Histoire du Québec... en trois pages

17. Actualité archives 2007

MON PAYS, CE N’EST PAS UN PAYS, C’EST UN PUZZLE DONT LES FRAGMENTS ASSEMBLÉS AU FIL DES ANS ONT RÉVÉLÉ L’IMAGE D’UN CANADA À MAJORITÉ ANGLOPHONE, UN DOMINION SOUS LA COURONNE BRITANNIQUE TRANSFORMÉ EN QUASI-DICTATURE EN 1982.
Depuis que Jacques Cartier, le 24 juillet 1534, planta une croix à Gaspé et prit possession du territoire au nom du Roi de France, les Français ont poussé leurs explorations jusqu’aux Grands Lacs. Ils ont suivi le Mississipi pour finalement se rendre jusqu’à la Louisiane qui fut occupée par René Robert Cavelier de la Salle au nom de la France en 1682. L’empire français en Amérique, la Nouvelle-France, s’étendait du golfe Saint-Laurent jusqu’au delta du Mississipi. Durant cette période, Champlain fonde la ville de Québec en 1608. Maisonneuve et Jeanne Mance débarquent sur l’île de Montréal en 1642 pour fonder Ville-Marie.
La France et l’Angleterre étaient constamment en guerre durant cette période. La flotte des frères Kirke avait pris possession de Québec le 16 juillet 1629. Par le traité de Saint-Germain-en-Laye, l’Angleterre restitua la colonie aux Français le 29 mars 1632. De nouveau, le 16 octobre 1690, une flotte de 30 navires anglais tentent de prendre Québec. Le général William Phipps envoie un émissaire pour sommer le gouverneur Frontenac de se rendre mais ce dernier l’informe qu’il lui répondra "par la bouche de ses canons". Après deux jours d’assaut, les Anglais lèvent l’ancre.
S’ensuit la perte aux mains des Anglais de Port Royal en 1710, de l’Acadie en 1713, de la forteresse de Louisbourg en 1745, de la ville de Québec, le 17 septembre 1759 et, finalement, de Montréal, le 8 septembre 1760. C’est la fin de la Nouvelle-France en Amérique. Le 10 février 1763, par le Traité de Paris, la France abandonne la Nouvelle-France à l’Angleterre.
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Le 7 octobre 1763, le Roi George III, par proclamation royale, établit quatre gouvernements séparés dans les territoires conquis, déclarés colonies britanniques. Le territoire du Québec se situe de chaque côté du Saint-Laurent, depuis le golfe jusqu’à la rivière des Outaouais. Il détermine un cadre administratif pour ce nouveau territoire rebaptisé The Province of Québec.
Le Gouverneur et les officiers militaires ont administré le pays selon les lois anglaises jusqu’en 1774. Face à l’imminence d‘une insurrection des colons américains, Londres visait à s’assurer la loyauté des Canadiens français catholiques, communément appelés Canayens. Le 22 juin 1774, le Roi George III sanctionnait The Quebec Act qui établissait une constitution pour la province et en agrandissait le territoire, englobant le Labrador et le territoire indien au sud des Grands-Lacs entre le Mississipi et la rivière Ohio.
Cette constitution garantit la liberté de religion pour les catholiques de la province et rétablit la dîme exigible des seuls catholiques. Le code criminel anglais est maintenu en force mais le code civil français devient en vigueur pour la province de Québec. Un gouverneur est nommé à la tête de la province. Il n’y a pas de parlement élu mais 17 à 23 conseillers sont nommés pour assister le gouverneur. Le serment du test est modifié pour permettre aux catholiques d’accéder à la fonction publique. Le système seigneurial est maintenu dans la province.

Lors de la déclaration de l’indépendance américaine en 1776, les Anglais loyalistes quittèrent les Etats-Unis pour s’installer dans la colonie du Nouveau-Brunswick et aussi, en grand nombre, le long du haut Saint-Laurent et des rives des lacs Ontario et Érié. Les autorités voulaient annexer ce territoire situé à l’ouest de l’Outaouais à la Province of Quebec mais ses habitants voulaient organiser et développer leur territoire à leur façon.
Le Roi George III, par l’ Acte constitutionnel de 1791, agrandit le territoire de la Province of Québec mais la remplace par deux nouvelles provinces, la province du Haut-Canada (Ontario) et la province du Bas-Canada (Québec). Londres nomme un gouverneur général pour administrer les deux provinces. Il nomme aussi un lieutenant-gouverneur, un Conseil exécutif et un Conseil législatif pour chacune des provinces. Une Assemblée élue dans chaque province n’a aucun pouvoir politique. Elle ne peut que proposer des projets de lois au Conseil législatif. Fruit d’un compromis aristocratique et anti-canadien-français, l’Acte de 1791 a suscité des querelles et des crises économiques, constitutionnelles, politiques, sociales et nationales dans le Haut et le Bas Canada.
Le 13 février 1810, la Chambre d’assemblée du Bas-Canada, composée de 38 francophones et 12 anglophones, vote en faveur d’une adresse au Parlement britannique, demandant le contrôle de la liste civile qui établit les sommes versées à titre de pensions ou salaires aux fonctionnaires de l’état. Le gouverneur Craig accepte d’en informer le Roi mais suite à la controverse, il dissout le parlement le 26 février 1810. Le 17 mars suivant, le gouverneur Craig saisit les presses du journal Le Canadien et procède à l’arrestation de l’imprimeur Charles Lefrançois ainsi que plusieurs personnes associées au journal, dont plusieurs députés. Aux nouvelles élections d’avril 1810, 41 députés Canadiens-français sont élus et seulement 9 Anglais. Tous les députés emprisonnés sont élus. Le 1er mai 1810, Craig demande au roi de retirer aux Canadiens-français le Parlement et d’unir le Haut et le Bas-Canada.

