En commission parlementaire, Pierre Ouellet, le chef de cabinet de Jacques Daoust alors qu’il était ministre de l’Économie, de l’Innovation et des Exportations, a fait passer son ancien patron pour un fieffé menteur, affirmant qu’il a discuté avec lui de la vente des actions de Rona par Investissement Québec le jour même où le conseil d’administration prenait la décision de céder ce bloc d’actions.
Mais Pierre Ouellet, qui souhaitait donner sa version des faits — il a été assermenté — et qui était aussi en service commandé pour le cabinet du premier ministre, a révélé que Jacques Daoust n’était pas d’accord avec la transaction. Cela n’a pas empêché le chef de cabinet d’envoyer par courriel un simple OK à Investissement Québec, qui le talonnait depuis une semaine pour obtenir l’avis du ministre.
« J’ai eu deux échanges avec le ministre, qui [n’ont] pas été très élaborés. Lui, il connaissait bien le dossier, contrairement à moi », a-t-il relaté devant la Commission de l’économie et du travail (CET). La première fois, c’est le 17 novembre 2014, le jour même où le conseil d’administration d’IQ adopte une résolution de vendre ses actions de Rona, d’une valeur de 156 millions, « sous réserve d’une consultation avec le ministre ». Ce même jour, après la réunion du C. A., le ministre a rencontré les administrateurs pour leur exposer son plan stratégique pour la société d’État. Jacques Daoust a demandé à son chef de cabinet de vérifier si une autorisation du ministre ou du Conseil des ministres était nécessaire pour qu’IQ puisse procéder à cette vente. La réponse du vice-président des affaires juridiques d’IQ est venue le 21 novembre : la société d’État peut disposer de ses actions sans autorisation gouvernementale parce qu’elles avaient été achetées à même ses fonds propres plutôt que par le gouvernement par l’entremise du Fonds de développement économique (FDE).
La deuxième fois, c’est le 26 novembre, tout juste avant que Pierre Ouellet donne le OK du ministre aux dirigeants d’IQ. L’ex-directeur de cabinet a affirmé que le ministre lui a dit : « C’était leur responsabilité, ils vivront avec les conséquences. » Et Pierre Ouellet a ajouté : « Parce qu’il n’était pas favorable à cette décision-là. »
Depuis le mois de juin dernier, à la suite d’un rapport sur IQ de la vérificatrice générale, Guylaine Leclerc, qui a comparu aussi, Jacques Daoust soutient qu’il n’avait pas été informé de l’intention de la société d’État de vendre ses actions Rona et qu’il n’avait pas donné son autorisation à ce sujet parce qu’il n’avait pas à le faire. C’est ce qu’il a réitéré dans sa déclaration lors de sa démission vendredi de la semaine dernière.
Pierre Ouellet a indiqué que jamais, au moment où IQ cherchait à obtenir l’avis du ministre, il n’avait informé le chef de cabinet du premier ministre, Jean-Louis Dufresne, ou son personnel des intentions de la société d’État. Il ne lui a parlé de ce sujet que le 3 juin 2016 pour lui expliquer que Jacques Daoust était au courant des intentions du conseil d’IQ.
IQ voulait l’aval du ministre
Chez IQ, bien que, légalement, son conseil n’en avait aucune obligation légale, on jugeait important d’obtenir l’avis du ministre. « Vendre la totalité des actions, c’est un changement de cap », a indiqué Yves Lafrance, p.-d.g. par intérim d’IQ au moment de la décision. Quand la direction de la société d’État reçoit le courriel de Pierre Ouellet, « nous, on considère qu’on a eu une réponse » du ministre, a dit Yves Lafrance.
Deux anciens dirigeants d’IQ, Mario Albert et Jean-Claude Scraire, respectivement p.-d.g. et président du conseil d’IQ de juillet 2013 au printemps 2014, ont fait valoir que, pour une transaction de cette importance, il était souhaitable d’obtenir l’opinion du gouvernement. En vertu de l’article 4 de la Loi sur IQ, la société d’État doit se conformer à la politique économique du gouvernement. Rappelons que l’achat d’un bloc d’actions de Rona était une commande du gouvernement Charest, confirmée par un décret du Conseil des ministres à l’été 2012, pour contrer une offre publique d’achat (OPA) lancée par l’américaine Lowe’s. En acquérant un peu moins de 10 % des actions de Rona, IQ formait avec la Caisse de dépôt et placement du Québec, le Fonds de solidarité (FTQ) du Québec et les détaillants une minorité de blocage.
Deux ans plus tard, le conseil d’IQ considérait que le danger était passé et que l’investissement, sujet à des fluctuations boursières, était un risque qu’elle ne voulait plus assumer. En 2013, la seule baisse du titre avait retranché 40 % du bénéfice d’IQ, soit 20 millions.
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VENTE DES ACTIONS DE RONA
Jacques Daoust était au courant
La version de l’ex-ministre est démolie par son chef de cabinet
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