Vous avez dit... "pluralisme intégrateur"?

Simple question de méthodologie, ou nouveau modèle de société?

Chronique de Thérèse-Isabelle Saulnier

Ce vous, c'est.... - Qui? - Mystère et boule de gomme! Une trouvaille personnelle, faut croire, car depuis le 23 mai dernier, jamais, au grand jamais, je n'ai vu ces deux mots-là - ni vous non plus, je présume - dans quelque commentaire ou analyse faite du rapport Bouchard-Taylor... - Et pourtant... - Oui-oui! Ce "pluralisme intégrateur" est une invention de messieurs Bouchard et Taylor (enfin: l'un des deux ou, peut-être, de l'un des membres de leur groupe d'experts, alias SNI (sujet non identifié...)
Mais la meilleure, chers lecteurs et lectrices, c'est le COMMENT je suis tombée sur ce plat à croquer, l'un des plus coriaces à me mettre sous la dent. D'abord, je dois vous dire que dans mon épluchure systématique du rapport Bouchard-Taylor, je n'y vais pas de la première à la dernière page; j'y vais selon mes intérêts de croqueuse de mots du moment. Or, le moment où mon regard s'est porté sur ce plat spécial, c'est lorsque j'ai lu (ou relu, je ne sais plus) le chapitre11, portant le titre de "Inégalités et discrimination", particulièrement la section 11C, sur l'insertion professionnelle, pour la question de l'équivalence des diplômes dont j'ai traité dans ma chronique précédente. - Or, que lis-je, dans l'intro de ce chapitre 11? - Ceci:
"Il importe donc d’agir en profondeur sur les rapports sociaux, sur les rapports de pouvoir, en conformité avec les exigences de ce que nous avons appelé le pluralisme intégral" (p.221).
PLURALISME INTÉGRAL? Je pense tout de suite qu'il s'agit sans doute du nom d'un nouveau modèle de société remplaçant le multiculturalisme et l'interculturalisme. Je m'étonne d'un tel nouveau concept, qui m'avait complètement échappé jusque là, et j'active la fonction "recherche" (bien utile, oh! que oui!), dans le texte du rapport, pour vérifier où, précédemment, il en fut question. C'est dans le chapitre 6, "L'intégration dans l'égalité et la réciprocité", p.115, section A, comme par hasard intitulée "Un modèle d'intégration", où on lit ceci:
"Nous proposons le concept de pluralisme intégrateur pour rendre compte de cet impératif. (Il s'agit de celui d'aborder la question de l'intégration dans une perspective globale.) Pluralisme d’abord, pour signaler le respect de la diversité; et intégrateur, pour souligner l’interdépendance de toutes les dimensions considérées et la nécessité de toutes les prendre en compte dans des démarches d’analyse ou d’intervention. L’expression invite donc à développer une conscience vive des différences, des spécificités, en même temps que de leurs étroites interrelations (ce qui appelle, du point de vue des politiques et des programmes, une approche synthèse)."
En fait, il ne s'agit donc pas d'un nouveau modèle d'intégration (le rapport B-T prône toujours, apparemment, l'interculturalisme), mais d'une méthodologie, d'une approche méthodologique au niveau de l'analyse d'une question ou d'un problème et de la recherche de solutions. Le chapitre 6 tout entier se veut, d'ailleurs, "un effort de synthèse du système d'intégration existant au Québec", et se donne pour but d'en "mettre en forme d'une manière cohérente les éléments constitutifs." (p.113). Une méthodologie fort ambitieuse et quasi téméraire, comme nous allons le voir.
LES ÉLÉMENTS CONSTITUTIFS DE CE PLURALISME INTÉGRATEUR
Ceux qui sont mentionnés dans le chapitre 6A sont, par ordre d'apparition chronologique: les dimensions, les personnes et groupes impliqués, les composantes, les finalités, les normes et les références symboliques. Pour y voir plus clair, mentionnons-les dans l'ordre logique.
Les finalités: (Elles ne sont pas mentionnées dans le chapitre 6A, où on lit seulement "à la lumière des finalités que nous avons mentionnées", mais où, précédemment? Probablement un peu partout dans le rapport, et ces finalités concernent de grands principes moraux et la poursuite de valeurs telles l'égalité et la liberté.)
Les 3 normes: l'égalité, la réciprocité et la mobilité.
Les 3 composantes du modèle d'intégration: la participation, l'interaction et la protection des droits.
Les références symboliques: l'identité, la religion, la perception de l'Autre, la mémoire...
