Grossir les rangs: les Nouveaux

Au delà des lignes de parti

Tribune libre

Les causes indépendantistes fortes savent capitaliser sur un appui large et diversifié qui va au delà des partis, des ascendances et des préconceptions passés. Les chiffres révèlent que très peu de néo-québécois appuient l’idée lorsque vient le temps de voter. Cet électorat est pourtant en expansion et il devient de plus en plus incontournable d’y puiser des appuis beaucoup plus sérieux.

Mieux séduire cet électorat requiert des arguments à l’écoute de sa psychologie et de ses intérêts. La réticence à épouser la cause émerge d’une poignée de raisons qui peuvent être désamorcer.

1) La crainte de perdre son investissement

Comprendre l’esprit immigrant c’est d’abord reconnaître que sa démarche est un investissement, un placement financier ou du moins, un tentative personnelle d’améliorer sa qualité de vie. Les démarches d’immigration sont longues et coûteuses. Le passeport et la citoyenneté obtenus en bout de ligne prennent donc par défaut une valeur financière et personnelle.

L’indépendance vient essentiellement proposer de remplacer le fruit de ces efforts par un équivalent nouveau qui est à priori inconnu, et donc source de crainte.

Immigrer devient synonyme d’acheter une citoyenneté et un passeport. Pour les obtenir, le nouveau venu doit payer, en temps, effort et argent. Ottawa exige d'ailleurs que l’immigrant détienne dix milles dollars avant d’être éligible à l’immigration.

Pour certains, détenir un passeport d’un pays de l’OCDE est perçu comme un véritable trophée. Il est un outil prestigieux qui donne un avantage socio-économique à celui qui a immigré par rapport à celui demeuré au pays d’origine. Passage aux douanes facilité, valeur salariale accrue de facto, liberté économique et sociale, etc.

Plusieurs immigrantes s’empressent d’ailleurs d’accoucher ici dans le seul but d’obtenir cette citoyenneté à leur enfant, et ce, même si elles passent parfois six mois par année dans leur pays d’origine.

La peur de perdre ce passeport explique la réticence à appuyer le nouvel État. Songer troquer une citoyenneté acquise pour une citoyenneté nouvelle crée de toute pièce soulève des questions. La nouvelle citoyenneté sera-t-elle aussi avantageuse ? Est-elle octroyée automatiquement ou risque-t-elle d’être refusée ? Quelle sera la procédure? La double citoyenneté sera-t-elle permise ? Le passeport Québécois sera-t-il reconnu aux douanes ?

Le nœud du sujet se joue sur la transition vers la citoyenneté du nouvel État crée. Plus cette transition est libre d’inconnus et de désavantages, plus elle sera acceptée.

L'argumentaire souverainiste doit vendre les mérites du passeport Québécois, et enrichir à tel point les avantages de sa citoyenneté qu’il soit perçu comme un item de valeur fortement désirable. Un passeport à la fois automatiquement octroyé et qui vaut autant sinon plus que le précédent pour ne pas créer une peur de perdre son investissement. Riche, stable, reconnu, ouvert, connecté, libre d’ennemis, bien situé géographiquement, à l’ascension socio-économique facilitée, etc. plusieurs qualités d’un État permettent de donner de la valeur à son passeport et sa citoyenneté.

Un processus de double citoyenneté transitoire aide également à rassurer cet électorat. Il est à l’avantage à la fois d’Ottawa et de Québec de prévoir une période transitoire durant laquelle la citoyenneté et le passeport canadian sont temporairement maintenus le temps que Québec octroie une nouvelle citoyenneté et un passeport à ses citoyens.

Communiquer cette période transitoire est à l’avantage du mouvement car elle permet de désamorcer la peur de l’immigrant en lui garantissant ses acquis peu importe sa décision de demeurer ou de quitter le nouvel État. Elle lui offre une période de réflexion où il pourra juger calmement pour lui-même si la citoyenneté du nouvel État qu’il s’est fait octroyer répond autant à ses besoins.

Il est prévisible que l’adversaire fédéraliste tente de nier la possibilité d’une telle période de transition dans une stratégie de peur, disant bêtement à l’immigrant que s’il ne veut pas perdre sa citoyenneté canadian il doit obligatoirement voter contre l’indépendance. Ceci est pourtant tout à fait faux pour deux simples raisons.

