderies à 9000$, parce que tel est le coût de chaque place, pour le gouvernement et donc pour l'ensemble des contribuables. Notre Californienne de tantôt serait sans doute moins envieuse si elle savait que pour un revenu de 40 000$, le taux marginal d'imposition sur le revenu des particuliers est de 20% au Québec (impôt provincial seulement), contre 6% en Californie (impôt de l'État seulement).
Malgré son coût ruineux, le programme est loin d'être un modèle d'efficacité. Il n'est pas adapté aux besoins des milliers de couples qui travaillent le soir ou les fins de semaine. On peut certes envisager, un jour lointain, de répondre à ces besoins, mais cela fera exploser les coûts davantage. Enfin, il abandonne à leur sort ceux qui font le choix d'élever leurs jeunes enfants à la maison (mais qui doivent acquitter leurs impôts comme tout le monde).
Ce n'est pas tout. Malgré les promesses électorales, les tarifs devront inévitablement grimper, ne serait-ce qu'à cause de l'augmentation des coûts de système, mais aussi à cause des exigences syndicales. Déjà, le prix d'une place est passé de 5$ à 7$. Ce n'est qu'une question de temps avant qu'il n'atteigne les 10, 12, 15$. À moins, évidemment, que le gouvernement ne décide de charcuter d'autres ministères.
À coups de deux ou trois dollars d'augmentation, on s'approchera lentement des prix du marché. Si les garderies subventionnées n'existaient pas, les parents devraient, comme dans les autres provinces, payer les prix du marché, entre 25 et 35$ par jour. En revanche, ces frais de garde sont déductibles du revenu imposable. Pour un couple où les deux conjoints travaillent et déclarent un revenu commun de 60 000$, le coût après impôts tournera donc aux alentours de 15$. C'est le double des garderies à 7$, mais comme les coûts du réseau public risquent d'augmenter plus rapidement que les prix du marché, cette différence s'atténuera avec le temps.
Enfin, selon certains, les garderies à 7$ auraient fortement contribué à augmenter l'entrée des femmes sur le marché du travail. Ce n'est pas certain. Les filles n'ont jamais poussé leur formation scolaire aussi loin que maintenant. Elles sont majoritaires dans toutes les facultés universitaires, et l'immense majorité d'entre elles n'ont aucunement l'intention de rester à la maison une fois diplômées. C'est donc par cohortes entières que ces nouvelles diplômées occupent des emplois de mieux en mieux rémunérés, et ce n'est certainement pas une différence de quelques dollars par jour dans les frais de garderie qui les feront renoncer à leurs emplois.


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