Je suis loin d'être toujours d'accord avec les positions de François Legault, député du Parti québécois et porte-parole de l'opposition officielle en matière d'économie et de finances à l'Assemblée nationale. Par contre, en ce qui concerne la fiscalité des entreprises, lui et moi sommes sur la même longueur d'onde. Je suis même prêt à dire que M. Legault est le politicien québécois le plus courageux et le plus avant-gardiste en la matière. Il défend systématiquement l'importance pour le Québec d'adopter un taux d'imposition des entreprises parmi les plus concurrentiels au monde et il a souvent réclamé l'abolition la plus rapide possible de la taxe sur le capital, une taxe nuisible à l'investissement et à l'emploi.
Malgré les apparences, cette position n'est pas contradictoire pour un adepte de la social-démocratie. Les pays scandinaves ont compris l'importance pour une économie ouverte de maintenir un taux d'imposition des entreprises concurrentiel pour attirer les investissements étrangers et favoriser l'entrepreneuriat local. Par ailleurs, une économie dynamique est avantageuse non seulement pour les investisseurs et les entrepreneurs, mais également pour les travailleurs et les consommateurs. Cette réalité a été exposée une nouvelle fois par le rapport Fortin sur l'investissement des entreprises, rendu public il y a un an.
Une compagnie est, fondamentalement, une fiction juridique. Il est évident que ce n'est pas cette entité qui paie des impôts en fin de compte, mais bien des individus de chair et d'os qui sont liés à cette personne morale. Contrairement à ce qu'on pourrait penser, ces individus ne sont pas les propriétaires de l'entreprise. À ce propos, il vaut la peine de citer le rapport Fortin: «Lorsqu'on taxe le revenu d'une entreprise, on lui enlève de l'argent qui servirait en partie à accorder des augmentations de salaire et à faire des investissements qui rehausseraient la productivité, donc encore plus les salaires. Des recherches menées auprès de dizaines de milliers d'entreprises indiquent que c'est presque 100 % de toute hausse des impôts des sociétés qui est payée par les salariés.»
Bref, la réduction du fardeau fiscal des entreprises est en fait une mesure protravailleurs qui devrait faire consensus, y compris chez les syndicats. Si le gouvernement québécois garde le cap, le taux effectif d'imposition de l'investissement sera de 19 % en 2012, ce qui nous situera dans la médiane des pays de l'OCDE. Or, le salaire moyen étant plus faible au Québec que chez ses voisins, nous devons faire un effort substantiellement plus grand qu'ailleurs pour améliorer la productivité des entreprises et donc, par ricochet direct, les salaires des travailleurs.
À l'exception de quelques hurluberlus nihilistes (dont plusieurs ont tendance à travailler dans le mouvement écologiste), tout le monde souhaite une expansion de la croissance et de la prospérité qui en découle. Qu'on soit partisan ou non des différents programmes sociaux, il faut reconnaître qu'ils ne sont pas gratuits et que plus une société est prospère, moins elle sera étouffée par le poids de ces programmes. Cette prospérité passe notamment par un allégement du fardeau fiscal des entreprises.
Pour le bien de l'économie québécoise, je souhaite qu'il y ait davantage de François Legault dans tous les partis, c'est-à-dire des politiciens rationnels et pragmatiques qui font l'effort d'expliquer la justesse de leur position même si cela peut sembler difficile et impopulaire. Il s'agit malheureusement d'une denrée rare. Espérons que Madame la Ministre Jérôme-Forget saura s'inspirer du meilleur de François Legault dans son prochain budget.
***
Michel Kelly-Gagnon, Président de l'Institut économique de Montréal (www.iedm.org)
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé