La montée rapide du dollar canadien fait bien des mécontents chez les manufacturiers qui exportent leurs produits aux États-Unis. On comprend qu'il est difficile de s'ajuster à un changement aussi rapide et que la compétitivité de nos compagnies exportatrices va en souffrir. Mais le sentiment de panique qu'on perçoit ces derniers jours - amplifié par les premiers ministres de l'Ontario et du Québec - exagère les coûts d'une monnaie forte tout en sous-estimant ses avantages.
Les économies riches sont toujours caractérisées par une monnaie forte. La Suisse, un modèle de prospérité, a depuis longtemps une devise forte qui sert traditionnellement de refuge. Le dollar américain a servi de monnaie internationale de réserve depuis qu'il a pris le relais de la livre anglaise après la Deuxième Guerre mondiale. Sa force reflétait la productivité incomparable de l'économie la plus dynamique au monde.
Malheureusement, les Américains ont mal géré leur situation financière au cours des dernières années. La Réserve fédérale a maintenu des taux d'intérêt trop bas pendant trop longtemps. Et elle a inondé les marchés financiers de liquidités à chaque crise depuis les années 90 - crise financière asiatique de 1997, bogue de l'an 2000, effondrement des titres de haute technologie, attentats du 11 septembre, etc. Une augmentation exagérée de la masse monétaire entraîne nécessairement de l'inflation, des bulles financières et une dévaluation de la monnaie.
L'Américain moyen n'épargne pratiquement plus mais continue de consommer à crédit des biens importés, ce qui entraîne un gigantesque déficit de la balance commerciale année après année. Son gouvernement emprunte des centaines de milliards à l'étranger pour renflouer ses énormes déficits budgétaires. Et au cours des dernières semaines, l'éclatement des bulles dans l'immobilier et dans d'autres secteurs a fini par ébranler la confiance de tous ceux qui détiennent des avoirs en dollars américains.
Voilà pourquoi le billet vert s'effondre et le huard prend son envol. Mais aussi parce que notre situation financière est comparativement beaucoup plus saine. Le Canada est le seul grand pays industrialisé dont la dette diminue année après année depuis une décennie. Sa politique monétaire a été plus prudente. Son économie reste parmi les plus ouvertes et productives dans le monde. Et nos matières premières sont fortement en demande.
Pas le temps de se plaindre
Au lieu de nous plaindre de la hausse du dollar canadien comme si cela allait détruire notre économie, nous devrions nous en réjouir.
Lorsque la valeur de notre monnaie augmente, nous y gagnons tous parce que les importations sont moins chères - ou, ce qui revient au même, parce qu'on a moins besoin d'exporter pour se payer la même quantité de biens importés. Pouvoir consommer sans avoir à travailler autant, n'est-ce pas ce que signifie devenir plus prospère? Tant qu'on le fait parce que les assises de notre économie sont solides, et non à crédit, on devrait en profiter.
Mais les avantages ne s'arrêtent pas là. Les entreprises canadiennes importent la majeure partie de leurs équipements des États-Unis. Un huard plus fort fait en sorte que ces machines coûtent moins cher. L'occasion est idéale pour investir davantage et combler l'écart de productivité qui nous sépare des Américains. Une monnaie forte est non seulement la conséquence d'une bonne santé économique, elle permet aussi de se mettre encore plus en forme. Manque de capitaux pour investir? Une monnaie forte attire les capitaux.
Les investisseurs qui quittent le marché américain viennent profiter de la stabilité de notre économie et de rendements plus élevés chez nous. Qui plus est, les dettes en dollars américains que nous devons à des étrangers deviennent tout à coup moins lourdes en dollars canadiens, ce qui augmente la quantité de capitaux disponibles.
Ce ne sont d'ailleurs pas uniquement les investissements chez nous qui deviennent plus attirants, mais ceux qu'on fait à l'étranger aussi. Avec sa monnaie forte, un investisseur canadien déboursera moins pour pouvoir se procurer des actifs aux États-Unis. Il y a quelques mois, plusieurs se plaignaient des nombreuses prises de contrôle de compagnies canadiennes par des étrangers. Devrions-nous nous plaindre maintenant que c'est le contraire qui est devenu plus facile?
Les avantages d'une monnaie forte pour les consommateurs et pour l'ensemble de l'économie dépassent de beaucoup les inconvénients à court terme qui s'abattent sur les exportateurs. Mais pour qu'on puisse en profiter à long terme, il ne faut pas s'asseoir sur nos lauriers. Nos entreprises doivent saisir l'occasion d'investir et développer de nouveaux créneaux à valeur ajoutée. Les exportations reprendront éventuellement, même si elles seront concentrées dans des secteurs autres que les secteurs traditionnels qui ne sont plus compétitifs.
Nos gouvernements doivent aussi continuer à réduire leurs dettes et à alléger les impôts, ce qui aidera au réajustement. Le ministre des Finances, Jim Flaherty, a fait allusion plus tôt cette semaine à une possible prolongation de la déduction pour amortissement accéléré visant les entreprises manufacturières qui investissent dans de l'équipement et des machines. Cela constituerait un excellent pas dans la bonne direction. Enfin, la Banque du Canada doit poursuivre sa politique ferme de lutte contre l'inflation et maintenir une politique monétaire prudente.
Si nous faisons tout cela, notre prospérité pourra s'appuyer sur des assises encore plus solides.
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Hélène Desmarais
L'auteure est présidente du conseil de la chambre de commerce du Montréal métropolitain. Elle a fondé et est présidente du conseil et Chef de la direction du Centre d'Entreprises et d'Innovation de Montréal (CEIM). Mme Desmarais est aussi présidente du conseil d'administration de HEC Montréal (depuis 2003).
- source
Huard fort: réjouissons-nous!
Les avantages d'une monnaie forte pour les consommateurs et pour l'ensemble de l'économie dépassent de beaucoup les inconvénients à court terme qui s'abattent sur les exportateurs.
17. Actualité archives 2007
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L'auteure est présidente du conseil de la chambre de commerce du Montréal métropolitain. Elle a fondé et est présidente du conseil et Chef de la direction du Centre d'Entreprises et d'Innovation de Montréal (CEIM). Mme Desmarais est aussi présidente du conseil d'administration de HEC Montréal (depuis 2003).
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