Aucun gouvernement à Ottawa n’oserait refuser accueillir au Canada des citoyens désirant quitter le Québec, et pour les accueillir il doit honorer leur citoyenneté acquise. Ne pas honorer cette citoyenneté le priverait de l’apport démographique et économique entrainé par cette migration hypothétique de citoyens. Il affecterait également négativement son image à l’international en affichant un esprit de fermeture et d’intolérance.

Deuxièmement, le Canada permet déjà la double citoyenneté. Le permettre avec certains États tout en le refusant spécifiquement pour le Québec est trop lourd de conséquences pour être envisageable.

La cause gagne donc à souligner comment l'argumentaire de "punition" ou de non coopération d'Ottawa est infantilisante, négative et vide de toute logique.

Autre point, certains immigrants d'ici s’attachent à la citoyenneté canadian au cas où ils décidaient un jour de tenter leur chance au ROC. Ils voient cette citoyenneté comme un billet de parc d’attraction et interprètent à tord l’indépendance comme une limite sur le nombre de manèges accessibles. L’investissement original leur paraît alors perdre de la valeur, offrir moins de choix, et ce, même si la grande majorité n’ont aucune intention ou motivation d’explorer une vie dans le ROC.

Ce prétexte peut être désamorcée à la fois par le concept de double citoyenneté transitoire et par un traité d’échange Canada-Québec sur une circulation facilitée de la main d’œuvre, tel qu’il existe déjà avec certains pays d’Europe.

Mis à part le réfugié politique, immigrer est essentiellement un acte égoïste centré sur les intérêts pécuniers et personnels d’un individu et de sa famille. L'immigrant type veut le dollar, le succès, une maison, un SUV, une liberté de s’enrichir et de circuler. La cause indépendantiste doit en prendre compte et créer des avantages qui répondent à cet appétit. La carte de l’argent doit être jouée.

2) La peur de s’éloigner du rêve américain

L’opposition à l'indépendance vient également d'une peur erronée de perdre le dollar et l'anglais, que le nouveau venu voit comme les ingrédients à succès de sa famille en Amérique du Nord. Pour plusieurs provenances de pays en voie de développement, le mode de vie à l’américaine fait partie intégrante des signes du succès. Certains auraient d’ailleurs préféré s’établir aux É.-U. et sont ici à titre de second choix. Faire partie d’un nouvel État non majoritairement anglophone et dont la monnaie demeure incertaine peut créer le sentiment d’un éloignement de cette américanité.

Certains associent Québec indépendant à rejet de l'anglais et comme ils associent anglais à succès, ils associent Québec indépendant à perte de succès. Ils croient à tord que l'anglais du Canada leur assure un avantage qu'ils ne peuvent avoir autrement.

La vérité est que le Québec a déjà sa propre voix anglaise, supérieure et plus étroitement tissée aux États-Unis que la vaste majorité des états sur Terre. Voisin immédiat des États-Unis depuis 400 ans, foyer d’une diaspora établie partout en Amérique du Nord, orné de trois universités anglophones, empreint d'un héritage britannique dans son vocabulaire, son système politique, etc, le Québec n'a nul besoin du Canada pour maîtriser quelconque avantage stratégique lié à l'anglais. Mieux communiquer ces atouts et permettre au mouvement de bâtir un discours qui va au delà de la langue aiderait à briser cette peur.

3) La méconnaissance de la terre d’accueil

Le peuple francophone « de souche » ne s'est jamais pleinement émancipé, contrairement à la majorité des peuples nouveaux venus. Latinos, Vietnamiens, Africains, Indiens, Européens de l’Est, tous ont des histoires nationales qui ont passé par l'indépendance ou la reprise d’une liberté politique perdue. Leurs livres d’école comportent tous des chapitres sur l’indépendance et les chefs qui l’ont mené à terme. Elle est souvent perçue comme l’an zéro d’une nouvelle ère, moderne et positive.

« Passer » par l’indépendance est pour eux non seulement normal mais fait partie intégrante d’un héritage culturel sain. Pour eux, l’indépendance est loin d’être de l’hérésie ou de faire peur en soi pour ce qu’elle est.