Le Anglais du Bas-Canada ne parviennent pas à contrôler le Parlement à majorité francophone. Vers 1820, un projet d’union des deux Canadas prend naissance; l’anglais serait la seule langue officielle et tout membre de l’assemblée devrait posséder une propriété foncière d’au moins £ 500 livres sterling. Le 10 mai 1823, Louis-Joseph Papineau et John Neilson présentent à Londres un mémoire contre le projet d’union et l’Angleterre donne raison aux Canadiens-français.

En février 1834, Elzéar Bédard du parti Patriote, collaborateur de Papineau, dépose à l’Assemblée les 92 résolutions qui sont une liste exhaustive des frustrations et griefs accumulés par la Chambre d’Assemblée. La principale revendication était sans conteste la composition et l’électivité du Conseil législatif. Aux élections d’octobre 1834, les candidats favorables aux 92 résolutions remportent presque tous les sièges à l’Assemblée législative. Le 1er mars 1837, Londres non seulement rejette les 92 résolutions mais proclame 10 résolutions présentées le 6 mars 1837 par le ministre de l’intérieur au Parlement britannique, Lord John Russell, qui retire à l’Assemblée législative le seul pouvoir dont elle disposait (celui de voter le budget) et permet au gouverneur d’utiliser les fonds accumulés pour payer la dette du gouvernement. Ce fut le commencement de la rébellion de 1837.
Suite à de nombreux combats entre patriotes et l’armée britannique, la loi martiale est proclamée le 5 décembre 1837. Le Parlement britannique suspend la Constitution du Bas-Canada et nomme Lord Durham gouverneur général et haut-commissaire. Les nombreux combats des patriotes prennent fin en novembre 1838 et une cour martiale est instituée pour juger 108 accusés. Plusieurs sont emprisonnés, d’autres sont déportés en Australie et 12 sont pendus à la prison du Pied du Courant le 15 février 1839.
Le 11 février 1839, Lord Durham dépose son rapport qui propose l’assimilation des Canadiens-français (ce peuple sans histoire et sans littérature) en réunissant les deux Canadas, assurant ainsi aux Anglais la majorité des deux chambres unifiées.
La Reine Victoria, par l’ Acte d’Union de 1840, réunit donc les deux parties du Québec que l’on appellera désormais The Province of Canada. Une seule Chambre d’assemblée est mise en place où siégeront 42 représentants de chacun des deux Canadas, même si le Bas-Canada compte 200 000 habitants de plus que le Haut-Canada. On consolide les revenus et les dettes des deux provinces en un seul fonds, obligeant le Bas-Canada à éponger la dette du Haut-Canada qui s’élevait à £1 200 000, un montant considérable à cette époque. La langue française est bannie au parlement et organismes gouvernementaux. Les institutions canadiennes-françaises en matière d’éducation et de droit civil sont dissoutes.
Au cours du XVIIIe siècle, les habitants de la Nouvelle-France établis sur les rives du Saint-Laurent portaient le nom de Canadiens. Suite à l’Acte d’Union de 1840, les Anglais de la nouvelle Province of Canada se sont attribué peu à peu le nom de Canadians. Les premiers Canadiens s’appelleront désormais Canadiens-français pour préciser leur différente nationalité.
Le 10 mars 1865, un total de 124 députés, 62 pour chaque partie de la Province of Canada, ont voté sur un projet d’union fédérale dans un dominion qui inclurait la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick. Le résultat du vote fut 91 pour et 33 contre. Seulement 27 députés francophones ont voté pour le projet.
Un autre voyage à Londres et la bonne Reine Victoria, le 29 mars 1867, a sanctionné l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, 1867 formant un nouveau dominion sous le nom de Canada, divisé en quatre provinces, Ontario, Québec, Nouvelle-Écosse et Nouveau-Brunswick. Seul le parlement britannique pourra en changer le contenu. On a enfin réussi à mettre les Canadiens français en minorité.
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Au fil des ans, d’autres provinces et territoires sont venus s’ajouter pour former le Canada actuel et la population du Québec ne représente plus que 24% de l’ensemble du Canada. A l’exception de Terre-Neuve et du Nouveau-Brunswick, aucune consultation populaire, référendum ou élection n’a jamais été fait sur le thème. Personne au Canada n’a été élu avec le mandat de changer la Constitution.
