Georges Cartier Étienne...

Tribune libre 2010

Georges Cartier Étienne...
Qu’aurait le plus apprécié Georges-Étienne Cartier au moment de son dernier repos? Qu’il soit enfin libéré du poids de son nom, lorsque le célébrant, à l’encensement en fit un Georges Cartier Étienne? Ou d’entendre la monitrice anglophone d’un camp d’été de Notre-Dame-de-Grâces, Ndigi pour les Montréalais, parler en français à ses enfants dans le petit parc de l’Église Notre-Dame-de-Grâces, Saint Augustine of Canterbury sur la porte droite?
L’Aveugle doit à Yves Michaud, on reviendra sur sa présence, d’être devenu un des psy du psy. Fonction honorable où Georges-Étienne tenait en otage son interlocuteur au téléphone durant quelques heures, chanceux si vous aviez la chance d’y glisser quelques mots. D’autres on aurait dit : Assez! De lui, nous comprenions notre fonction.
C’était un homme de nom, de famille aussi, ainé il portait un nom célèbre, celui de sa filiation directe avec Georges-Étienne Cartier bien sûr, mais de son père, médecin comme lui. Ce dernier, il l’honora d’un Fonds à l’Université de Montréal. De son père, on lui doit aussi son attachement à l’Indépendance du Québec.
Comme funérailles, nous étions dans le Québec moderne. Le cercueil de bois, non verni, sur lequel on tente, tant bien que mal de draper le fleurdelisé, trop court. Le drapeau, mal plié, étant déroulé comme une couverture de lit.
Il y a l’officiant, africain d’origine, qui naturellement ne connaît ni d’Ève ni d’Adam le défunt, ce n’est pas sa paroisse, un homme qui refusait les chapelles pouvait-il en avoir une? L’assistance, elle est convenable, ne sait quand se lever, s’assoir ou s’agenouiller. Georges-Étienne est du temps de l’abandon massif du catholicisme par les québécois, ses amis sont le reflet de notre société.
L’Aveugle écrit ceci dans le parc de Westmount, chez les pauvres quoi. Les enfants blancs sont promenés par des nannies asiatiques. C’est dans un hôpital d’ici ou de l’autre côté de la montagne que Georges-Étienne aurait pu pratiquer, avec ce nom, sa formation de juriste et de médecin, quelle fortune il aurait engrangée!
Non, comme le souligna son collègue Steven Morgan, c’est à Saint-Luc qu’il choisit d’offrir ses services, à ce que le docteur Morgan qualifie « d’urgence des mal foutus », Saint-Luc, c’est le dépotoir hospitalier de Montréal, Centre-Ville, hôpital moderne mais déjà vétuste, en rien prestigieux. Nous, les psys de Georges-Étienne, comprenions que ses longs monologues étaient un exutoire à ses rencontres quotidiennes de l’enfer des gens dont l’âme fait défaut. Il aurait aimé trouver dans la pharmacopée l’arme magique capable de guérir ces gens qui s’offraient à lui pour que le mal parte. En plus des plus mal nantis, il y avait les mieux nantis. Pourquoi fréquenter un hôpital bien, au risque d’être reconnu, quand à quelques portes du bureau, il y avait Georges-Étienne Cartier! Ceux-là, Georges-Étienne, je l’ai vite senti les traitaient différemment des autres. Non que leurs détresses ne lui soient apparues moins difficiles à vivre que celle des démunis, mais j’ai toujours senti qu’ils croyaient qu’ils auraient pu, très souvent, en faire un peu plus. L’Aveugle n’a donc pas été étonné de lire sur un de ces sites où le patient juge le soignant d’y lire autant de commentaires négatifs. Oui, je crois bien qu’ils aient eu raison. À côtoyer la vraie misère, celle qui ne soigne pas, celle des sans-amis, des sans-argents, des sans-pouvoirs, je crois que Georges-Étienne devait leur demander plus que le respect d’une prescription.
Mais ce n’est pas ce Georges-Étienne que les lecteurs de Vigile ont connus. Le docteur Morgan, celui qui arbore le drapeau canadien dans son jardin, rappela le nom de Vigile.net pour inviter ses amis à lire ses derniers écrits.
Son ami de toujours, « kamikasé de l’élection de 1973 », Yves Michaud, eu la phrase pour le décrire : « Bricoleur de Rêve et semeur d’étoiles. »

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L’Aveugle national


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