Françoise David et la gauche régressive

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Elle ne nous manquera pas

Alors que le Québec tout entier béatifie d'une seule voix Françoise David depuis l'annonce de sa démission de l'Assemblée nationale, je vais faire l'avocat du diable et parler du côté sombre de l'aspirante à la sainteté. Sans détour : Françoise David était l'une des trois incarnations parlementaires de la gauche régressive québécoise.

L'expression «gauche régressive» (regressive left) apparaît en 2012, sous la plume du djihadiste repenti Maajid Nawaz.

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[La gauche régressive est] une partie de la gauche qui, au nom du respect de la diversité culturelle, au nom du multiculturalisme, au nom de la rectitude politique, au nom de l'antiracisme, au nom de la lutte contre l'islamophobie, va préférer - c'est presque une réaction autoritaire - taire et empêcher le débat, plutôt qu'offenser les communautés de minorités ethniques. [...] Je parle de cette partie de la gauche, que j'appelle la gauche régressive, qui, souvent au nom de l'antiracisme, de la tolérance culturelle et de la diversité, a décidé de se faire les bigots du faible standard, a décidé de ne pas seulement tolérer, mais soutenir, au nom de la diversité culturelle, toutes les formes de fanatismes des minorités culturelles et de passer sous silence ceux qui sont minoritaires au sein même de ces minorités : les ex-musulmans, les féministes musulmanes, les musulmans libéraux, les groupes minoritaires comme la communauté Ak Mudia. Il y a plein de minorités à l'intérieur de la minorité musulmane qui tentent de s'opposer au discours dominant, mais la gauche régressive dit aux musulmans quoi penser et si vous ne dites pas ce que la gauche régressive dit aux musulmans de dire, vous êtes ou islamophobe ou raciste. (Maajid Nawaz)

La gauche progressiste, pour sa part, est contre l'idée que les droits des Occidentaux s'arrêtent là où commence la sensibilité des minorités. Elle s'oppose à la censure de la critique de l'islam. Elle est contre les accommodements religieux. La gauche progressiste reconnaît que critiquer et se moquer des religions est une façon tout à fait légitime d'exercer sa liberté de conscience.

Deux déclarations de Françoise David manifestent notamment son appartenance à la mouvance décrite par Maajid Nawaz.

1. Le 24 septembre 2009, Françoise David s'est réjouie de la victoire d'Adil Charkaoui en cour fédérale. «Sa totale remise en liberté est une victoire pour la démocratie et un désaveu total de la politique ultra-sécuritaire du gouvernement Harper. Québec solidaire s'oppose depuis le tout début à ces certificats de sécurité qui violent les droits les plus fondamentaux des individus concernés. Il s'agit également d'une victoire pour tous les groupes de la société civile qui l'ont appuyé au cours de ces années difficiles.»

2. Françoise David disait en 2009 : «S'il existe à Montréal peut-être quelques dizaines d'islamistes qu'aimeraient bien islamiser le Québec, moi je ne trouve pas cela très menaçant. Cette analyse-là, pour moi, ne tient pas la route.» Cinq ans plus tard, des milliers de musulmans manifestaient contre la laïcité dans les rues de Montréal.

Ces déclarations malheureuses de François David découlent de la position officielle de Québec solidaire : la pseudo-laïcité dite «ouverte». Tous les militants de Québec solidaire ne sont pas à l'aise avec cette position, et c'est pourquoi j'ai quitté ce parti.

Québec solidaire ne voit pas que la religion est au cœur de certains rapports de domination. Cet aveuglement est l'origine première de son caractère régressif. Les gens de Québec solidaire s'évertuent à nier l'existence du statut de religion d'État que possède l'islam dans certains pays et de son rôle répressif et de contrôle social. Et en ce sens, l'approche de Québec solidaire est occidentale, trop occidentale. Puisque la religion d'État n'existe pas en Occident, faisons comme si elle n'existait pas davantage dans le reste du monde et faisons comme si le but des fous d'Allah n'était pas de la réintroduire sa Loi partout. Ce sont des aveugles qui conduisent des aveugles; si un aveugle conduit un aveugle, ils tomberont tous deux dans une fosse (Matthieu, 15 :14).

En défendant les privilèges religieux au nom d'une interprétation abusive de la notion de droit à la liberté religieuse, Québec solidaire protège l'islamisme, l'encourage, le conforte, soutient les privilèges religieux, et tout cela comme si c'était naturellement un dû, même au détriment d'autrui ou de l'intérêt collectif. Québec solidaire se range donc dans le camp de la gauche régressive.

Les biens pensants de Québec solidaire favorisent l'avancée de l'islamisme politique en défendant le «choix» de celles qui portent le voile. Les femmes qui le portent sont, intentionnellement ou non, les porte-étendards d'une mouvance politique radicalement antidémocratique. Le philosophe Bernard La Rivière écrit donc avec raison que «Québec solidaire appuie un certain intégrisme en adoptant la posture de la "laïcité ouverte" et en défendant le port de signes religieux ostentatoire dans les institutions d'État ». Ce faisant, Québec Solidaire accorde plus d'importance aux droits individuels de certaines immigrantes qu'au droit collectif des Québécois à un État totalement séparé de la religion. Plutôt étrange pour un parti qui se dit préoccupé par le bien commun. «Politiques, réformateurs et tous ceux qui se réclament d'un prétexte collectif sont des tricheurs», écrit Émile Cioran dans son Précis de décomposition.

Québec solidaire devrait apprendre à faire la distinction entre l'islamisme et l'islam. Il n'y a rien de xénophobe, de raciste ou d'islamophobe à s'opposer à l'instrumentalisation politique d'une religion. On ne peut se dire en faveur de la laïcité sans être contre l'intrusion de la religion dans la politique et dans les institutions d'enseignement. «[I]l y a une différence majeure entre islam et islamisme, dit La Rivière, entre musulman ou musulmane et islamiste, entre islamophobie et "islamistophobie". Il convient de faire ces distinctions, vu le trio d'insultes si souvent servi aux laïques accusés, je le répète, d'être xénophobes, racistes et islamophobes».

La laïcité est avant tout un principe démocratique, pas la solution à une menace. Ce ne sont pas les lâches accusations de xénophobie, de racisme et d'islamophobie qui feront mourir l'idéal démocratique d'une laïcité sans adjectif, c'est-à-dire pleinement assumée.

Référence

Bernard La Rivière, Enfin la laïcité!, Montréal, Éditions XYZ, 2014.


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