Jean Béliveau : la tranquillité sans révolution

Le paradoxe de la vedette discrète sans patiner

Tribune libre

Né quelques années avant la Révolution tranquille, monsieur Béliveau méritait cette étiquette de monsieur. Il représente le Canadien français résigné à être un homme tranquille. Il ne faisait aucune vague et représentait le bon père de famille qui veille au grain.

Il était l’homme des situations tranquilles. Même que du haut de ses nombreux pieds au-dessus de la glace, il avait l’air de patiner tranquillement alors qu’il filait grande allure. Je dirais fière allure aussi. Sans fougue apparente comme si tout était naturel alors que la réalité n’était pas de tout repos.

Il semblait un homme de main alors qu’il était un homme de peu de mots. Son mot le plus célèbre est de dire dans son langage « je suis touché de savoir que vous m’avez toujours aimé ».

Il est l’homme des sans problème qui se rend discret, prudemment, pour se préserver dans cette société bouleversée par le clivage de gouvernement de Province dans le Canada et de volonté indépendantiste. Il savait l’impact sur sa crédibilité de cela et le faisait presque discrètement. Si ce n’était de Houda-Pepin ou Chrétien qui en a montré l’étiquette, il était plutôt muet.

Béliveau sera toujours un nom de discrétion probe. Il préservait son acquis; sa crédibilité. Fidèle aussi à la marque des patrons associés aux sports qui l’a crédibilisé.

Jamais rien de travers

Il ne disait rien et passait pour rien, tout en étant beaucoup. Un curieux mélange de succès sans effort apparent. Un contraste qui attire la sympathie, l’admiration même et les honneurs pour celui qui ne les veut pas.

C’est le contraste de l’avoir facile cette vie, ces honneurs alors que nous, dans le métro-boulot-dodo, on n’en finit pas de mourir.

L’analogie entre ses prouesses en apparence faites comme si de rien n’était et sa vie, comme si de rien n’était ne nous dit pas quel être il était. On n’a que l’apparence.

Mais pour que cela soit, il devait y avoir un discret questionnement de l’homme sur la quête de lui-même et pas de remise en question de la Révolution tranquille. Il subissait tranquillement son sort de vedette d’un sport qui lui donnait de l’aura qu’il n’aura pas volée.

Pareil à ce que nous sommes, il est en lui-même un contraste de ne pas vouloir voir ce qu’il ne faut pas voir. De celui qui, pour sa sérénité et son confort, combat son questionnement et la quête de ses racines, de sa préservation. Il faisait confiance, mais discrètement au conquérant.

Comme représentant d’un peuple dominé depuis trois siècles, qu’il sentait nécessairement le poids, son mot était de ne pas en avoir. Il a été ce que la plupart des Québécois voulaient : se contenter d’un petit pain, d’être fidèle pour ne pas paraître des révoltés, des révolutionnaires.

Ce que nos parents nous ont transmis à moi et les treize autres de mes frères et sœurs que nous étions: « rester tranquille ». Lui, Jean Béliveau, il a réussi à mettre ce mot en pratique jusqu’à sa mort.

Il véhicule le paradoxe de la vedette discrète sans patiner.


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5 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    10 décembre 2014

    franchement m beliveau . il disait souvent ce mot en entrevue..

  • Archives de Vigile Répondre

    7 décembre 2014

    Jean Béliveau me semble l'exemple parfait du judéo-chrétien qui tend toujours l'autre joue. Athlète indéniable il incarnait encore certaines valeurs de l'après-guerre, celles du bon canadien-français, respectueux, discret et obéissant. Contrairement à Maurice Richard, Jean Béliveau s'est cependant toujours assuré de laisser l'uniforme inconfortable du nationalisme au vestiaire préférant discrètement la passerelle et non l'enceinte identitaire, là où se joue le vrai match...
    Merci

  • Archives de Vigile Répondre

    5 décembre 2014

    Moi je ne l'ai pas connu Jean Béliveau, trop jeune. avec toute les qualités qu'il avait, son décès a eu des écho aux États-Unis et même en Europe. Moi, n'importe quand, un joueur de ce calibre, ou plutôt un joueur d'exception comme lui, pour les Canadiens de Montréal ! Il avait toutes le qualités, ou presque... Alors que Jean Béliveau soit fédéraliste, c'est un québécois bordel ! N'importe qui faisant rayonner le Québec : indépendantistes, fédéralistes, ou j'enairienàfoutredelapolitiques font de gré ou de force exister les Québec. Et ce pays qui n'en est pas encore un, comme ce fleuve qui se croit rivière et qui voudrait bien être un fleuve et qui s'excuse de charrier autant et d'être si grand et si fort !

  • Serge Jean Répondre

    5 décembre 2014

    Dommage, gris et triste; comme gris austère, ce gris frauduleux, imposé à un peuple qui souffre en silence, dans le fond de la cale. Quel dommage......
    Serge Jean

  • Jean Gilles Répondre

    5 décembre 2014

    Il y a de cela une vingtaine d'années, nous étions allés manifester devant un édifice fédéral sur Blvd René Lévesque. Le NOUS= un groupe d'indépendantistes.
    Quand ,soudain, Béliveau est passé, à pied; il s'est adressé à moi et lui ai expliqué le pourquoi de notre manif. Il n'a pas dit un mot. Mais il a hoché de la tête en signifiant son désaccord...et il a poursuivi...tranquillement, bien sûr!