Ce concept simple et universel frappe un mur de confusion lorsque le nouveau venu découvre les identités canadian et québécoise. D’abord, il apprend que le Canada n’a jamais déclaré son indépendance et est toujours une monarchie avec à sa tête un monarque d’outre-mer. Dans un deuxième temps, il réalise qu’il existe un mouvement indépendantiste au Québec qui désire son autonomie non pas du pays colonisateur (France et Royaume-Uni), mais du Canada lui-même qui refuse cette démarche.

Le mouvement indépendantiste québécois ne se joue pas vis-à-vis ses « parents » (Paris et Londres), mais plutôt vis-à-vis un demi-frère adoptif canadien anglais (Ottawa) qui refuse de le suivre pleinement ou de le laisser seul s’assumer.

Il s’agit d’une situation étrange et confuse que l'immigrant tente de comprendre. Qui lui donnera des réponses? Un fonctionnaire d’Immigration Canada qui lui régurgitera une réécriture rose de l’Histoire ou le concitoyen souverainiste informé et honnête ? Assoiffé de réponses et vierge de point de vue, il donnera à celui qui prend le temps de lui parler un avantage sur les perceptions politiques qu’il adoptera.

La nature du Canada est brouillée et se cache derrière des symboles récents inventés de toute pièce. Le Canada anglais a toujours peiné à créer sa propre identité. Tantôt il se dit le fier fils à papa de l’Angleterre, tantôt il pige dans l’identité Québécoise, tantôt il est indiscernable de l’Américain.

Sans personnalité propre bien profonde, le Canada anglais veut à la fois être et ne pas être Britannique, Québécois ou Américain. Il finit en bout de ligne par être un branleur très tiède, qui s’accroche à une poignée de symboles vides qu’il répète ad nauseam : hockey, feuille d’érable, équipe olympique, système de santé et hymne national emprunté. C’est ce visage superficiel à la Disneyland que voit le nouveau venu. Puisqu’il ne connaît pas le fond de son histoire et est ici d’abord et avant tout pour son avancement personnel égoïste, il interprète à tord cette façade comme un tout cohérent.

Un meilleur enseignement de l’histoire d’ici est vital, tant à l’institutionnel qu’à titre privé entre deux citoyens qui discutent. Créer des parallèles avec les mouvements nationaux chez ces nouveaux venus peut également aider à générer une familiarité et une sympathie pour la cause. Le mouvement des patriotes était l’équivalent avorté des mouvements de Bolivar, Washington, Dessalines, etc. Le nouveau venu colombien ou congolais d’aujourd’hui doit le savoir.

Pour faire comprendre la question nationale, il faut amener l’immigrant Mexicain ou Haïtien à imaginer l’histoire de son pays si Hidalgo ou Dessalines avaient été pendus et leur cause étouffée. Canaliser l’appui à l’indépendance passe par une dissipation de la confusion qui règne sur l’histoire d’ici.

Laissé à lui seul, le nouveau venu reçoit un barrage d’informations confuses et contradictoires sur l’identité du territoire d’accueil. Le Canada affiche un drapeau à trois bandes de style républicain alors qu’il est une monarchie. Il se dit une confédération alors qu’il ne comporte aucuns états autonomes qui se sont librement fédérés. Il prétend avoir une seule identité nationale commune et propre à elle-même alors qu’il en a deux et que l’une d’elle ne fait que piger dans celle des autres. La seule équipe de hockey professionnel au Québec s’appelle « Canadiens » alors que la grande majorité des drapeaux qui flottent sur son territoire ne sont pas ceux du Canada mais du Québec.

Pour la plupart des gens sur Terre, le mot « province » suggère une région administrative secondaire fortement subjuguée à un pouvoir central. Il amène à l’esprit l’idée de campagne, de paysans, etc. Cette division administrative est donc à priori tout à fait insignifiante aux yeux du nouveau venu. Qu’une de ces provinces appelle « nationale » son assemblée législative est anormal et soulève des questions. Comprendre et conceptualiser qu’une vulgaire province constitue en fait un État en devenir fait partie du cheminement intellectuel que doit parcourir le néo-québécois. Ce cheminement ne se fait pas seul. Le citoyen souverainiste a le devoir de l'aider.

Plusieurs nouveaux venus sont beaucoup plus matures politiquement que le Québécois de souche typique. Ce dernier ne connaît pas l’indépendance, l’affirmation collective menée à bout aux pleins pouvoirs. Son histoire ne comporte pas de Bolivar, Washington, Gandhi ou Collins triomphants. Il ne comporte que des tentatives étouffées, des Delorimier et des Riel arrêtés et exécutés.