Les dimensions (à traiter conjointement et sur un pied d’égalité): économique, sociale, culturelle, politique, civique et juridique.
Les personnes et groupes impliqués: l’État, toute la population, toutes les institutions (publiques et privées), les groupes communautaires et les individus.
Tout cela doit être traité en même temps, simultanément, puisque ces éléments sont interdépendants et interactifs et cela, bien sûr, "dans le contexte de diversité ethnoculturelle croissante qui est le nôtre" (p.115). - Eh bien, si nous appliquons, ou cherchons à appliquer cette approche globale, souhaitons-nous bonne chance! L'entreprise semble bel et bien herculéenne!!
UNE SIMPLE MÉTHODE, OU UN NOUVEAU MODÈLE SOCIAL?
Comme je l'ai dit au début, j'ai d'abord pensé que ce "pluralisme intégral", mentionné malencontreusement au chapitre 11 en lieu et place du "pluralisme intégrateur", était véritablement un nouveau modèle social qu'on nous proposait. Pour en avoir le coeur net, j'ai fait une petite recherche sur Internet, en tapant "pluralisme intégrateur". Je n'ai trouvé qu'un seul texte regroupant ces deux mots l'un à la suite de l'autre, et c'est celui de Hélène Bertheleu, "Une politique de l’équité? Des mesures et leurs effets dans trois secteurs de la société canadienne: associations ethniques, vie scolaire et sphère du travail". L'expression s'y trouve une seule fois, dans le dernier paragraphe précédant la conclusion: "La conviction, très partagée chez les intellectuels, d’être au cœur d’une société de plus en plus plurielle, incite à soutenir la mise en œuvre d’un pluralisme intégrateur, soucieux de démocratie, de citoyenneté et d’égalité."
Ma foi, ça a bien l'air d'être effectivement un nouveau modèle, bien plus qu'une simple méthodologie, et correspondant tout à fait à l'esprit du rapport Bouchard-Taylor! En ce sens, le lapsus scriptae que représente, à la page 221, l'utilisation du mot INTÉGRAL plutôt qu'INTÉGRATEUR, est très significatif et fort révélateur! Cette "conscience vive de la diversité et des spécificités culturelles", qu'on nous incite tant à développer, mène tout droit à l'idée que ce "pluralisme intégral" pourrait bien s'avérer être LE véritable modèle de société québécoise que nous proposent Bouchard et Taylor!
PAS SI SIMPLE
Une question, à volets multiples et à nombreux "éléments constitutifs", demeure: pourquoi donc chercher à maintenir cette diversité croissante, plutôt qu'à l'atténuer? Pourquoi l'idéal serait-il que les immigrants se différencient de la société d'accueil, comme l'a exprimé Gérard Bouchard, au forum du 29 octobre dernier? Est-ce même ce qu'ils veulent, pour eux et pour leurs enfants? Ce "pluralisme intégral", ou ce "pluralisme intégrateur", dont le nom sonne comme le nom d'une véritable bombe, ne serait-il pas, plutôt, désintégrateur?
Vraiment, il y aurait là matière à ouvrir un dossier spécial sur Vigile, portant spécifiquement sur l'immigration et l'intégration, afin d'y voir clair sur les tenants et aboutissants d'un tel modèle de société, particulièrement pour le Québec. - Et une relecture du petit livre de Boucar Diouf, "[La commission Boucar pour un raccommodement raisonnable->12566]", pas mal plus clair et limpide que ce chapitre 6 du rapport Bouchard-Taylor, nous ferait sans doute le plus grand bien!


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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    16 août 2008

    Nos deux bouffons ont trouvé le sens de nos vies !
    C'est comme-çà que çà marche.
    Mode d'emplois B-T !
    Manuel disponible à l'Institut du Nouveau Monde.

  • Michel Guay Répondre

    15 août 2008

    Les désintégrateurs, ennemis de la nation Québecoise sont essentiellement ceux qui refusent notre droit à un cohésion sociale qui exige l'unilinguisme français territorial donc la francisation de tous les emplois .
    Sans ce respect territorial les palabres se poursuivront le temps que les fédéralistes anglicisent les immigrants en nous laissant franciser les affiches et obligent notre nation au complet à la destruction de notre langue donc à la destruction de notre culture québecoise le temps qu'ils font la promotion dans les ambassades de leur Canada unilingue anglais avec nos impôts Québecois .
    Pas de taxation sans représentation et pourtant .........