Nos chaînes spécialisées sont en danger

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Que l’on pense à TVA Sports, à LCN, à addikTV ou à CASA, l’énorme intérêt des Québécois pour les chaînes télé spécialisées de Groupe TVA ne se dément pas. Nous sommes fiers d’y proposer des contenus spécialement choisis et créés pour les téléspectateurs, en fonction de leurs goûts et de leurs attentes. Cependant, comme partout ailleurs, la révolution numérique et la mondialisation vulnérabilisent une réalité déjà fragile, marquée par de profondes iniquités entre les joueurs de l’industrie, encore assujettie à une réglementation de plus en plus obsolète. Aujourd’hui, l’avenir de nos chaînes est en péril.


Il faut d’abord comprendre que pour se financer, toutes les chaînes spécialisées reçoivent des revenus d’abonnements provenant des différents télédistributeurs comme Telus, Bell ou Vidéotron. Or, la réglementation fait en sorte que ces revenus d’abonnements ne correspondent plus à la valeur de nos chaînes, mais favorisent malencontreusement un seul joueur dominant, Bell, qui reçoit 49 % de la part des revenus d’abonnements payés par l’ensemble des télédistributeurs.


Héritage monopolistique


Comment en sommes-nous arrivés là ? Les chaînes spécialisées que Bell détient aujourd’hui – d’ailleurs acquises en grande partie à la suite de la transaction controversée avec Astral – ont fait leur apparition dans le paysage télévisuel canadien il y a plus de 30 ans. Ces chaînes bénéficiaient alors d’un monopole et de protections réglementaires leur conférant des avantages concurrentiels et tarifaires. Au tournant des années 2000, TVA a innové en créant de nouvelles chaînes spécialisées, apportant un vent de changement et de diversité dans l’industrie. Depuis, leur popularité ne cesse de croître. En revanche, les parts d’écoute et le nombre d’abonnés des chaînes de Bell sont en décroissance. Malgré ces faits, malgré ces chiffres, les revenus d’abonnements de Bell augmentent, et ce, en raison d’un héritage monopolistique qui n’a plus raison d’être aujourd’hui.


Plus concrètement, comment expliquer les augmentations des tarifs de distribution de Bell alors que ses parts d’écoute, au Québec, ont chuté de 6 parts de 2014 à 2018 ? Au contraire, pour la même période, comment comprendre que la croissance de 5 parts pour les chaînes spécialisées de Groupe TVA ne se traduit pas par un ajustement significatif des revenus d’abonnements versés par les télédistributeurs ? Comment expliquer qu’avec des investissements comparables à RDS, TVA Sports reçoit près de 40 % moins de revenus d’abonnements ? Comment aussi expliquer que LCN, la chaîne spécialisée la plus regardée au Québec avec 2,1 parts de marché de plus que RDI, obtient un tarif inférieur ?


La réponse est tristement claire : l’autorité réglementaire ne souhaite pas encourager l’innovation et la concurrence, mais préfère protéger les privilèges historiques des anciens monopoles. Et ces iniquités ont des conséquences néfastes sur la pérennité de nos chaînes et de nos contenus.


Il est impératif de rééquilibrer les tarifs de distribution de l’ensemble des chaînes spécialisées, non pas en se basant sur les tarifs historiques, mais en fonction de la juste valeur marchande de chaque chaîne, établie selon des critères objectifs tels que la popularité des services. Ainsi, il faut baisser les tarifs des chaînes qui ne sont pas ou peu regardées par les téléspectateurs et récompenser les chaînes les plus performantes. Le consommateur n’a pas à payer plus cher pour ses chaînes, c’est à l’industrie de s’ajuster.


Signal d’alarme


Avant d’atteindre le point de rupture, nous lançons aujourd’hui un signal d’alarme, par le biais d’une vaste campagne d’information. Le système de radiodiffusion est brisé et la situation doit changer. C’est la survie de notre identité culturelle qui est en jeu, affectant par le fait même notre capacité à produire du contenu qui nous ressemble et qui nous rassemble.


Il y a urgence d’agir !


Pierre Karl Péladeau

Président et chef de la direction de Québecor