Les auteurs du siècle des Lumières et des droits de l’homme n’ont pas inspiré ses dirigeants monarchistes. Royaliste, réactionnaire et fidèle au clergé, le peuple d’ici a été maintenu à l’écart des grands mouvements républicains ou d’émancipations qui ont conquis la majorité des états sur Terre. Sa « constitution » reposait outre-mer à Londres aussi récemment que 1982. Ses gestes tièdes de coupure ont été 20 ans en retard sur l’Afrique, 30 ans en retard sur l’Indochine et 150 ans en retard sur les États des Amériques. Même aujourd’hui le Canada demeure une monarchie, plus archaïque encore que celle de Suède ou d’Arabie Saoudite puisque sa monarchie ne réside même pas sur son territoire.

Ce qui est politiquement normal pour le citoyen d’ici est anormal pour la plupart des citoyens sur Terre. Le nouveau venu comprend mieux l’importance qu'un peuple saisisse tous ses pouvoirs s’il veut contrôler son destin. Il comprend mieux que sans poids démographique, il n’y a pas de poids politique. Se contenter de pouvoirs provinciaux n’est pas un réflexe normal pour un peuple en déclin démographique. Voir des provincialistes hésiter ou refuser l’indépendance sème la confusion car quel peuple qui se dit en être un refuserait de prendre tous ses pouvoirs s’il en avait la chance ?

Autre provenance, autre problématique. Le nouveau venu d’Europe interprète à tord le Canada comme l’équivalent de la Belgique, la Suisse ou de l’UE. Cette erreur de perception le rend hostile ou réticent à la cause indépendantiste. Les zélotes de l’UE ont incrusté dans son esprit que l’État Nation est un mal, responsable de guerre et de misère. Ce discours démagogue simpliste omet de souligner la stabilité historique de l’État Nation par rapport aux grands ensembles éphémères. Un État Nation civique pacifique reposant sur des frontières identitaires naturelles et ouvertes aux échanges s’est révélé plus stable et perdurant dans l’Histoire humaine que quelconques grands ensembles, unions pan nationales, ou empires.

La perte de pouvoir que vivent les citoyens d’Europe sous l’UE en matière d’économie, de migration et de culture sont pourtant de plus en plus décriés. La popularité grandissante du souverainisme en France, en Angleterre, etc., vient d’ailleurs souligner que l’indépendance politique est un bien collectif recherché et intemporel.

Le Canada n'est d’ailleurs pas la Belgique, ni la Suisse, ni l’UE. Il n'y a pas de stabilité démographique entre les partenaires. Les taux de bilinguismes sont à sens unique. La cohabitation s'est fait à l'origine par la force, non d'un commun accord. Il y a eu déportation, des exécutions et des efforts d'étouffement culturels.

Le provincialiste Québécois voit le Canada comme un partenariat à deux. En retour, le Canada cherche à détruire la nature civique et diverse de l’identité québécoise en réduisant sa composante francophone à une ethnie parmi d’autres. Ceci lui permet alors de diviser l’allégeance québécoise et d’empêcher le nouveau venu d’adopter une identité Québécoise civique propre à elle-même.

L'idée de deux peuples fondateurs égaux, mutuellement respectés et valorisés est une réécriture de l’Histoire. En informer le nouveau venu sert la cause. Le caractère réel du Canada demeure trop souvent caché à l'immigrant. Lever le voile sur ses inconsistances et l'hypocrisie derrière son histoire aide à récolter plus d'ouverture à l'idée d'une nouvelle nation libre et à part.

4) Les bénéfices stratégiques mal communiqués

Fonder un nouvel État est une occasion exceptionnelle de bâtir à neuf, de jeter des bases solides qui profitent de toute l’expérience de l’humanité accumulée au cours des âges et des civilisations. Prendre le bon, mettre de côté le moins bon. Le meilleur de la constitution de tel État, combiné avec le meilleur de celle de tel autre État, etc. Constitution, système électoral, administration, traités d’échanges ou de partenariat économique, diplomatique, militaire, etc., tous peuvent être enrichis par les idées, commentaires et expériences apportés par le nouveau citoyen et son héritage national.

