Ecrit par Wahid Megherbi
Le long parcours de Monsieur Salem reflète une continuité dans l'esprit et l'âme de ses actions. Un regain de ferveur épaissit les traits de son visage lorsque l'Algérie est citée. Il conte l'histoire de son pays de naissance avec passion. Fervent partisan de la souveraineté du Québec; il ne renie pas ses origines pour autant. Ses souvenirs rappellent un monde séculaire où les traditions écrites et orales demeurent gardiennes d'un héritage millénaire. Il prône une coopération plus accrue entre l'Algérie et le Québec. Son désir ardent de voir les Algériennes et Algériens évoluer, brillamment, est le fruit d'une démarche ancrée dans une foi déterminée.
D'un ton calme, M.Salem nous développe sa façon de voir en répondant à mes questions pour éclairer les fidèles lecteurs de KSARI.COM.
Wahid.Megherbi: Monsieur Salem vous avez une position tranchée sur un sujet épineux lorsque vous vous réclamez non pas comme Algérien au Québec mais un Québécois d'origine algérienne. Qu'en est - il exactement de cette position singulière?
Farid.Salem: Ma position n'est pas aussi singulière que ça, elle est la conséquence de mon expérience vécue au Québec depuis mon arrivée il y a de cela près de vingt ans. Je me suis impliqué au sein de la communauté algérienne établie à Montréal et dont le nombre avoisinait les quelques milliers. Il y avait deux ou trois associations qui activaient dont la plus connue, l'association Aurès. Je me suis aperçu , après trois années, que nous étions en train de créer un ghetto et reproduire, ici au Québec, une image rapetissée de la société algérienne ; on faisait fausse route. Je me suis décidé d'aller vers la société d'accueil en m'impliquant à titre bénévole dans différents organismes dans le but de mieux comprendre la structure de la société québécoise.
J'ai compris que nous , Algériens , avions besoin des Québécois qui étaient disposés à nous apporter tout le soutien nécessaire pour notre insertion; et que nous pouvions ,à notre tour, leur être d'une grande utilité aussi grâce à notre apport si riche et varié.
A vrai dire , les Québécois ne nous connaissaient pas et nous ne les connaissions pas; il y avait un fossé qui nous séparait et il était temps de se connaître pour mieux se comprendre. Il fallait se mettre en mode québécois pour en hériter les bienfaits et surtout ne plus revivre les soubresauts des conflits existentiels qui ont mené le pays à une impasse.
Pensez-vous que beaucoup d'Algériens établis au Québec ont épousé vos thèses ?
Récemment encore, des Algériennes et Algériens ont revendiqué leur québécosité avec force et persuasion; ils ont intervenu pendant la commission Bouchard pour clamer leur appartenance à cette société sans pour autant renier leurs origines. Nous venons de faire des pas de géants car dans un passé récent beaucoup rechignaient à se revendiquer québécois . Je pense que ma façon de voir a fait des émules ,elle a porté ses fruits.
Les Québécois de souche , ceux qui ont réalisé la révolution tranquille ont plus de moyens médiatiques pour porter leur voix . Ont-ils fait assez d'efforts pour nous adopter?
Personne ne doit adopter l'autre, les choses sont claires. Les Québécois ont bâti ce pays au bout de quatre cent ans , cela n'a pas été facile . Ils ont édifié une démocratie qui permets aux ressortissants de nombreux pays de jouir d'une qualité de vie précieuse. On est venus ici avec nos familles pour s'épanouir et partager nos valeurs avec un peuple qui essaye , avec courage, de rester debout pour ne pas disparaître dans un océan anglophone , pas souvent amical. Nous sommes ici pour consolider l'édifice québécois , qui reste fragile ; la langue française se trouvera menacée si nous ne lui accordons pas toute notre attention. Et il se trouve que les algériens sont de fervents francophones .
Les immigrants Algériens ont choisi le Québec pour venir participer à l'édification de la société québécoise et ils se retrouvent , pour une partie d'entre eux exclus du monde du travail, qu'en dites- vous?
Je ne nie pas l'existence du taux de chômage, anormalement élevé, qui caractérise la communauté algérienne et maghrébine en général. On vit actuellement sous le règne d'un gouvernement qui n'a pas mis sur la table assez de ressources pour faciliter l 'intégration au travail. Il devrait mettre d'emphase sur des moyens plus conséquents pour de meilleurs résultats.
Le chef d'entreprise québécois qui dirige , seul, sa compagnie peux ne pas recruter des personnes maghrébines pour des raisons subjectives . Que préconisez-vous pour amener cette personne à changer d'attitude?
