<i>René</i>: la vraie histoire?

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« René Lévesque » — 20e anniversaire

Misère de misère! La série télévisée René présentée par Radio-Canada les mardis soir devrait être classée parmi les oeuvres de fiction. Les événements que nous racontent ces émissions ont à peine plus de 30 ans, mais leurs liens avec la réalité sont si minces que même les principaux intéressés ne s'y retrouvent pas. Pourtant, la plupart des protagonistes sont toujours vivants et la vérification du contenu, des attitudes et du comportement des personnes aurait pu facilement se faire directement auprès des personnes concernées.
Il aurait sans doute fallu mieux faire la recherche au départ. On aurait su par exemple que les élus du Parti québécois en 1976 ont été les premiers à renoncer à taper sur les pupitres comme des malades à l'Assemblée nationale pour démontrer leur accord ou leur désaccord avec les travaux qui se faisaient sous leurs yeux. Ce n'est qu'un détail, mais c'est très agaçant quand on connaît la vraie histoire.
Emmanuel Bilodeau avait déjà été éblouissant dans la première partie de cette saga politique, mais le personnage lui a échappé dans la deuxième. On a fait de René Lévesque un homme abattu, déprimé et inquiet, ce qu'il n'a jamais été durant les quatre années dont on parle. Pourtant, le manque de succès de la série n'a rien à voir avec le talent des comédiens. Le texte n'est pas crédible, et il est évident qu'il a fallu bâcler le tout en quatre heures sans les moyens financiers nécessaires à une telle entreprise.
Récrire l'histoire
Ce qui m'inquiète, c'est que pour beaucoup de jeunes qui n'ont pas vécu les moments que raconte la série René, ce qui va rester de l'histoire avec un grand H, c'est ça. Quatre heures d'une mauvaise série où rien n'est clairement expliqué et où tout est traité de façon très superficielle. Et c'est dommage.
L'usage intelligent des images d'archives donne pourtant envie de suivre la série. On y recrée l'excitation de la victoire de 1976 comme la tristesse de la défaite de 1980 grâce à la présence des Gérald Godin, Denis Lazure ou Jean Duceppe, qu'on voit en vrai l'espace de quelques secondes. Ce sont les seuls moments où nous avons envie d'y croire. Le mélange de la réalité des archives avec quelques répliques est une réussite.
Ce qui me dérange le plus, c'est que la «vraie histoire» n'y est pas. Et la caricature qu'on a choisi de faire des personnages principaux passe à côté de la réalité qu'ils ont vécue. Tant pis pour la vérité. Certains seront blessés, c'est inévitable.
Le cas
Un jour, on avait publié dans Paris-Match un long reportage sur le Québec, et j'avais acheté le magazine pour savoir ce qu'on racontait sur nous. L'article était tellement truffé d'erreurs grossières que ça en devenait drôle. Ma réaction a été de me dire que si Paris-Match ne pouvait pas faire un reportage sur le Québec sans faire d'erreurs, il fallait tenir pour acquis qu'il y avait autant d'erreurs quand il faisait un reportage sur le Vietnam, sur la Chine ou sur le Brésil. Cette découverte a semé le doute dans mon esprit par rapport au travail non seulement des journalistes mais aussi des historiens, qui sont la courroie de transmission de l'histoire du monde.
La série René me donne raison. Le fait de voir ce qu'on peut faire aujourd'hui d'une histoire qui s'est passée il y a seulement 30 ans, celle de René Lévesque et de ses amis politiciens, permet de comprendre que si vous n'y étiez pas, vous ne saurez jamais ce qui a été. On vous racontera des histoires de toute sorte qui se transformeront encore à l'infini parce que chacun voudra y apporter sa compréhension, son explication, sa couleur, quand ce n'est pas son mot d'esprit. Que restera-t-il de la vraie histoire au bout du compte? Probablement pas grand-chose.
Que reste-t-il de vrai quand on raconte l'histoire du Roi Soleil, des pharaons ou d'Alexandre le Grand? L'histoire se transforme au fur et à mesure qu'on la raconte. Quant à l'histoire d'un certain Jésus, elle a fait bien du chemin en 2000 ans. Peut-être est-elle devenue une fiction totale.
Je crois qu'on ne devrait plus toucher à René Lévesque pour un bout de temps. On devrait le laisser reposer en paix. On pourra peut-être le revisiter pour la télévision quand on en aura les moyens financiers, quand quelqu'un prendra le temps de faire le tour de ses archives et de celles de tous ceux qui l'ont entouré avant d'écrire un seul mot. C'est bien le moindre respect qu'on lui doive.
Lui qui aimait la «belle ouvrage» ne mérite pas ce qu'on lui fait subir en ce moment.


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