L'inviter de façon proactive à organiser le nouvel État le valorise, le sécurise et l'ouvre à la cause. Reconnaître qu’il peut apporter quelque chose est flatteur et débute un dialogue qui peut mener à l’appui de la cause et l’effacement des craintes. Impliquer et valoriser l’apport du néo-québécois dans la conception du nouvel État est un outil de conversion efficace à la cause.

Créer un nouvel État à titre de citoyen de l’an zéro est un privilège historique. Le nouveau venu qui y prend part peut en être fier tout autant que celui qui trace ses origines de Nouvelle-France. Appuyer et voir concrétiser l’indépendance lui permet d’affirmer que ce nouveau pays est pleinement à lui, beaucoup plus que s’il n’a fait que rejoindre un pays déjà existant. Qu’il puisse jouer un rôle valorisé et visible dans les instances d'un parti indépendantiste est primordial pour gagner son appui. La réussite du mouvement mettra ses joueurs en position de pouvoir et d'influence une fois le nouvel État crée. L'immigrant sage saura mettre des oeufs dans ce panier.

Le néo québécois peut aider le peuple d’accueil à aller chercher tout ses pouvoirs. Le partisan qui l'admet démontre une humilité et un respect qui ne peut que susciter de la sympathie. Celui fier de l’indépendance de son pays d’origine ne peut rejeter le mouvement d’ici sans contradiction.

5) La contamination Libérale et les fruits d’une négligence passée

Finalement, il y a la contamination faite sur l’image du principal parti souverainiste. Les efforts de séduction envers l'électorat néo-québécois y sont beaucoup trop tièdes depuis beaucoup trop longtemps. Cette négligence stratégique majeure, mariée au discours de peur de l'adversaire, ont suffit pour lui donner le réflexe innée de voter Libéral. L’immigrant déjà établi relaie alors le discours et conseille lui-même au tout dernier nouveau venu de voter PLQ pour éviter le PQ. En ayant négliger de désamorcer les arguments vides libéraux, en ayant négliger de courtiser et séduire cet électorat, le PQ a crée un réflexe chez le nouveau venu qui le canalise presque par défaut vers le Libéral.

Par ailleurs, en détournant son attention de l'indépendance par des aventures socio juridiques prématurées susceptible d'irriter certains immigrants, le parti a donné des munitions à la démagogie de l'adversaire. Victime de désinformation, la campagne sur la laïcité a dérapé dangereusement. L'adversaire l'a facilement exploité à son avantage vis-à-vis l'électorat nouvellement établi. Il lui a permis de pousser son discours plus loin et de chercher à tâcher le parti d'une aura anti immigrante. En courant le risque de teinter son image de la sorte, le parti a teinté par ricochet le mouvement en soi, pourtant deux choses séparés.

Dans certains secteurs de Montréal, des gens ont pris le temps de dessiner le svastika nazi sur des centaines d'enseignes électorales du PQ. Du jamais vu. Peu importe que l'association faite soit absurde, ignorante et gratuite, des milliers d'automobilistes et de passants immigrants l'ont vu. Sans personne pour désamorcer cette association, et sans information sur la réelle histoire du pays d'accueil, qui peut empêcher cet électeur de conclure à tord que ce parti est un genre de Front National anti-immigrant? Par ricochet, comment peut-il alors adopter la cause de l'indépendance à laquelle ce parti s'associe?

La désinformation libérale cherche à exploiter la moindre faille qui lui permet de tenir l'électorat immigrant loin des partis indépendantistes. Le Libéral cherche à diviser les citoyens, à empêcher le nouveau venu de fraterniser avec le souverainiste, et ainsi en garder le monopole. Briser ce monopole débute par une approche beaucoup plus proactive.

Pour partir à neuf, le parti doit mettre de l’avant beaucoup plus sérieusement ses militants immigrants. Même s'ils existent et sont élus, trop peu de députés PQ ou BQ des communautés culturelles reçoivent des ministères, des postes de critique officiel ou une visibilité médiatique. Une culture proactive à la "affirmative action" doit s'établir dans la façon de pensée même du parti. Bref, les nouveaux venus gagnent à y être non seulement mieux représentés mais carrément surreprésentés.

