Hydro-Québec est en voiture

Le 41e Salon de l'auto de Montréal s'ouvre sur l'annonce d'une entente pour la production de 110 véhicules électriques équipés d'un moteur québécois

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Braderie technique : Auto électrique - Brevets - moteur-roue

Le président d'Hydro-Québec, Thierry Vandal, et le ministre des Ressources naturelles et de la Faune, Claude Béchard, ont profité du 41e Salon de l'auto de Montréal pour annoncer hier la conclusion d'une entente de principe entre TM4 et la danoise Miljo Innovasjon, propriété du géant indien Tata Motors, pour équiper 110 voitures électriques du moteur développé par la filiale de la société d'État québécoise.
Ce «premier pas», selon le mot du ministre Béchard, vers une production de voitures électriques destinées au marché européen et international a été franchi au moment où l'Ontario signait une entente avec Better Place. Ce promoteur international de la mobilité tout électrique fournit des bornes de recharge à des villes et régions du globe qui veulent s'équiper d'un parc roulant électrique. Jusqu'ici, Israël a signé une entente avec Better Place, entente prévoyant l'installation d'un réseau pouvant alimenter partout au pays 100 000 voitures, dont Better Place doit commencer la livraison entre 2011 et 2020.
L'Ontario espère par cette entente prendre de vitesse le Québec, qui voudrait devenir l'épicentre de la motorisation électrique au Canada. Better Place installera son siège social en Ontario, construira un centre de formation et de démonstration pour véhicules électriques à Toronto -- un concurrent direct du nouveau Centre national de transport avancé (CNTA) de Saint-Jérôme --, et l'Ontario facilitera la présence de ce mode de transport sur ses routes.
Le président d'Hydro-Québec espère que le contrat avec Miljo constituera une «percée» structurante pour le Québec et le «début d'une association plus durable» avec le géant indien de l'automobile.
Miljo procédera à l'intégration des composantes de la motorisation hydro-québécoise dans la Indicia, une petite voiture déjà en production dotée d'une motorisation plus conventionnelle. Les essais du véhicule, équipé d'un moteur de 37 kV, dureront deux ans. La petite voiture devrait rouler 200 km avec des batteries Lithium-ion Superpolymer, du type développé par l'ancienne filiale Avestor d'Hydro-Québec. La Indicia, qui est devenue une vedette instantanée du Salon de l'auto, peut atteindre 110 km en vitesse de pointe après une recharge de huit heures sur une borne de 220 V. Elle peut accueillir quatre adultes.
Le Salon du statu quo
Même si on pouvait dénombrer hier 18 modèles hybrides au Salon de l'auto de Montréal, les deux spécialistes que Le Devoir avait invités pour analyser la cuvée 2009 estiment que ce n'est pas demain que ces voitures moins énergivores vont dominer la route.
La nouvelle Fusion hybride de Ford et la nouvelle Insight de Honda ont néanmoins volé la vedette du côté des hybrides car Toyota n'avait pas jugé bon de présenter à Montréal ses nouvelles Prius, présentées à Detroit. La grande inconnue, c'est la possibilité que Honda vende autour de 22 000 $ sa nouvelle Insight à quatre places. En comparaison, sa nouvelle concurrente chez Ford se vendra 32 000 $.
Pour Pierre Lavallée, l'ancien directeur du Centre d'expérimentation des véhicules électriques (CEVEQ) de Saint-Jérôme, «si un motoriste commence à vendre des hybrides au prix d'une voiture à moteur thermique classique, cela modifiera profondément le marché. Mais ce n'est pas sûr que Honda ou Ford seront capables de fournir une demande élevée, ou même qu'ils le veulent vraiment -- ce que vivent les acheteurs de Prius, qui doivent attendre six mois pour obtenir le véhicule désiré.»
Daniel Breton, ancien chroniqueur automobile «vert» et ancien porte-parole de la coalition Québec-Kyoto, qui a aussi été récemment été candidat du NPD à Montréal, est plus cynique. Il conduit lui-même une Insight depuis huit ans. Il est d'avis que les constructeurs «voient encore la motorisation hybride comme un marché de niches, celle des écologistes convaincus et, à l'autre extrême, celle des riches consommateurs qui veulent avoir l'air tendance avec de gros SUV hybrides».
Daniel Breton était littéralement scandalisé hier de constater que la seule hybride de Chrysler se retrouve sur une Sapes HEMI. Les moteurs HEMI ont été développés dans les années 70 pour les amateurs de courses d'accélération. Typique aussi de cette tendance déculpabilisante, la limousine hybride Lexus 600, dotée de 480 CV, qui se vend 145 000 $. C'est celle que Paul McCartney a exigée pour ses déplacements l'été dernier à Québec.
Si on accuse les constructeurs nord-américains de ne pas s'être réorientés à temps vers les hybrides, il faut faire le tour du Salon de Montréal pour constater qu'ils se retrouvent certes derrière les japonais Honda et Toyota mais devant les européens comme Mercedes, SAAB, Volvo et Volkswagen, qui n'ont strictement aucun modèle hybride et qui n'arrêtent pas de miser sur la puissance comme base obligée d'une stratégie de glorification personnelle. Mais d'autres constructeurs asiatiques, comme Mazda, Hyundai, Kia, Subaru et Mitsubishi, affichent le même rejet de la motorisation hybride.
Daniel Breton était pour sa part estomaqué de constater que tous les constructeurs d'automobiles de luxe évitent systématiquement d'afficher la consommation d'essence de leurs véhicules. C'est «parce qu'ils s'adressent en réalité à une clientèle de riches totalement insensibles au prix de l'essence, ce qui démontre la nécessité, si on veut modifier le marché, d'introduire un malus-bonus qui pénalise les consommateurs énergivores et récompense les autres. Présentement, avec le prix de l'essence qui baisse et l'arrêt des aides financières d'Ottawa et de Québec aux acheteurs de véhicules hybrides, on encourage clairement la hausse de la consommation, sans le dire.»
Pour Pierre Lavallée, l'entente de TM4 et Miljo est une très bonne nouvelle pour l'industrie québécoise. Mais, se référant aux projets de Better Place en Ontario -- une technologie qui tente aussi Montréal --, il estime que «le Québec n'est pas obligé de miser sur une technologie étrangère pour qu'on développe ici un parc électrique, comme celui qu'envisage Paris avec la Veolia pour l'offrir en location, comme ses Vélib. On a ici, tant du côté de Communauto que d'Hydro-Québec, suffisamment d'expertise pour développer notre propre technologie.»


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