SITES MINIERS

Il faudrait 83 ans pour tout restaurer

Québec est forcé de réhabiliter 698 sites abandonnés, selon la dernière évaluation

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Le gâchis laissé par le gouvernement Charest

Résultat de décennies de négligence environnementale, les sites miniers abandonnés continueront longtemps de faire partie du paysage québécois. Si Québec continue les travaux de restauration au rythme actuel, il ne faudra pas moins de 83 ans pour venir à bout de cet héritage toxique, pour un coût dépassant le milliard de dollars. Et la facture sera assumée uniquement par les contribuables.

Les informations obtenues par Le Devoir en vertu de la Loi d’accès à l’information précisent qu’au cours de la plus récente année financière, soit 2012-2013, Québec a injecté un peu plus de 15,6 millions de dollars dans le nettoyage et la décontamination des sites miniers laissés à la charge de l’État au fil des ans.

Depuis que le gouvernement a inscrit ces sites contaminés aux comptes publics, en 2007, 86,2 millions de dollars ont été dépensés, indiquent aussi les données transmises par le ministère des Finances et de l’Économie. Cela représente une moyenne annuelle de 14,3 millions de dollars. Un pic de plus de 17,4 millions de dollars a été atteint en 2007-2008, et un creux de huit millions a été atteint en 2010-2011.

En supposant que le gouvernement maintienne le rythme moyen actuel d’investissements, il faudra au moins 83 ans pour venir à bout des travaux. Lorsqu’ils étaient au pouvoir, les libéraux avaient répété à plusieurs reprises que le tout serait terminé en 2017, mais sans présenter de plan d’action.

1,2 milliard de dollars

Selon l’estimation de Québec, la facture totale pour la restauration des sites pourrait atteindre 1,2 milliard de dollars. Si le montant dépasse le milliard, c’est notamment parce que le gouvernement est forcé de s’occuper d’un total de 698 sites, selon la plus récente évaluation disponible. De ce nombre, on compte 198 sites d’exploitation, dont au moins une cinquantaine ont besoin de travaux de décontamination qualifiés de « majeurs » par Québec.

Des travaux de restauration ont d’ailleurs été entrepris en priorité sur ces sites problématiques. C’est le cas du site Manitou, le pire de la province entre les mains de l’État. Les 11 millions de tonnes de résidus miniers acides de cette ancienne mine de zinc et de cuivre se sont dispersés dans tout le secteur, situé au sud-est de Val-d’Or. Cela a eu « un impact majeur », selon Québec. Or, le dernier détenteur des droits miniers a déclaré faillite en 2003. Le gouvernement a donc élaboré un projet de restauration de 47 millions de dollars échelonné sur 12 ans. Il vise à restaurer le site Manitou en recouvrant ses résidus avec les résidus miniers de la mine Goldex, de l’entreprise Mines Agnico-Eagle.

Plusieurs autres sites sont situés en Abitibi-Témincamingue, une région où l’industrie minière est très présente depuis plusieurs décennies. Dans certains cas, des métaux lourds doivent être récupérés, notamment pour éviter davantage de « migration de la pollution ». Bien souvent, de l’équipement a été laissé à l’abandon, ou encore des camps miniers entiers.

L’État doit aussi décontaminer un total de 488 sites d’exploration minière. Seulement au Nunavik, on compte 275 de ces sites, dont 18 sites ont été classés « majeurs ». « Des travaux d’entretien et de suivi environnemental peuvent être nécessaires et sont effectués au besoin. Ces sites sont inspectés régulièrement », précise le ministère des Ressources naturelles.

Facture aux Québécois

La totalité de la facture des travaux de restauration sera assumée par les contribuables québécois. Sur ce point, le Parti libéral et le Parti québécois ont adopté, au final, la même façon de faire.

Les libéraux ont toujours refusé de mettre l’industrie minière à contribution pour tenter de réduire la facture devant être assumée par l’État. Lorsqu’elle était dans l’opposition, Martine Ouellet avait dénoncé cette position du gouvernement Charest. Elle avait alors évoqué l’idée de faire contribuer les entreprises minières actives au Québec, possiblement en leur imposant une taxe spéciale.

L’an dernier, la ministre des Ressources naturelles a toutefois admis que ce sont les Québécois qui paieront toute la facture. Selon Mme Ouellet, les entreprises contribuent déjà aux finances de l’État québécois par l’entremise des redevances qu’elles versent. « On a décidé de mettre une redevance, a expliqué Mme Ouellet. La redevance revient à l’État. Ensuite, comment utilise-t-on cette redevance ? La redevance peut aller dans les coffres de l’État, dans le fonds des générations ou dans le fonds consolidé. Après ça, c’est l’État qui finance les différentes activités qu’il doit financer. »

On ne sait pas quelle part des redevances minières sera redirigée pour nettoyer les dégâts environnementaux de l’industrie. Depuis qu’il a pris le pouvoir, le gouvernement Marois n’a pas présenté de plan précis concernant la restauration des sites à sa charge, malgré les intentions annoncées. Toutefois, dans le dernier budget provincial, le gouvernement a indiqué qu’il consacrerait dès cette année, et pour les années à venir, un total de 23 millions de dollars à la « gestion de l’activité minière » et du « patrimoine minier ». Si ce rythme d’injection de fonds publics se concrétisait, il faudrait 52 ans pour achever les travaux sur tout le territoire.

En théorie, le Québec ne devrait plus se retrouver aux prises avec des sites miniers abandonnés dans le futur. Selon les règles fixées par le gouvernement Marois, une garantie financière couvrant 100 % des coûts est désormais exigée pour la restauration des sites d’exploitation et son versement doit être fait dans les deux ans suivant l’approbation du plan de restauration.

Pour régler le cas des sites orphelins qui sont à la charge de Québec, la Coalition Québec meilleure mine a déjà proposé l’adoption d’une redevance spéciale d’environ 1 % pour financer un fonds de restauration des sites miniers abandonnés au Québec.


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