C'est seulement en soulignant agressivement le caractère civique et pro-immigrant de la cause que le parti réussira à détruire l'emprise du PLQ et de QS sur cet électorat. Il est essentiel de court-circuiter le discours Libéral, lui couper l’herbe sous les pieds et mieux informer le nouveau venu avant qu’il soit contaminer par sa démagogie. Finalement, modifier le nom même du parti signalerait plus clairement un nouveau départ. Il permet de se départir des associations négatives passées, justifiées ou non, que plusieurs citoyens, nouveaux comme anciens, ont fait à son sujet.

Contrairement à ce que certains croient, c'est l'indépendantiste qui gagne le plus à se montrer généreux avec le nouveau venu. Il n'a rien à perdre qu'il n'est pas déjà en train de perdre en demeurant au Canada. Une fois l'indépendance atteinte, le partisan aura l'éternité pour corriger le tir s'il le désire.

Les francophones de souche qui s'opposent à l'autonomie politique sont concentrés à Québec, en Beauce et en Outaouais, à l'écart des grandes concentrations d'immigrants. Quelconque démarche d’ouverture dirigée vers ces nouveaux venus sont peu susceptibles d'irriter ces électeurs. Et si certains le sont, ça ne peut qu’être bénéfique à la cause puisqu’ils viendraient jeter une ombre de racisme et d’intolérance sur l’électeur provincialiste Libéral ou Caquiste. Par ricochet ceci ne peut qu’aider la migration du vote du néo-québécois vers un parti indépendantiste plus accueillant.

Matérialiser ces points et convertir un nouveau venu à la cause vient à la fois saper dans les forces du PLQ et celles de QS.

Séduire l'entité la plus réticente au projet affaiblit l'adversaire en puisant dans ses appuis, tout en l'empêchant d’ethniciser le projet et en le forçant à focuser là où il est vulnérable. Car le PLQ d’aujourd’hui puise très peu d’électeurs pour son programme en soi et beaucoup par simple rejet de l’alternative. Il est davantage un parti fourre-tout d’antis souverainistes apeurés qu’un parti avec ses propres principes cohérents. Sans leurs appuis, très peu le démarque.

Attaquer au cœur de ses appuis sape son attention et fracture son énergie, le laissant plus éparpillé et faible. Ce type de stratégie bénéficie de l'effet de surprise car ces appuis néo-québécois sont pris pour acquis par l'adversaire. Celui qui est pris pour acquis finit tôt ou tard par être négligé. Et celui qui est négligé s'ouvre à celui qui lui tendra la main.

Pour triompher, le mouvement doit mesurer ses efforts face aux plus réticents des électeurs, et non aux plus gagnés d’avance. Si le plus ardu est acquis, le plus facile le sera.

Imaginons l'apparition spontanée et sincère d'une page Facebook ou d'une enseigne de balcon artisanale affichant: "Pakistanis for an Independent Quebec". Réussir à faire apparaître un tel geste, inconcevable à priori, serait par le fait même garantir la souveraineté. Il signalera que l'adversaire aura perdu, que le provincialiste Libéral sera impuissant à empêcher l’indépendance.

Pour qu’un citoyen fasse apparaître cette enseigne ou cette page, il faut...
- Qu'il croit que la citoyenneté Québécoise sera plus généreuse et avantageuse pour lui que la citoyenneté canadienne.
- Que cette citoyenneté soit civique et que son transfert soit automatique pour tout citoyen du Québec, sans rapport avec l'origine, et donc lui est garantie.
- Que le nouveau pays sera une source égale ou supérieur de revenus ou d'occasions d'affaire.
- Que rien dans le projet de pays ne viendra limiter la culture qu'il veut transmettre à ses enfants.
- Que rien l’empêche de croire que son enfant pourra diriger ce nouvel État un jour s'il travaille assez fort pour y arriver.
- Qu'il comprend qu’il ne peut pas se faire retirer sa citoyenneté canadian parce qu'il appui l'indépendance.
- Que l'histoire du Québec lui a été raconté, qu'il la comprend et y voit un parallèle avec l'histoire de son propre pays, et peut donc sympathiser.
- Qu'il côtoie au moins autant de gens favorable à la cause que de gens opposé, lui permettant de former sa propre opinion.
- Qu'il prend ses informations et nouvelles de sources neutres, équilibrées et libres de démagogie et de parti pris.
- Qu'il n'aille aucune raison de croire qu'il ne pourra pas aussi maitriser anglais dans le nouvel État s'il le désire.