Nous sommes en Amérique du Nord , et de ce fait , un chef d'entreprise recrute la personne qui correspond au profil recherché pour un poste précis. Par contre, au niveau de la fonction publique, les choses doivent bouger . Je refuse de me mettre en mode de victimisation, mais j'en appelle au bon sens de chacun car notre avenir ne doit pas dépendre du bon vouloir de fonctionnaires mais d'un désir fort de rallier toutes nos énergies pour un objectif commun , celui de renverser la tendance du chômage.
Qu'elle est la frontière entre l'approche individuelle et l'approche collective pour une intégration réussie?
Nous sommes une immigration récente , la majorité à un niveau d'instruction enviable. Nous devons aller doucement et chacun a sa part de responsabilité. L'intégration est d'abord individuelle ; le changement doit venir de l'initiative personnelle . Le courage et une vision claire doivent être les soubassements de tout entreprenariat qu'elle que soit sa forme , surtout celui qui consiste à se frayer une place de choix dans une nouvelle société.
Quel est le rôle de la communauté algérienne pour l'intégration de chaque nouveau immigrant?
Grâce aux efforts des nombreuses associations qui activent dont le but de d'apporter les informations nécessaires et l'accompagnement approprié ; la communauté algérienne est en phase d'acquérir une visibilité qui se doit d'être plus grande dans le futur.
Nous nous devons de donner une image plus positive de nous-mêmes ; c'est ainsi que nous pourrons porter, haut ,nos ambitions et nos valeurs. On pourra, plus rapidement, s'amarrer à la société québécoise, toujours, prête à nous aider si un tant soit peu nous lui signifions notre désir sincère d'en faire partie. Nous préserverons notre spécificité algérienne qui ne peux être que complémentaire à la réalité québécoise.
Farid Salem , un Québécois fier de son algérianité
"Récemment encore, des Algériennes et Algériens ont revendiqué leur québécosité avec force et persuasion; ils ont intervenu pendant la commission Bouchard pour clamer leur appartenance à cette société sans pour autant renier leurs origines"
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3 commentaires
alain harrison Répondre
20 mai 2019Bonjour.
À cette citation d’Albert Einstein :
“Le monde que nous avons créé est le résultat de notre niveau de réflexion, mais les problèmes qu’il engendre ne sauraient être résolus à ce même niveau.”
L’Histoire de l’Humanité est traversé par un ensemble d’avancés, dont l’Époque des Lumières est sans doute le véritable tournant, le passage des croyances comme seule référence de la réalité traduit en casi symbiose avec le mythe, vers la naissance de la pensée scientifique et rationnelle (esprit critique, questionnement….) jusqu’à aujourd’hui, où nous pouvons considérer l’ensemble de la Grande Histoire de la naissance de l’Univers aux grandes extinctions jusqu’à aujourd’hui. Si nous regardons le Bilan, nous pouvons nous apercevoir que les croyances sont en fait un amalgame du mythe et de la réalité historique commencé, sans aucun doute, avec l’hominisation et sophistiqué dans le temps. Aujourd’hui, la pensée rationnelle "équilibrée" nous dit, à travers la vue d’ensemble Historique, le questionnement cohérent et l’honnêteté intellectuelle, qu’en fait l’homme à chaque époque, et surtout à partir de l’époque des lumières, est encadré par le tandem connaissance-ignorance (le su et le non su, Korzybski), une évidence aujourd’hui, si on y réfléchit.
En chaque avancé pour l’humanité, il n’y a pas de contradiction, elle est une nouvelle étape de la Connaissance. Là ou réside les contradictions, c’est dans l’instrumentalisation qu’en fait les hommes selon divers intérêts, plutôt que de les dépasser, d’où une vision partielle et non une vision globale ou d’ensemble.
Exemple d’avancés : l’époque des lumières (XVIII e siècle (de 1715 à 1789), la Révolution Française (5 mai 1789 – 9 nov. 1799), l’époque (XIX e siècle) où émerge le Darwinisme, Marx qui rationalise le fait de la lutte des classes, la Révolution Industrielle, la révolution libérale et de 1917, et la monté exponentielle des connaissances et des réalisations de plus en plus techniques et sophistiqués, pas nécessairement pour le bien, nous le constatons de plus en plus. On peut constater que depuis l’Époque des Lumières, la Révolution devient un concept et un modus operandi qui nous fait avancer à grand pas, mais aussi une marche forcée avec des dommages collatéraux qui nous rattrapent. Quel bilan en tirer pour la suite des choses ?
Voyons lucidement et concrètement ce que dit Einstein :
“Le monde que nous avons créé est le résultat de notre niveau de réflexion, mais les problèmes qu’il engendre ne sauraient être résolus à ce même niveau.”
