Analyse

Je me souviens... de quoi donc?

Bilan de l'année 2009

Dany Doucet - En 2009, les Québécois n'ont pas su toute la vérité sur trois grands scandales: Caisse de dépôt, Norbourg et enveloppes brunes.
Les Québécois pourront-ils trinquer à la fin de 2009 sans penser qu'on leur cache quelque chose ? Au cours de l'année qui s'achève, ils n'ont pas vraiment compris comment leur Caisse de dépôt avait pu perdre 40 milliards $, ni comment Vincent Lacroix avait réussi à flouer autant de petits investisseurs sous le nez du ministère des Finances et de l'Autorité des marchés financiers, ni comment fonctionne tout le système d'enveloppes brunes dans le domaine de la construction qui sert à financer plusieurs politiciens...
Non, l'année qui s'achève n'aura pas été la plus instructive pour l'Homo quebecus. L'honnête travailleur, qui se lève tôt chaque matin, qui court pour aller conduire ses enfants à la garderie parce que les ponts seront bloqués, qui paie ses impôts et ses contraventions de radar photo, qui n'est pas assez malade pour attendre cinq heures à l'urgence, mais qui arrive chez lui exténué, se doute bien qu'il y a du monde qui va boire du champagne à sa santé cette année.
Il ne sait pas comment ils ont fait pour se le payer, mais il commence à se douter que c'est un peu avec son argent. Le problème, c'est qu'il finira par l'oublier.
Même s'il est écrit «Je me souviens» sur sa plaque d'immatriculation, on dirait bien que le Québécois oublie de plus en plus vite. Les grands conseillers en communication le savent bien et ils suggèrent ceci à leurs puissants clients : «Réagissez vite, puis faites le mort : les choses vont se tasser et se faire oublier.»
CAISSE DE DÉPÔT : NOS ÉCONOMIES
Perdre 40 milliards $ dans un fonds de pension comme le nôtre, et probablement plus si on considère que la Caisse n'a pas pu profiter pleinement de la reprise, ce n'est pourtant pas rien.
Si on mettait ce montant dans le contexte des États-Unis, par exemple, on parlerait d'une perte de 1 600 milliards $. Les Américains auraient passé l'année en commissions d'enquête, en toutes sortes de comités du Sénat ou du Congrès et des têtes auraient roulé en face de la Maison Blanche.
Et ici ? Bof. L'ex-président de la Caisse de dépôt, Henri-Paul Rousseau, qui a quitté le navire en pleine tempête pour aller gagner des millions chez Power Corporation, a passé une petite jour née en commission parlementaire devant des politiciens mal préparés pour lui poser des questions. Petite jour née facile pour cet ex-banquier devenu financier, qui a pu retourner chez lui sans égratignures.
Pourtant, il reste plein de questions sans réponses.
Comment en sommes-nous venus à permettre à notre bas de laine, celui qui devrait être géré de façon conservatrice pour nous assurer une meilleure retraite, d'investir dans des produits financiers risqués comme les PCAA (papier commercial), que les plus grandes firmes de notation de crédit comme Standard & Poor’s refusaient même d’évaluer? Pourquoi la Caisse a-t-elle liquidé autant de milliards de dollars d’actions en pleine débâcle ? Ce n’est pas clair non plus. Depuis cinq ans, la Caisse n’arrive même pas à battre le rendement des indices boursiers, alors que son luxueux siège social flambant neuf est rempli d’employés brillants et fort bien rémunérés. Que font-ils d’abord si on pouvait faire mieux en se contentant d’investir passivement dans les indices ? Quel est le rôle réel du conseil d’administration et de tous les comités de vérification ? Nommons- nous des personnes compétentes dans ces fonctions avec de vrais pouvoirs d’intervention? Quel sera le rôle du C.A. à l’avenir ? Quelle sera la politique de placement et de gestion du risque de la Caisse à l’avenir ? Quel est le mandat du nouveau président, Michael Sabia? Toutes ces questions et bien d’autres ne sont pas résolues et savez-vous quoi ? Les Québécois ne s’en souviennent déjà plus.
VINCENT LACROIX : PAS DE PROCÈS
Une autre chose que vous ne savez pas au moment de vous souhaiter une bonne et heureuse année, et que vous avez peut-être oubliée aussi, c’est comment Vincent Lacroix, qui ne semble pourtant pas être le plus grand génie de la planète, a réussi à flouer autant de monde aussi facilement: quelque 9200 investisseurs qui ont perdu 115 millions $, rien de moins.
Lacroix est encore le seul à savoir ce qui s’est vraiment passé, mais il a plaidé coupable et il croupit présentement en prison. Il n’y a donc pas eu de procès ni d’interrogatoires serrés, sous serment, de Lacroix et des témoins du scandale.