Comment se mesurent les efforts du mouvement face à cette liste de souhait? Y répondre c'est expliquer l'appui.

En résumé, hausser les appuis à l'indépendance chez le néo québécois passe par les points suivants:

- Communiquer l'image d’une nouvelle citoyenneté et d’un futur État plus généreux et avantageux que ceux du statu quo.
- Donner de la valeur au passeport et à la citoyenneté Québécoise, les rendre enviables pour des raisons personnelles et pécuniaires.
- Permettre la double citoyenneté dans le programme initial du nouvel État.
- Mieux communiquer le processus de transition de souveraineté et comment le citoyen sera protégé contre la perte de ses acquis.
- Mieux communiquer la sécurité juridique qui protège l'immigrant souverainiste des menaces fédéralistes sur la perte de citoyenneté.
- Souligner les bénéfices d'être les 1ers citoyens d'une nouvelle entité politique.
- Valoriser et médiatiser les souverainistes issus des communautés immigrantes, tant ceux des milieux politiques que culturels ou d'affaires.
- Encourager la formation d'associations souverainistes adaptées sur mesure aux différentes provenances.
- Multiplier les campagnes d’information sur les plateformes locales des communautés (soirées, radios et journaux ethniques communautaires, émissions de la chaine de télé ICI)
- Reporter au delà de l’indépendance tout irritant socioculturel additionnel potentiel.
- Court-circuiter la désinformation des médias anglophones par des communications plus positives sur la cause directement dans la langue de l'immigrant et/ou dans un anglais non partisan libre de préjudice.
- Inciter les auteurs souverainistes à traduire l'argumentaire dans les principales langues du nouveau venu (Espagnol, Arabe, Mandarin, Roumain, Indi, Russe, etc.).
- Tirer des parallèles historiques avec les mouvements indépendantistes des différentes provenances.
- Favoriser l'échange commercial nord-sud avec les E.-U. et laisser planer l'idée d'adopter le dollar américain.
- Mieux souligner les liens économiques et ancestraux entre le Québec et les É.-U.
- Souligner les compétences du Québec en terme de maîtrise de l'anglais.
- Favoriser l’immigration de provenances plus susceptibles à l’intermariage et possédant des histoires nationales où l’indépendance est valorisée.
- Identifier là où le fédéral crée un irritant chez le nouveau venu et promouvoir des solutions où ces irritants disparaissent par l’indépendance.

Le néo québécois qui hésite à appuyer la cause craint de perdre quelque chose. Gagner son appui se résume à satisfaire deux questions:
- Aurais-je quelque chose de mieux?
- Suis-je garanti de l'avoir avant de laisser aller ce que j'ai déjà?

Le « chiffre magique » pour créer le nouvel État est de 2 132 980 à 2 779 320 appuis, qu’il s’agisse de la méthode par élection à double majorité ou par référendum.

Il faut donc séduire beaucoup. Compter exclusivement sur le vote du peuple souche, divisé et incohérent, n'est pas une stratégie gagnante. Il ne fait que fragiliser la masse critique nécessaire.

Cet article est le dernier d’une série de trois qui explore des solutions pour accroître l'appui au mouvement des profils d'électeurs réticents. Voir www.vigile.net/Grossir-les-rangs-les-Quarante et www.vigile.net/Grossir-les-rangs-les-Anglos.


Laissez un commentaire



2 commentaires

  • Hugo Girard Répondre

    13 juin 2014

    Excellente réflexion qui mérite attention mais aussi beaucoup de prudence pour ne pas se faire enfirouaper par des fanatiques religieux comme risque de l'être Québec Solidaire pour cause d'humanisme troubadour.

  • Archives de Vigile Répondre

    13 juin 2014

    Bonjour,
    Une analyse intéressante. Pourtant, comme un «nouveau» je ne suis pas convaincu par vos arguments. Une phrase resume toutes mes craintes:
    «Contrairement à ce que certains croient, c’est l’indépendantiste qui gagne le plus à se montrer généreux avec le nouveau venu. Il n’a rien à perdre qu’il n’est pas déjà en train de perdre en demeurant au Canada. Une fois l’indépendance atteinte, le partisan aura l’éternité pour corriger le tir s’il le désire».