Iran: l'escalade

Géopolitique — nucléaire iranien


L'Iran veut-il vraiment conquérir la bombe atomique? Les États-Unis et leur nouveau proche allié, la France de Nicolas Sarkozy, pourraient-ils aller jusqu'à «la guerre, monsieur!» pour tenter de prévenir cette éventualité, évoquée en ces mots par le controversé Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères de la France?
Ces questions se posent sérieusement, alors que, de part et d'autre, on semble jouer l'escalade...
Dans un défilé militaire, ce week-end à Téhéran, le régime des ayatollahs a fait voir, avec superbe et défi, les dernières acquisitions en matériel militaire non nucléaire, notamment un missile à moyenne portée capable d'atteindre Israël.
Et puis, à Washington, il semble qu'aucune des leçons funestes de l'équipée irakienne n'ait aujourd'hui la moindre valeur d'avertissement pour les va-t-en-guerre, devant la possibilité réelle d'une répétition du scénario guerrier.
George Bush, comme Nicolas Sarkozy et Bernard Kouchner, utilisent les termes les plus alarmistes pour parler de l'Iran et de ses ambitions nucléaires...
Ils parlent de «guerre», de «la bombe iranienne»... alors même que Mohammed el-Baradeï, directeur de l'Agence internationale de l'énergie atomique, rapporte que les dernières discussions se sont bien déroulées, et que la possibilité d'une entente reste sur la table.
C'est que le moment choisi pour lancer ces déclarations n'a qu'un vague rapport avec la réalité du terrain... Non, ce timing répond plutôt à l'envie impérieuse des «durs» du régime Bush, comme le vice-président Dick Cheney - toujours au poste, ne l'oublions pas -, de bombarder l'Iran avant la fin de leur mandat. Oh! que ça les démange...
Également à l'ordre du jour: la réconciliation franco-américaine, après la grave querelle de 2002-2003 sur l'Irak. Cette réconciliation a pour terrain privilégié la question de l'Iran. Pour Paris, peu importe si on «en rajoute» un peu sur le thème du danger iranien... la priorité étant de bien se faire voir à Washington.
Paris, en 2007, joue un peu, en ce qui concerne l'Iran, le même rôle que Londres, il y a cinq ans, avec l'Irak. Les leaders français crient au loup en ce qui concerne le nucléaire iranien, un peu comme Tony Blair criait au loup - tous les deux jours à l'automne 2002 et à l'hiver 2003 - au sujet des supposées «armes de destruction massive» de Saddam Hussein...
Mais il y a l'embarrassant El-Baradeï - tout de même un prix Nobel de la paix - qui ne partage pas leur alarmisme, et qui ose dire: «L'usage de la force ne peut être envisagé que quand toutes les autres options son épuisées. Je ne crois pas du tout que nous en soyons là.» Mais pour Washington, ces déclarations sont scandaleuses. Avec sa morgue fameuse, Condoleezza Rice lance: «M. El-Baradeï doit éviter de faire des déclarations politiques. Son rôle est strictement technique.»
El-Baradeï a rappelé que cet été, l'AIEA a déjà négocié avec l'Iran une prolongation - jusqu'à la fin de 2007 - de ses enquêtes sur le terrain, pour faire toute la lumière sur les activités de l'Iran.
Mais manifestement, Paris et Washington n'ont pas envie d'attendre tout l'automne, et veulent immédiatement adopter un train de sanctions supplémentaires contre l'Iran... prélude possible à une attaque.
El-Baradeï ne vous rappelle pas un certain Hans Blix? Cet inspecteur de l'ONU mandaté en Irak, en 2002-2003, pour chercher les supposées armes de destruction massive de Saddam Hussein...
À l'époque, le fameux inspecteur se voulait anti-alarmiste et demandait du temps. Mais Washington lui criait «Taisez-vous!» lorsqu'il osait dire: «Peut-être que Saddam Hussein, après tout, ne possède pas d'armes de destruction massive.» Vérité insupportable qui rendait les Américains furieux!
Et maintenant? De nouvelles sanctions au Conseil de sécurité? Des ultimatums et une course à la guerre? Mais la Russie et la Chine ont dénoncé, cette semaine, l'alarmisme de Bernard Kouchner... et sont susceptibles de voter contre de telles sanctions.
D'où l'idée de sanctions «hors ONU», évoquée à Washington et à Paris... Mais cette semaine, Angela Merkel, l'Allemande, a déclaré: «Non, nous ne suivrons pas cette voie.»
Il y a dans tout cela un parfum qui rappelle le climat de précipitation et d'intimidation de 2002-2003... Avec, diront les plus méchants, un changement de distribution dans le rôle du «petit caniche» de la Maison-Blanche. Tony Blair n'est plus là, et son successeur Gordon Brown n'a manifestement pas envie de reprendre ce rôle.
Bernard Kouchner s'est rendu cette semaine en Russie, pour essayer de convaincre Moscou de se joindre au camp des intransigeants, mais l'accueil a été plutôt froid... Ce qui a d'ailleurs poussé Kouchner à déclarer, dans une rhétorique soudain plus conciliante: «Il faut négocier, négocier, négocier sans relâche, tout doit être fait pour éviter la guerre.»
On verra bien dans les prochains mois s'ils vont vraiment «tout faire» pour éviter la guerre. Il y a des sceptiques - oh les vilains! - qui pensent que non...
***
François Brousseau est chroniqueur d'information internationale à Radio-Canada. On peut l'entendre tous les jours à l'émission Désautels à la Première Chaîne, et lire ses carnets sur www.radio-canada.ca/nouvelles/carnets.
francobrousso@hotmail.com

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François Brousseau est chroniqueur et affectateur responsable de l'information internationale à la radio de Radio-Canada.





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