Comment de petits investisseurs ont-ils pu acheter un fonds administré par la Caisse de dépôt et placement et se retrouver un jour entre les mains de Lacroix ? Réal Ouimet, ancien chef de police de Bromont qui a perdu 300 000 $ dans Norbourg et qui doit passer sa retraite en tant que responsable de la sécurité de la station de ski locale, aimerait bien le savoir. Lui, en tout cas, n’est pas prêt de l’oublier.
Est-ce vrai que Lacroix bénéficiait de l’aveuglement volontaire de fonctionnaires du ministère des Finances, qui n’étaient toutefois pas aveugles, dit-on, lorsqu’il les emmenait aux danseuses ?
À quoi s’occupait notre police des marchés financiers lorsque Lacroix dépensait l’argent des petits investisseurs Chez Parée ?
Oubliez donc ça, vous ne le saurez pas.
DES ENVELOPPES BRUNES
On ne sait pas encore comment fonctionne exactement le trafic des petites enveloppes brunes, mais on commence à en avoir une bonne idée. Il faudrait maintenant une commission d’enquête sur la question, bien que le gouvernement libéral de Jean Charest ne semble vraiment pas pressé d’en convoquer une… même si les Québécois sondés, eux, en veulent une.
Voici en gros comment tout le système de corruption semble fonctionner : des entreprises qui veulent de gros contrats publics, surtout dans la construction, doivent premièrement s’organiser pour faire de l’argent au noir. De l’argent liquide qu’on peut mettre dans une enveloppe brune.
On a au moins appris cette année que c’est assez simple. Trop simple, d’ailleurs. Par exemple, un entrepreneur en construction reçoit une facture de 10 000 $ pour la location d’une grue qui n’est jamais sortie de sa cour. Il paie la facture au complet et les taxes, puis il reçoit en retour 9000$ comptant. Cela lui coûte donc moins de 1000 $, car il recouvrera les taxes sur le plein montant.
Quant au locateur de la grue (ou de n’importe quelle autre entreprise), il encaisse le chèque (dans un centre d’encaissement, pas dans une banque), ou au sein du crime organisé qui aime bien laver son argent sale en déposant, lui, le chèque à la banque.
Avec 9000 $ dans une enveloppe brune, l’entrepreneur peut alors s’acheter des faveurs en finançant des partis politiques. Benoit Labonté, de Vision Montréal, est jusqu’ici le seul à s’être fait prendre la main dans le sac cette année.
En finançant les politiciens, l’homme d’affaires s’assure toutes sortes d’avantages et d’informations privilégiées. S’il s’agit d’une compagnie de consultation comme un bureau d’ingénieurs, par exemple, il reçoit directement de lucratifs contrats. Lorsqu’il faut passer par le processus d’appel d’offres, on tient l’entrepreneur au courant longtemps à l’avance et, s’il doit soumissionner à un bas prix, on lui accorde toutes sortes d’« extras » en cours d’exécution.
Tout ça fait en sorte que nous payons nos routes, par exemple, beaucoup plus cher qu’ailleurs.
C’est beau non ? Si ce n’est pas comme ça que ça fonctionne, j’aimerais bien qu’on nous prouve le contraire en commission d’enquête.
À moins qu’on oublie tout ça d’ici là…
«Je me souviens»
«En concevant en 1883 les plans du Palais législatif de Québec (aujourd’hui l’Assemblée nationale), Eugène-Étienne Taché (1836-1912), architecte et sous-ministre des Terres de la Couronne, fit graver dans la pierre, sous les armes du Québec qui apparaissent au-dessus de la porte principale du Parlement, la devise “Je me souviens”. Elle fut utilisée et désignée comme la devise du Québec durant plusieurs décennies. L’adoption en 1939 de nouvelles armoiries du Québec sur le listel desquelles elle figure, raffermit son caractère officiel.
Sa signification
«En l’absence de textes où Eugène-Étienne Taché expliquerait ses intentions, c’est en se plaçant dans le contexte où il a créé cette devise qu’on peut en comprendre la signification. Taché a conçu la décoration de la façade de l’hôtel du Parlement comme un rappel de l’histoire du Québec. Il en a fait un véritable Panthéon. Des bronzes y représentent les Amérindiens, les explorateurs, les missionnaires, les militaires et les administrateurs publics du Régime français ainsi que des figures du Régime anglais, comme Wolfe, Dorchester et Elgin. D’autres éléments décoratifs évoquent des personnages ou des épisodes du passé et Taché avait prévu de l’espace pour les héros des générations à venir. La devise placée audessus de la porte principale résume les intentions de l’architecte : “Je me souviens… de tout ce que cette façade rappelle.”»
SOURCE : JUSTICE QUÉBEC


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