Québec — Craignant une récupération de la Révolution tranquille au profit de Jean Charest et des libéraux, Claude Morin a décliné l'invitation du gouvernement de participer à une cérémonie honorant «cinquante personnes qui, par leur engagement et leurs actions, ont contribué à l'avancement de notre société», a appris Le Devoir. Celle-ci doit avoir lieu lundi le 20 septembre prochain au Palais Montcalm, à Québec.
Dans sa[ lettre de refus datée du 8 septembre->30512] et adressée à la ministre de la Culture Christine St-Pierre, M. Morin rappelle qu'en tant que sous-ministre et conseiller, il a observé de l'intérieur les gouvernements Lesage, Johnson, Bertrand et Bourassa: «De l'extérieur, c'est maintenant l'actuel gouvernement que j'observe. Le spectacle m'autorise, je pense, à déplorer que M. Charest commémore lui-même la Révolution tranquille», écrit celui qui a aussi été ministre de René Lévesque.
«J'ai beaucoup de respect pour la fonction qu'il occupe, poursuit-il, mais il ne me semble pas que son exercice du pouvoir l'insère dans la continuité de cette période historique. Ou que l'y rattacherait quelque obscure filiation jamais encore remarquée par ses contemporains.» M. Morin dit avoir du mal à imaginer Jean Charest lancer «quelque chose comme "Maîtres chez nous!" pour rappeler aux Québécois que la tâche n'est pas terminée». L'ancien rédacteur de discours de Jean Lesage dit enfin ne pas être «enclin à aller entendre [M. Charest] évoquer ou vanter aujourd'hui des réformes dont tout me porte à croire qu'il ne les aurait probablement pas approuvées à l'époque, s'il avait eu à en décider».
Joint au téléphone, M. Morin a rappelé que M. Charest, à son arrivée en politique québécoise en 1998, tenait un «autre discours» sur la Révolution tranquille. Dans son livre J'ai choisi le Québec (Pierre Tisseyre, 1998, p. 257), le chef libéral soutenait qu'il était «temps de réexaminer les solutions qui ont fonctionné» à cette époque. Puis, soutenant que le temps était venu de penser au citoyen, non au collectif, il ajoutait: «Nous en avons assez fait pour la gloire de l'État.»
M. Morin déplore du reste que dans les documents des célébrations entourant les 50 ans de la Révolution tranquille, on ne dise rien du «Désormais» de 1959 de l'unioniste Paul Sauvé, lors de son passage bref mais déterminant.
D'autres non-libéraux parmi les 50 convoqués ont choisi, contrairement à M. Morin, d'être de la cérémonie de lundi. Yves Martin, ancien sous-ministre au ministère de l'Éducation qui fut conseiller auprès de tous les gouvernements péquistes, a confirmé hier qu'il sera à Québec lundi. «C'est un peu de la récupération, a-t-il noté hier, mais au fond, c'est surtout l'État du Québec qui commémore cette époque. C'est pour ça que j'y serai.»
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