Faire passer le Québec du pétrole au gaz d'ici 10 ans

«Il faut tirer le maximum de cette ressource parce qu'elle appartient à l'ensemble des Québécois», dit Nathalie Normandeau

Gaz de schiste

Alexandre Shields - Nathalie Normandeau participait hier à la table ronde des ministres canadiens de l’Énergie organisée dans le cadre du Congrès mondial de l’énergie.
L'industrie gazière a beau répéter jour après jour qu'elle en est seulement à la phase d'évaluation du potentiel en gaz de schiste du Québec, la ministre des Ressources naturelles, Nathalie Normandeau, nourrit d'ores et déjà de grands espoirs quant au développement de cette filière controversée. En fait, elle souhaite opérer ni plus ni moins qu'une conversion du pétrole vers le gaz d'ici une décennie.
«Ce qu'on veut faire, comme société, c'est se donner 10 ans pour opérer une reconversion entre le pétrole et le gaz naturel. Dans notre portefeuille de consommation, on souhaite que le gaz naturel prenne davantage de place que le pétrole», a-t-elle expliqué hier en marge d'une table ronde des ministres canadiens de l'Énergie organisée dans le cadre du Congrès mondial de l'énergie.
La ministre a d'ailleurs indiqué que cette décision avait été prise pour des raisons environnementales. «Derrière la filière gazière, il y a l'enjeu de réduction des émissions de gaz à effet de serre. On milite en faveur d'une économie moins dépendante des hydrocarbures polluants. On a l'opportunité de consommer notre gaz et de faire en sorte qu'on contribue à diminuer les émissions de gaz à effet de serre.» Surtout, a précisé Mme Normandeau, que le potentiel québécois permettrait de «combler nos besoins [en gaz] pour les 100 ou 200 prochaines années».
Bref, elle compte tout mettre en oeuvre pour que la consommation énergétique des Québécois s'articule principalement autour d'une combinaison d'hydroélectricité et de gaz. Un objectif pour le moins ambitieux. À l'heure actuelle, l'hydroélectricité comble un total de 40 % des besoins énergétiques de la province. Mais le pétrole, omniprésent dans le secteur des transports, ne représente pas moins de 38 % de toute la consommation, contre à peine 12 % pour le gaz naturel. Québec ambitionne de réduire la part du pétrole de 38 % à 33 % au cours des prochaines années. Mais opérer une conversion de l'or noir vers le gaz demandera des efforts substantiels. Mme Normandeau n'a rien précisé à ce sujet hier.
La ministre s'est également défendue de vouloir précipiter les choses, même si les entreprises qui font de l'exploration gazière au Québec affirment quotidiennement que leur industrie en est toujours à évaluer le potentiel des gaz de schiste contenus dans le shale de l'Utica. «Nous, on est convaincus que le potentiel est là. Il existe», a-t-elle lancé. Certains évoquent des réserves récupérables de 10 000 à 25 000 milliards de pieds cubes. Mais il n'a pas été possible de savoir hier si l'industrie estimait pouvoir répondre à la demande que créera l'ambitieux projet de conversion de la ministre.
Il ne fait pourtant aucun doute selon elle qu'il faut aller de l'avant le plus tôt possible. «J'ai rencontré l'économiste en chef de l'Agence internationale de l'énergie, qui a été reconnu comme une des quatre personnes les plus influentes dans le domaine de l'énergie. Je lui demandais: "Si vous aviez un conseil à donner au Québec sur le plan énergétique, quel serait-il?". Spontanément, il m'a dit qu'il faut aller de l'avant avec la filière gazière au Québec, parce que la technique s'est peaufinée avec les années. Il m'a dit: "Je ne vous aurais pas dit ça il y a dix ans, mais aujourd'hui, la technique s'est peaufinée et le Québec peut développer un encadrement réglementaire qui soit strict".»
Redevances bonifiées?
Nathalie Normandeau doit justement rencontrer son homologue de la Colombie-Britannique aujourd'hui pour discuter de la façon dont cette province gère la filière gazière active sur son territoire. Le gouvernement touche des revenus substantiels, et ce, dès la phase exploratoire. Et la ministre a dit vouloir s'inspirer de l'expérience de la côte ouest. «On veut s'inspirer des meilleures pratiques au pays et pour nous, la référence est et va demeurer la Colombie-Britannique.»
Cela pourrait vouloir dire s'assurer de bénéfices importants pour le Trésor public. «Selon les calculs qu'on fait au Québec, on pourrait aller chercher jusqu'à 230 millions par année en redevances. Moi je me questionne sur la possibilité qu'on puisse aller au-delà des revenus de 230 millions. On a une opportunité de se questionner sur le régime de redevances actuel», a insisté la responsable des Ressources naturelles.
«Il faut trouver le bon équilibre entre un environnement fiscal et réglementaire qui soit attractif pour les entreprises et qui fasse en sorte que les Québécois soient les premiers bénéficiaires de la mise en valeur de notre potentiel gazier, a-t-elle ajouté. Il faut tirer le maximum de cette ressource parce qu'elle appartient à l'ensemble des Québécois. C'est possible d'y arriver. La Colombie-Britannique y est arrivée.»
Mme Normandeau a par ailleurs affirmé que Québec privilégiait le développement d'une exploitation gazière dédiée uniquement à la satisfaction des besoins de la province. «C'est l'option qu'on privilégie», a-t-elle d'abord dit. «C'est clair dans notre Stratégie énergétique [2006-2015] que notre volonté est de mettre en valeur le gaz naturel qui existe au Québec pour diversifier et sécuriser nos approvisionnements, a ajouté la ministre. Ce que nous disons comme gouvernement c'est: le gaz naturel du Québec pour les Québécois d'abord et avant tout.» Elle n'a toutefois pas dit qu'elle fermerait carrément la porte à l'exportation.
Le Devoir révélait hier que le président de Questerre Energy, un des trois principaux joueurs de la filière au Québec, estime que l'industrie pourrait être rentable même sans exporter une partie de la ressource.


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