Analyse. Le crash du Boeing ukrainien abattu mercredi 8 janvier « par erreur » par un missile iranien, qui a notamment coûté la vie à 57 Canadiens, met en lumière une réalité déjà largement établie : la difficulté du Canada à peser sur la scène internationale. En l’absence de relations diplomatiques entre Ottawa et Téhéran, rompues par le gouvernement conservateur de Stephen Harper en 2012, le Canada a dû batailler ferme pour être considéré comme un interlocuteur de premier ordre par les autorités iraniennes. Quelques heures avant la catastrophe, c’est également en spectateur impuissant qu’Ottawa avait assisté aux représailles iraniennes sur les bases militaires irakiennes. Impuissant et pourtant impliqué : quelque 500 militaires des Forces armées canadiennes se trouvaient alors en Irak, notamment sur la base visée d’Erbil, pour participer à la mission de formation de l’OTAN.
« Le Canada est de retour » sur la scène internationale, avait pourtant promis Justin Trudeau lors de sa première élection, en 2015, faisant de ce come-back un marqueur de sa politique de rupture avec les conservateurs. Est-il parvenu à concrétiser son ambition ? L’année 2020 s’annonce comme une année test pour celui qui vient d’être réélu mais dirige désormais le pays à la tête d’un gouvernement minoritaire. Le Canada postule en effet pour retrouver, le 27 juin, un siège temporaire au Conseil de sécurité des Nations unies qu’il n’a pas occupé depuis vingt ans. La précédente candidature canadienne s’était soldée en 2010 par un échec cuisant face au Portugal. « Ce vote de confiance réclamé au monde sera un test grandeur nature pour savoir si le Canada a retrouvé de son influence », estime Jocelyn Coulon, chercheur au Centre d’études et de recherches internationales de l’université de Montréal, conseiller du gouvernement Trudeau jusqu’en 2017.
« L’influence de Justin Trudeau est très limitée auprès de Donald Trump, explique Justin Massie. Depuis l’incident au G7 de 2018, Trump juge que Trudeau est faible et ne lui accorde aucun sérieux »
Ce défi semble loin d’être gagné. D’abord, parce que le bilan du premier mandat de Justin Trudeau laisse sceptiques de nombreux observateurs. « Il n’a jamais mis les ressources à la hauteur de l’ambition politique qu’il s’était fixée », analyse Justin Massie, professeur de sciences politiques à l’Université du Québec à Montréal. Il a surtout perdu l’oreille de son meilleur et plus puissant voisin. « L’influence de Justin Trudeau est très limitée auprès de Donald Trump, ajoute M. Massie. Depuis l’incident au G7 de 2018 [les deux hommes s’étaient accrochés sur les taxes douanières canadiennes], Trump juge que Trudeau est faible et ne lui accorde aucun sérieux. »