Fraser s'impatiente

Le commissaire aux langues officielles dénonce le retard d'Ottawa à déposer son plan d'action

Le colonisateur déteste la langue du colonisé.

Ottawa -- [Manque de vision, hésitation, manque de leadership->13713]. Ce verdict, très sévère, ressort du deuxième rapport du commissaire aux langues officielles, Graham Fraser, qui ne cache plus sa frustration envers le gouvernement de Stephen Harper.
Dans ce rapport déposé au Parlement hier, M. Fraser dénonce le retard du gouvernement à faire connaître ses propositions pour donner suite au Plan d'action sur les langues officielles, venu à échéance le 31 mars dernier.
Pourtant, toutes les études et consultations ont eu lieu, mais aucune mesure concrète n'a encore été annoncée, se désole le commissaire, qui ne comprend pas pourquoi le gouvernement met à l'épreuve la patience des communautés minoritaires.
«On se croirait dans une pièce de Samuel Beckett, qui pourrait s'intituler "En attendant le Plan d'action", a illustré M. Fraser en conférence de presse. Bien franchement, je ne tiens pas à passer une année de plus à assister à une pièce de théâtre, alors que tout le monde attend pendant que le gouvernement fait du surplace.»
La ministre responsable du dossier, Josée Verner, répète depuis des semaines qu'elle devrait faire connaître son plan d'ici l'été. C'est ce qu'elle a réitéré hier.
«On a répondu, et on l'a dit dans le discours du budget, qu'on présenterait une seconde phase au plan d'action au printemps, alors c'est imminent», a-t-elle noté, avant de s'éclipser pour participer à un vote. Aux Communes, elle ne s'est pas montrée plus précise.
Mais plus la ministre tarde, plus l'incertitude au sein des communautés de langues minoritaires persiste, souligne M. Fraser.
«C'est très difficile, pour des organisations déjà fragiles, de planifier à long terme», a-t-il expliqué, ajoutant que cette situation a pour effet de «déstabiliser» des milieux déjà fragiles.
Le plan d'action libéral, qui est venu à échéance le 31 mars dernier, a investi 787 millions de dollars en cinq ans pour aider les communautés de langue officielle à développer des services d'enseignement ou de santé ou encore pour améliorer la formation linguistique des fonctionnaires.
Le gouvernement Harper s'est engagé à offrir une suite, mais il demeure discret sur l'ampleur du financement qu'il retiendra. L'ancien premier ministre du Nouveau-Brunswick, Bernard Lord, mandaté par le fédéral pour étudier la question, a recommandé d'investir un milliard pour les cinq prochaines années.
Le député libéral Denis Coderre a applaudi au rapport du commissaire Fraser, mais il dit ne pas se faire trop d'illusions sur le plan que les conservateurs promettent.
«Vous savez, on dit le plan s'en vient, mais [...] pour avoir un plan, ça prend des ressources. Il faut que ces ressources-là soient dans le budget et il n'y a pas d'argent dans le budget.»
Les rumeurs veulent que la ministre Verner dévoile ses mesures à la mi-juin, à Québec.
Le député néo-démocrate Yvon Godin estime que la ministre doit mettre fin immédiatement au suspense et dire quand son plan sera dévoilé. En retardant l'annonce du financement pour les années à venir, les conservateurs «le font sur le dos des communautés», qui en paient le prix, a soutenu M. Godin.
Pour une deuxième année consécutive, M. Fraser dénonce aussi le manque de cohérence entre le discours du gouvernement et les actions. Le gouvernement dit appuyer la dualité linguistique, mais peu de progrès ont été constatés dans plusieurs domaines, souligne le rapport.
On y donne l'exemple de la langue de travail dans la fonction publique fédérale, où le commissariat a même observé un recul dans certains ministères.
En fait, à l'aube du 40e anniversaire de la Loi sur les langues officielles, M. Fraser constate avec désolation un «plafonnement». Et, à moins d'un coup de barre important, l'avenir ne s'annonce pas plus rose.
Le rapport annuel du commissaire offre aussi un aperçu du rendement des ministères et agences en matière de langues officielles. En 2007, le commissariat a reçu 884 plaintes, dont 634 étaient recevables.
De ce nombre, 50 % touchent les 10 pires organismes fédéraux. Encore une fois cette année, Air Canada est l'organisme qui a fait l'objet du plus grand nombre de plaintes, suivi par Postes Canada, Service Canada, l'Agence du revenu du Canada et la Défense nationale.
Bien qu'il n'en fasse pas mention dans son rapport, M. Fraser a aussi tenu à réitérer, en conférence de presse, sa position sur le bilinguisme des juges de la Cour suprême du Canada.
Le gouvernement doit nommer bientôt un remplaçant au juge Michel Bastarache et les pressions se font de plus en plus grandes pour que cette personne soit bilingue.
«La Cour suprême du Canada doit non seulement être formée de juges ayant des compétences juridiques exceptionnelles, mais elle doit aussi être le reflet de nos valeurs et de notre identité canadienne en tant que pays bijuridique et bilingue», a dit M. Fraser.


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