Jacques Parizeau : La souveraineté aujourd’hui

Indépendance — Une conjoncture favorable

Le 17 octobre 2012 à 11 h 45, c’étaient environ 600 personnes qui s’étaient réunies dans un amphithéâtre de l’Université de Montréal afin d’assister à une courte conférence accordée par l’ancien Premier ministre du Québec et artisan du référendum de 1995, Jacques Parizeau.
Alors que seulement 300 personnes avaient confirmé leur présence sur Facebook, une trentaine ou une quarantaine d’individus arrivés à la dernière minute ont finalement assisté à la conférence complète debout, les sièges étant tous occupés. Sur une note touchante, le premier sujet abordé fut bien entendu le référendum de 1995 et le « repli sur lui-même » du Québec à sa suite (voir la vidéo ici : http://www.tagtele.com/profil/Balzac/?v=91105&vc=&vp=1).
La souveraineté aujourd’hui
On l’a, par moments, senti un peu critique de certaines tactiques du Parti Québécois en matière d’indépendance. En réponse à un étudiant en droit qui le questionnait au sujet de son positionnement sur le « morcellement du vote souverainiste » au sein de plusieurs partis politiques, Jacques Parizeau a affirmé qu’« il y a eu une sorte de vieillissement avec les années où le Parti québécois a cessé d’être cette espèce d’union sacrée de toutes les tendances de la société québécoise », qualifiant de « ciment » entre les différentes tendances le projet de souveraineté dont le parti s’était fait le véhicule par excellence à l’époque.
Selon lui, avec le temps, une sorte d’« orthodoxie » s’est créée, puis il y a eu division, puis le résultat des dernière élections. On semblait percevoir un désir de voir les diverses options se rassembler à nouveau, mais une fois formés, les nouveaux partis « ne reviennent plus ». « La vie n’est pas comme ça. Alors là (…), je m’arrête, j’ai pu l’âge de m’occuper de ça! » (rires dans la salle).
En réponse à un autre intervenant, on l’entendait affirmer qu’on avait trop parlé de stratégies d’accès à la souveraineté, qu’il y avait eu trop de débats sur le moment de faire celle-ci. Au sujet de la formule du Parti Québécois, « je l’aime pas beaucoup. La gouvernance souverainiste, je trouve qu’elle est un peu trop axée sur le chiâlage traditionnel (…). Il y a trop de ça (…). L’important, c’est qu’on revienne, on revienne, au désir de faire l’indépendance du pays. »
Les 3 arguments contre le projet de souveraineté
Au vu de M. Parizeau, le projet d’indépendance ne se fait pas sans avoir y avoir réfléchi. L’économiste de formation a démonté trois arguments contre le projet de souveraineté « qu’on ne peut pas repousser du revers de la main ».
Le premier est celui de la péréquation, qui ne tient pas, selon lui, puisque d’année en année, le Québec tend parfois à bénéficier de l’argent redistribué par le gouvernement fédéral, mais il tend aussi souvent à en donner davantage, ou bien parfois c’est « kiffe-kiffe ». « Depuis quelques années, les transferts fédéraux aux provinces ont beaucoup augmenté (…). Là, monsieur Flaherty vient de dire qu’il va bloquer les transferts (…) aux provinces (…). On conclue que c’est pas mal kiffe-kiffe sur une longue période et que selon le moment qu’on choisit pour se séparer, on peut être en surplus, on peut être en déficit, ça dépend des circonstances. Mais c’est gérable. »
Le deuxième argument concerne la dette québécoise dans le cadre de la crise économique mondiale actuelle. Là-dessus, M. Parizeau souligne que le Québec est la seule province au Canada où on parle de dette brute plutôt que de dette nette (donc où on ignore l’actif), ce qui empêcherait en réalité de faire une comparaison avec les autres provinces et montrerait l’économie du Québec sous un jour faussement inférieur. « Cet obstacle-là, c’est une supercherie, une gigantesque supercherie. »
Enfin, le troisième argument porte sur l’importation et l’exportation. « Lui, c’est un obstacle réel. » Il faut miser sur la productivité, l’innovation, la recherche dans les universités, l’économie du savoir. C’est à ces endroits que l’avenir se trouve. Le Plan Nord n’est pas suffisant. « Il y a une politique économique à élaborer. Ça, ça pourrait devenir un obstacle, celle-là. »
Le rôle des associations étudiantes
En réponse à une question portant sur le rôle des associations étudiantes dans le projet de souveraineté, et qualifiant d’abord le printemps érable de « révolutionnaire dans le meilleur sens du terme », l’ancien professeur aux HEC a déclaré qu’avant de parler de cette question, « il reste des précédents extraordinaires qui ont été créés et qui sont dangereux pour l’existence même des fédérations » (abordant entre autres la loi 12). Il faudrait donc que les associations étudiantes redéfinissent leur rôle et veillent à protéger leurs droits. « On ne reconnaît plus le droit de grève (…). On donne à un ministre le pouvoir de dissoudre, en pratique, une fédération. La fédération étudiante n’a plus le statut d’une fédération syndicale. »
En conclusion
« La souveraineté, aujourd’hui, reste possible, c’est notre attitude de nous prendre en main, d’être responsables de nous-mêmes, il faut qu’on apprenne à prendre nos propres décisions, être responsables de ce qu’on fait. Il y a des obstacles, certains sont imaginaires, d’autres sont tout-à-fait réels. Faut s’y adresser, faut étudier, faut préparer (…). On ne voit pas de référendum si on ne l’a pas préparé longuement, et ça prend des années. Commençons maintenant, mettons-nous au travail. »
Jacques Parizeau est décidément un homme qui a la cause indépendantiste à coeur. Il continue de partager ses idées et son savoir même à 82 ans, tout en tenant un discours très actuel et en ayant moins peur du changement des visages, et peut-être des partis politiques, que de l’idée.


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