Indépendance: les conditions du renouveau

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D'abord, en parler !

L’indépendance, depuis quelques années est une idée politique un peu « tofu ». On ne semble plus aimer son goût et on tente de lui donner de la saveur en le marinant dans à peu près n’importe quoi. Cette idée de donner un pays à un peuple pour sa distinction, sa langue, son histoire ou sa culture semble fade. On semble penser que l’idée d’indépendance du Québec devrait s’enguirlander selon les goûts des fashionitas politiques, adaptant l’idée selon les saisons, les générations ou les individus. Bref, l’indépendance sur mesure. Le concept original serait folklorique, vétuste et sentirait la boule à mites. Le discours aurait besoin d’être renouvelé.
Comme si l’eau avait besoin d’être aromatisée pour être un meilleur vendeur.
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Le mouvement souverainiste peut se targuer d’avoir en son sein plusieurs jeunes intellectuels : cinq se sont ainsi réunis pour revigorer les raisons de base qui font que l’indépendance est une idée qui est loin d’être fade. Sous la direction de Mathieu Bock-Côté, qui n’a plus besoin de présentation, les démographes Patrick Sabourin et Guillaume Marois, le professeur de droit Guillaume Rousseau ainsi que l’historien Charles-Philippe Courtois ont publié cette semaine « Indépendance : les conditions du renouveau » (VLB, 2014) démontrant que certains concepts comme l’histoire, la sociologie ou la démographie sont trop souvent absents des analyses politiques ou des tribunes médiatiques. Bock-Côté nous rappelle avec raison que l’indépendance n’est pas une idée neuve : « elle plonge dans l’histoire du Québec, et c’est ce qui fait sa force ». Le sociologue et chroniqueur souligne avec justesse que lorsqu’on tente de moderniser l’option souverainiste, elle devient aseptisée, et qu’il est plutôt temps de « renouer avec ses fondements ».

Les démographes Guillaume Marois et Patrick Sabourin nous rappellent « qu’ignorer les tendances démographiques c’est ignorer la tectonique des plaques qui refaçonne lentement et inexorablement le paysage politique québécois ». Quand on fait la lecture de leur chapitre, on se rend bien compte que certains faits demeurent et jouent contre l’accession du Québec à son indépendance : la génération X est désillusionnée, les jeunes n’appuient plus aussi massivement le Parti Québécois et les nouveaux arrivants ne sont que 17 % à appuyer l’idée que le Québec devienne un pays souverain. En effet, il faut être utopique pour croire que les cultures francophone et québécoise sont favorisées au sein du Canada. Or, les souverainistes ont un défi : cesser d’ignorer les allophones et les anglophones. Effectivement, les chiffres démontrent que si nous voulons un pays, il faudra les y intéresser davantage que nous le faisons actuellement, n’oublions pas que le Québec « est l’une des régions du monde accueillant le plus d’immigrants, devant tous les états américains et la plupart des pays d’Europe ». Pourtant, nos services d’intégration et de francisation sont déficients.

Guillaume Rousseau fait le constat que le Parti libéral semblerait être le « parti naturel du pouvoir » dressant la genèse de l’histoire du système politique québécois, venant à la conclusion que le PLQ pourrait accumuler les futures victoires et gagner presque toutes les élections, il dresse la liste des solutions envisageables pour les souverainistes québécois, suggérant des alliances ou de nouvelles façons de faire. Un chapitre que les aspirants candidats à la chefferie du Parti Québécois auraient tous intérêt à lire avec attention.

Charles-Philippe Courtois, dans la dernière partie de l’essai, fait le portrait historique de l’indépendance pré révolution tranquille. L’historien nous rappelle ces grands moments de notre histoire dont on ne parle pas assez, comme si nous n’avions pas existé avant les années 60, que l’idée d’indépendance ne s’était pas trouvée en filigrane dans les pages de notre histoire, comme si les patriotes et les grands hommes n’avaient été que figurants. Pas trop difficile à croire, alors que notre histoire n’est que si peu enseignée. Un ouvrage qu’il faudra assurément lire afin de remédier à la situation.
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Alors que l’indépendance politique ne semble plus être à la mode, plusieurs projets lui sont associés cet automne : vient d’être publié chez Québec Amérique Les États désunis du Canada, inspiré du documentaire du même nom, et arrivera le 28 octobre chez vos disquaires l’album Légendes d’un Peuple : Le collectif, d’Alexandre Belliard accompagné d’une manne d’artiste. Sera aussi publié dans les prochains jours l’essai de Simon-Pierre Savard-Tremblay « Le souverainisme de province », chez Boréal, ainsi que le collectif « Lettres à un souverainiste », chez VLB, dirigé par Léa Clermont-Dion et Félix-Antoine Michaud, s’interrogeant sur les moyens de faire revivre l’espoir d’un Québec indépendant et l’idéal de progrès sans lequel, pour les auteurs, le projet politique se vide de son sens. S’adressant à un militant de la génération précédente, qui, j’imagine, ne partagerait pas leur idée, comme si des jeunes de leur génération, dont je suis, ne pourraient pas vouloir faire du Québec un pays, seulement parce que c’est le destin logique de son histoire. Comme l’écrit Guillaume Rousseau dans Indépendance, inspiré de Lévesque et Parizeau, « c’est seulement en tirant tous ensemble dans la même direction qu’on pourra peut-être faire avancer le Québec un peu ». Il serait sage que certains méditent là-dessus.
À constater tous ces nouveaux ouvrages portant sur la question nationale, il semblerait que la créativité soit la méthadone des indépendantistes en sevrage.


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