Hier, l'armée israélienne a resserré l'étau autour de la ville de Bint-Jbeil, l'un des principaux bastions du Hezbollah. Le ministre israélien de la Défense, qui a perdu au moins neuf hommes lors de l'assaut, dit avoir infligé des «dommages stratégiques énormes » à l'organisation chiite libanaise. Néanmoins, malgré les bombardements intenses, la ville ne se rend pas. Le Hezbollah est-il indestructible?
Les 19 et 20 juillet, l'armée israélienne a déversé 20 tonnes de bombes sur un bunker du Hezbollah, croyant mordicus que son dirigeant, Hassan Nasrallah, s'y trouvait en compagnie de sa garde rapprochée. Le lendemain, ce dernier lançait un communiqué de presse en guise de pied de nez: le leadership de l'organisation chiite libanaise était intact.
Le Hezbollah allait encore une fois survivre à la puissance de son ennemi, ne faisant pas mentir sa réputation de résistant coriace. «Le Hezbollah demeure un adversaire aussi intransigeant qu'avant le déclenchement des hostilités. Il ne montre aucune signe de faiblesse», a écrit cette semaine Amos Harel, spécialiste des questions militaires, dans le journal israélien Haaretz.
L'histoire se répète. Malgré des moyens militaires inférieurs, le Hezbollah a réussi à tenir tête à l'État hébreu, de sa création en 1982 jusqu'au retrait d'Israël en 2000.
Le soutien de la République islamique d'Iran n'est pas étranger à la résistance du mouvement. Bon an, mal an, le Hezbollah reçoit entre 100 et 300 millions de l'Iran. La Syrie enrichit aussi les coffres de l'organisation. Même si l'Iran nie armer le Hezbollah, quelques récentes surprises militaires indiquent le contraire. En plus de 12000 roquettes sol-sol (la plupart sont des Katiouchas), le Hezbollah a en sa possession des missiles iraniens Zelsol-1, avec une portée de 150km, ainsi que des missiles téléguidés C-802.
Racines profondes
Mais selon les experts du Moyen-Orient, la vraie force du Hezbollah ne réside pas dans son armement, mais dans son enracinement profond dans le sud du Liban, région qu'habite une écrasante majorité de musulmans chiites.
«Le Hezbollah est au Liban ce que le Parti québécois est au Québec. Pourriez-vous détruire le Parti québécois en utilisant des moyens militaires? Non, c'est inconcevable», explique Rex Brynen, professeur de sciences politiques à l'Université McGill. Il pousse l'image plus loin: «Le Hezbollah, ce n'est pas le Front de libération du Québec. Vous ne pouvez pas arrêter ou éliminer 15 personnes et l'organisation s'écroule.»
Il ajoute cependant qu'au niveau organisationnel, le Hezbollah soutient mal les comparaisons. Créé en 1982 en tant que mouvement de résistance chiite à l'occupation israélienne du sud du Liban, le Hezbollah, ou Parti de Dieu, a conservé son aile militaire après la fin de la guerre, tout en devenant un parti politique islamiste établi. Depuis 1992, il a en effet des représentants au Parlement libanais. En 2005, il a raflé 14 des 128 sièges de la législature et un poste de ministre.
Le parti soutient aussi un immense réseau de services publics. «Dans le sud du Liban, quand vous êtes chiite, vous grandissez avec le Hezbollah. L'État libanais n'est pas un État-providence, et c'est le Hezbollah qui s'occupe de la population chiite, de la naissance à la mort. Les hôpitaux, les écoles, la collecte des ordures, les services publics, c'est eux», explique Marie-Joëlle Zahar, chercheuse à l'Université de Montréal. «Le voir comme une marionnette pure et simple de l'Iran et de la Syrie est dangereux. C'est ignorer la réalité sur le terrain», ajoute Mme Zahar.
Un phénix qui renaîtde ses cendres
Le soutien et les effectifs du Hezbollah sont presque impossibles à chiffrer. Et c'est particulièrement vrai de l'aile militaire, qui a fait du secret et de la discipline de parti ses règles d'or. Selon certaines estimations, le noyau dur des combattants armés serait composé de tout juste 600 hommes, qui y consacrent leur vie. Mais les rangs des milices se gonflent à la vitesse de la lumière en temps de crise. «Ils fonctionnent un peu comme le Viet-cong. Les gens se battent dans leur propre village. Ils connaissent le terrain», explique Sami Aoun, professeur à l'Université de Sherbrooke. Il n'est pas inhabituel qu'un professionnel à temps plein devienne combattant en temps de conflit. S'il est tué, ses fils prennent sa place.
Dans le sud du Liban, où la guerre est une réalité du quotidien depuis plus de 20 ans, le Hezbollah prépare d'ailleurs sa relève dès le plus jeune âge. Des photos, prises par la photographe américaine Alexandra Avakian, montrent des enfants de moins de 10 ans, habillés en treillis, qui prêtent serment au jihad (la guerre sainte) et aumartyrologe. Ces jeunes appartiennent aux Scouts Al-Mahdi, une organisation liée au Hezbollah, qui apprend aux enfants les fondements de l'idéologie chiite et de la pensée du Hezbollah.
Cette pensée a beaucoup évolué depuis la création du mouvement, au lendemain de la Révolution islamique d'Iran. Si le Hezbollah voulait à l'origine créer une république islamique au Liban, sur le modèle iranien, il a abandonné cette idée depuis, reconnaissant que le Liban est un pays multiconfessionnel. La disparition d'Israël fait cependant toujours partie de son programme, relayé aux plus jeunes. Une autre photo d'Alexandra Avakian montre un adolescent qui, lors d'un camp d'été des Scouts Al-Mahdi, a choisi de faire comme projet artistique une étoile de David en pierre. Tentative de rapprochement avec le pays voisin? Pas du tout. Les autres jeunes qui voulaient entrer dans la tente de l'adolescent se voyaient contraints de piétiner le symbole du judaïsme.
Organisation terroriste?
Le Hezbollah est-il une organisation terroriste? Le sujet déchire les grandes puissances occidentales. Seuls le Canada, Israël, les États-Unis et l'Australie lui collent cette étiquette. Les États-Unis ne l'ont ajouté à leur liste d'organisations terroristes qu'en 2001, au lendemain du 11 septembre. Le Hezbollah a cependant dénoncé l'attentat en sol américain et la décapitation d'otages par Al-Qaeda en Irak.
Plusieurs actes terroristes sont attribués au Hezbollah ou à des sous-groupes qui agissent en son nom. L'organisation aurait notamment participé à l'enlèvement de plus de 30 journalistes et diplomates pendant la guerre du Liban. Le chercheur français Michel Seurat est mort en captivité. L'organisation n'a jamais revendiqué ces rapts.
Ils sont aussi soupçonnés d'avoir organisé les attentats suicide dirigés contre l'ambassade américaine et contre les baraques des Marines américains en 1983 à Beyrouth. Trois membres du Hezbollah sont sur le liste des terroristes recherchés par le FBI à la suite du détournement du vol TWA 847, en 1985. Deux attentats contre l'ambassade israélienne et le centre culturel israélien de Buenos Aires en Argentine, en 1992 et 1994, lui sont aussi attribués. Le Hezbollah rejette en bloc ces accusations.
Le Parti de Dieu tient tête à l'État hébreu depuis 1982
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