Un indice : La révolution française, celle de 1917 dans le cadre des deux guerres, et les indépendances qui suivirent, dans les luttes armées.
Mais, avec le Chili d’Allende au Vénézuéla, en ce moment le Peuple Algérien et le potentiel des Gilets jaunes (juste une anecdote ?), éclore un nouveau paradigme révolutionnaire du essentiellement à la maturité des peuples.
Pour Jean Jaurès, la révolution socialiste n’est concevable que dans le cadre de la légalité démocratique, c’est-à-dire par une conquête graduelle et légale par le prolétariat des institutions parlementaires et de la puissance de la production.
Le nouveau paradigme révolutionnaire (Gandhi, Mandela en sont des figures de maturité), Jean Jaurès l’a rationalisé, comme Marx avait rationalisé la lutte des classes par analogie à la compétition pour la survie mis en lumière par le concept de l’Évolution naturelle.
Le Vénézuéla accompli, malgré le déluge, la sentence de Jean Jaurès.
Plutôt que de rester piéger dans l’esprit du vieux monde...…...pour ce faire nous devons nous confronter et vaincre le Méta Conditionnement, la somme des conditionnements-manipulations. La condition humaine.6
Le chapitre 1 du livre de Jean-marie Abgrall, tous manipulés tous manipulateurs.
Dans les avancés il n’y a pas de contradiction, c’est notre vision partielle et partiale qui crée les conflits et raté le potentiel.
Il n’y a pas de contradiction entre Marx, JM Abgrall ou Krishnamurti….ou Le Boyer..., chacun représente une avancé, un approfondissement…..à des niveaux de conscience différents mais complémentaires, mais par __ erreur de perception nous divisons (Krishnamurti).
Korzybski (le su et le non su)
Bonne méditation.
Archives de Vigile Répondre
22 août 2008Chat échaudé craint l'eau froide. C'est ce qui pourrait caractériser l'attitude de la majorité des Québécois d'origine algérienne face à la question de l'indépendance du Québec. En Algérie Française, ils ont opté pour l'indépendance, ils se sont exprimés par les urnes. Le général De Gaulle en a pris acte, ils ont eu leur indépendance. À peine une vingtaine d'années plus tard, les Algériens se sont mis à la recherche de la nationnalité française. 40 ans plus tard, c'est devenu le sport national, l'occupation principale, et aujourd'hui c'est pour nombre d'entre eux la seule raison de continuer à vivre. Alors se séparer du Canada en votant pour l'indépendance du Québec, il faudra vraiment leur prouver par A + B qu'est-ce que le peuple Québécois va y gagner concrètement.
Jacques Bergeron Répondre
17 août 2008M. Farid Salem est un bel exemple d'intégration à la société qui a su l'accueillir. Tous les Algériens, comme tous les Canadiens-français québécois et d'autres groupes de Québécois, ne sont pas devenus des sympathisants indépendantistes pour autant, ce qui est dans la normalité des choses. Mais lorsque je vois ces Québécois de différentes ethnies,comme monsieur Salem et notre ami Dino Frucchi se joindrent à notre combat d'émancipation nationale, je crois que notre cause est plus juste que jamais. Avec des gens de cette qualité, on devrait pouvoir donner bientôt au monde entier un nouveau pays indépendant de langue «française» en terre des Amériques si nous y mettons tous nos efforts et si nous n'abandonnons pas la promotion de l'indépendance aux seuls «Politiques» que nous avons élus pour la promouvoir, que ce soit le Bloc Québécois à Ottawa, véritable rempart contre les intrusions des fédéralistes au pays du Québec ,ou le Parti Québécois à l'Assemblée nationale du Québec?La promotion de l'indépendance du Québec relève de «chacun» et de «chacune» d'entre nous, de cela nous devons nous convaincre jusqu'à ce que le jour «J» de la liberté politique du Québec arrive.Merci mille fois à celles et ceux qui ont compris que notre idéal dépendait d'eux et de celles et ceux qui par leur exemple auront ralliés des Québécois à la cause indépendantiste du Québec.Bravo à tous ces nouveaux Québécois et à toutes ces nouvelles Québécoises d'avoir su,par la compréhension de notre vouloir-vivre indépendant et en français sur cette terre «inhospitalière anglo-saxonne», se rallier à l'idéal d'un «Grand Peuple» qui n'en finit plus d'être assujetti et avili par les politiques fédérales, comme le démontre encore une fois le «400ème» anniversaire de la fondation de Québec. Jacques Bergeron Ahuntsic, Montréal