En 1931, le Roi George V, par le Statut de Westminster, permettait au gouvernement canadien de modifier ou abroger certaines lois canadiennes édictées par le Royaume-Uni sauf pour les documents constitutionnels. La loi constitutive du dominion du Canada, votée uniquement par le Parlement britannique, ne peut être modifiée que par une loi anglaise.
Pierre Elliott Trudeau, élu pour la première fois en 1968, a présenté un projet d’entente constitutionnelle à la Conférence de Victoria de juin 1971. Robert Bourassa ne s’est pas rallié à cette entente qui diminuait les pouvoirs du Québec. Trudeau l’a alors qualifié de mangeur de hot-dogs.
Trudeau ne lâche pas prise et en juillet 1978, il revient à la charge et provoque une vive opposition de la part de René Lévesque et même des provinces anglophones.
Le 16 avril 1980 se tient une nouvelle conférence constitutionnelle à Vancouver. René Lévesque aurait accepté la formule d’amendement, renonçant au droit de veto historique du Québec en échange du droit de retrait des programmes fédéraux moyennant compensation financière, ce qui lui fut refusé.
Le 20 mai 1980, le référendum de René Lévesque sur la souveraineté fut rejeté par 60% des Québécois.
Le 2 octobre 1980, Pierre Elliott Trudeau amorce une procédure visant à rapatrier la Constitution du Canada, avec ou sans le consentement des provinces, pour y inclure une formule d’amendement ainsi qu’une Charte canadienne des droits et libertés ayant préséance sur toute loi fédérale ou provinciale. Sauf l’Ontario et le Nouveau-Brunswick, les provinces défient l’initiative de Trudeau devant les tribunaux.
En septembre 1981, la Cour suprême, dans une décision partagée, estime que réduire les pouvoirs des provinces sans leur accord contrevient aux procédures normales en matière constitutionnelle. La Cour estime qu’il est du devoir d’Ottawa d’essayer de rallier les provinces. Toutes les provinces s’étaient entendues, y compris le Québec, pour appuyer une formule d’amendements qui protégerait les pouvoirs des provinces. Cependant, le 5 novembre 1981, suite à la Nuit des longs couteaux, manigancée par Jean Chrétien, le lieutenant de Trudeau, le fédéral et les provinces anglophones, sans le consentement du Québec, s’entendent pour amender et rapatrier la Constitution qui diminuera les pouvoirs du Québec en matière de langue et d’éducation.
Le 2 décembre 1981, sans consultation populaire, le gouvernement d’Ottawa vote en faveur du rapatriement de la Constitution telle que modifiée par Pierre Elliott Trudeau. Le 25 mars 1982, la Chambre des Lords de Grande-Bretagne adopte le Canada Bill autorisant le rapatriement de la Constitution de 1867. Le texte reçoit la signature de la reine le 29 mars 1982. Bien que le Québec ne soit pas signataire de cet accord, le 17 avril 1982, le Canada, en présence de la reine Elisabeth II du Royaume-Uni, promulgue officiellement la nouvelle constitution qui assujettit le Québec malgré son rejet à l’unanimité par l’Assemblée nationale. Jusqu’à ce jour, seule la version anglaise a cours légal.
Toute loi provinciale est maintenant assujettie à la nouvelle Constitution de 1982. Toute loi provinciale contraire à la nouvelle constitution canadienne ou à la Charte des droits et libertés canadienne peut être renversée ou abrogée. Dorénavant, Ottawa, par le biais de la Cour Suprême du Canada, détient le contrôle absolu des provinces, qui n’ont plus aucun pouvoir décisif dans les compétences qui leur avaient été garanties par l’ancienne Constitution de 1867. La quasi-union fédérale de 1867 vient de prendre fin. Le Québec n’a plus aucune autonomie. Plusieurs lois du Québec, notamment la loi 101, ont été amendées ou abrogées depuis. Le pouvoir fédéral de dépenser lui permet d’envahir toutes les compétences autrefois exclusives au Québec. La province est à la merci du Canada anglais.
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Nous ne sommes même plus en présence d’un simulacre de confédération où les compétences sont divisées entre états membres et le gouvernement central. Le Canada d’aujourd’hui se compare plus à une dictature. La signature des représentants de la reine d’Angleterre authentifiant les lois canadiennes n’est que symbolique. Le Premier ministre du Canada nomme les gouverneurs du pays et des provinces, les juges de la Cour Suprême et des Cours de justice des provinces, les Sénateurs, le commandement de l’armée et de la gendarmerie royale, les dirigeants des sociétés de la Couronne et les ambassadeurs.
Les Québécois ont le choix de s’y complaire ou de se donner un vrai pays démocratique.
Lionel Lemay ( 24 mars 2007 )


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