COURSE AU PQ

Faux pas dans une nouvelle vie

1d8a5f684ac067356fcb93a36e493c72

L'erreur du néophyte

Les libéraux soutiennent dur comme fer qu’ils entendent ne pas se mêler de la course à la direction du Parti québécois. C’est vrai qu’ils tiennent déjà pour acquise la victoire de Pierre Karl Péladeau. Une victoire qui, dans le grand ordre des choses, pourrait faire leur affaire. On veut bien lui nuire, mais pas trop : il ne faut pas qu’il se désiste.

Quand les libéraux ont appris que la Coalition avenir Québec allait présenter une motion, mercredi, pour demander au gouvernement de modifier la Loi sur le Code d’éthique et de déontologie des parlementaires afin d’empêcher un député d’occuper ses fonctions s’il détient un intérêt majoritaire dans un média, les stratèges libéraux se sont dit : « Ah non ! Pas encore. Les caquistes ne sont pas stratégiques : toujours prêts à sortir le bazooka pour réaliser des gains immédiats sans penser plus loin que leur nez. »

Il faut dire que l’occasion était belle pour les caquistes de sauter dans le train que Jean-François Lisée avait lancé lors de la Conférence des présidentes et des présidents du PQ. Déjà, en campagne électorale, François Legault avait attaché le grelot en exigeant que Pierre Karl Péladeau vende ses actions. Mais la sortie du député frondeur a donné beaucoup d’élan à une position que le chef caquiste ressassait depuis des mois.

C’est avec réticence que les libéraux ont voté pour la motion caquiste. Dans un monde idéal, ils auraient bien voulu réserver l’essentiel des salves non pas contre PKP le simple député de Saint-Jérôme, mais contre PKP le chef du Parti québécois.

Débat de société

S’ils ont voté pour cette motionqu’ils jugeaient prématurée, c’est qu’ils ont obtenu de la CAQ qu’elle appuie la tenue d’une commission parlementaire pour faire du cas Péladeau « un débat de société absolument fondamental », a affirmé mercredi le premier ministre Philippe Couillard à l’Assemblée nationale, c’est-à-dire « la relation entre ce qu’on appelle le quatrième pouvoir, les médias, et les autorités gouvernementales ou les gens en responsabilité parlementaire ».

Le leader parlementaire du gouvernement, Jean-Marc Fournier, s’est découvert un intérêt marqué pour les débats sur l’indépendance journalistique. Ce « débat de démocratie qui se soulève dans la population » va « happer » le leader parlementaire péquiste, Stéphane Bédard, il va « happer » le Parti québécois, a-t-il déclaré, sans qu’on sache trop si se faire happer signifiait pour lui se faire frapper, devenir la victime d’une sorte de choc des idées.

Lors du débat sur la motion mercredi, Jean-Marc Fournier a évoqué un projet législatif ambitieux : la commission parlementaire, où seront entendus la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, le Conseil de presse du Québec, des universitaires patentés et experts des médias, pourrait déboucher sur des propositions de modifications non seulement de la Loi sur le Code d’éthique des parlementaires, mais aussi de la Loi sur l’Assemblée nationale et de la Loi sur l’exécutif.

D’autres consultations

Ce branle-bas de combat législatif, auquel s’opposent vivement les péquistes, donnerait lieu à d’autres consultations en commission parlementaire : l’enjeu serait encore bien vivant — et pour des mois encore — au moment de l’élection d’un magnat de la presse à la tête du PQ le printemps prochain. On a même évoqué l’idée que ces projets de loi qui régissent les élus soient adoptés sans l’appui de l’opposition péquiste, les trois autres partis formant un « consensus » qui regroupe plus de 75 % des élus de l’Assemblée nationale.

Mais, au lendemain du débat sur la motion, Philippe Couillard a mis le holà à cette stratégie. Le premier ministre a dit qu’il voulait éviter un « déchirement partisan qui va laisser les citoyens amers ». Il croit que Pierre Karl Péladeau devra choisir et que la réalité politique le rattrapera. Et si son choix, c’est de conserver son « patrimoine légué par son père », comme il le dit, il sera jugé par les militants péquistes, puis par la population.

Ça ne date pas d’hier que la CAQ se fait accuser par les libéraux de manquer de sens stratégique. Mais en présence de PKP, caquistes et libéraux ne partagent pas du tout les mêmes intérêts stratégiques, souligne-t-on dans l’entourage de François Legault.

Le candidat Péladeau, avec son poing en l’air, a donné non seulement la victoire aux libéraux aux dernières élections, mais un gouvernement majoritaire, fait-on observer.

On ne le cache pas : l’arrivée de Pierre Karl Péladeau à la tête du PQ serait de mauvais augure pour la CAQ. D’abord, son profil de chef d’entreprise est semblable à celui de François Legault. En outre, tout comme François Legault, le magnat est perçu comme étant au centre droit de l’échiquier politique, bien qu’il fasse des pieds et des mains pour se montrer plus à gauche.

Des craintes

Mais surtout, avec Pierre Karl Péladeau à la tête du PQ, la perception que l’indépendance se rapprocherait serait plus forte. Les libéraux ressortiraient la carte du référendum imminent, polarisant ainsi l’électorat, au détriment du deuxième parti, la CAQ. Oui, c’est vrai, les caquistes ont peur de PKP.

Aux yeux de François Legault, plusieurs inconnues subsistent au sujet du nouveau venu. Ainsi, Pierre Karl Péladeau, à la tête du PQ, dirigerait un parti fondé par un journaliste alors qu’il ne daigne pas, le plus souvent, répondre à la presse, se contentant de s’exprimer sur le média narcissique Facebook, fait-on remarquer. Impossible aussi de prévoir l’effet célébrité du couple Snyder-Péladeau en politique, une première au Québec, ajoute-t-on.

Avant que le débat sur la motion ne commence mercredi, Pierre Karl Péladeau, de façon théâtrale, s’est retiré du Salon bleu, invoquant l’article 25 du Code d’éthique qui dit, en substance, que si une question dans laquelle un député a un intérêt personnel est abordée, il est tenu de le déclarer et de se retirer. La même mise en scène, signée par la leader parlementaire péquiste, Agnès Maltais, s’est répétée le jour du vote, jeudi. Or, c’est précisément cet article que Pierre Karl Péladeau a reconnu avoir enfreint en intervenant au sujet du studio Mel’s. « J’avoue qu’il s’agit d’un nouvel environnement pour moi ainsi que d’une nouvelle vie », disait-il, mercredi, de la politique. Il ne pouvait mieux dire. Les libéraux pourraient avoir à revoir leur jugement sur PKP.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->