Mahmood Elahi - En réaction aux articles de Don MacPherson, « As winter approaches, the language issue heats up »->22666], de Henry Aubin, [« The Great Evader »->22876] (une attaque contre Louise Harel) et du reportage de Irwin Block [« Language hardliners pipe up » (du 20 octobre).
Ces commentateurs sont tous passés à côté d’un point important : le français demeure extrêmement fragile au Québec, placé dans cet océan anglophone qu’est l’Amérique du Nord. Pour comprendre la fragilité du français au Québec, voyons ce qui s’est passé en Irlande.
Dès avant l’ère chrétienne et jusque vers les années 1850, la langue de l’Irlande était le gaélique. Puis vint la Grande famine et le besoin de survivre sur le plan économique en tissant des liens plus étroits avec le prospère suzerain colonial de l’Irlande, l’Angleterre, et en apprenant la langue de la majorité dominante.
Alors que le gaélique était parlé par la vaste majorité des Irlandais au début du 19e siècle, il était presque disparu de la vie quotidienne à la fin du siècle.
Aujourd’hui, bien que le gaélique, ou l’irlandais tout court, ainsi qu’on le dit dans la république, soit défini dans la constitution comme « première langue officielle », seulement 3 p. 100 environ des 3,5 millions d’Irlandais le parlent en tant que langue principale.
On attribue à la mentalité « seonin » la disparition de l’irlandais en Irlande. Seonin est un mot gaélique (prononcé chon-ine) qui désigne une préférence pour l’anglais. Il découle du nom Sean, l’équivalent gaélique de John, comme dans John Bull, l’Oncle Sam anglais.
De l’avis de Katie Verling, directrice du marketing pour Telegael, « on trouvait autrefois que parler l’irlandais était affreusement dépassé et synonyme de pauvreté. Les enfants avaient honte de leurs parents s’ils le parlaient. Les parents voulaient que leurs enfants se concentrent sur l’anglais. »
Le français n’en est pas là au Québec, mais il demeure extrêmement fragile. Non seulement les 7 millions de francophones québécois forment une minorité vis-à-vis des 25 millions de locuteurs anglais au Canada, mais ils ont pour voisins 300 millions d’Américains de langue anglaise dont l’influence linguistique et culturelle imprègne toute la société canadienne.
Sans efforts appuyés, le français au Québec pourrait connaître le sort de l’irlandais en Irlande. Le plus grand danger c’est que, compte tenu de l’importance primordiale de l’anglais en Amérique du Nord, les francophones abandonnent le français en faveur de l’anglais pour des raisons économiques, tout comme les Irlandais ont abandonné le gaélique.
La séparation n’y fera rien. L’Irlande a beau être maintenant un pays indépendant, les Irlandais sont devenus aussi anglophones que les Anglais. Cependant, le Québec mérite des félicitations pour avoir pris des mesures en vue de protéger la langue et la culture françaises.
Au lieu de critiquer, les anglophones devraient prêter main-forte afin de protéger le français qui baigne dans une mer anglophone en Amérique du Nord. Au lieu de critiquer Mme Louise Harel parce qu’elle ne parle pas très bien l’anglais, il faudrait la féliciter de bien parler sa langue maternelle.
Traduction : Lise Castonguay
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